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DONNEES BIBLIOGRAPHIQUES

II. Staphylococcus aureus

II.8. Résistance des staphylocoques

Les staphylocoques ont élaboré au cours du temps plusieurs mécanismes de défense pour lutter contre les antibiotiques qui sont utilisés pour les éradiquer [61]. Les mécanismes impliqués comprennent la synthèse d’enzymes inactivatrices, la modification de la cible des antibiotiques, des systèmes d’efflux qui diminuent la concentration de l’antibiotique dans la bactérie.

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II.8.1. Historique

II.8.2. Mécanisme de résistance

La dynamique évolutive de cette résistance a été caractérisée par une diffusion importante au sein des écosystèmes hospitaliers. On dit qu’une souche bactérienne est résistante à un antibiotique lorsqu’une modification de son capital génétique lui permet de tolérer une concentration d’antibiotique notablement plus élevée que la concentration qu’il est possible d’obtenir in vivo à la suite d’un traitement.

Classiquement on distingue trois phénotypes de résistance aux -lactamines chez

S. aureus selon que les souches sont sensibles ou non à la pénicilline et à la méticilline : - souches pénicilline sensibles et méticilline sensibles (péniS-méthiS) ;

- souches pénicilline résistantes et méticilline sensibles (péniR- méthiS) ; ces souches produisent une pénicillinase acquise, plasmidique et inductible qui leur confère une résistance aux pénicillines G et V, elles restent sensibles aux autres -lactamines et aux inhibiteurs des -lactamases ;

Tableau V. Progression historique de l’antibiorésistance du staphylocoque doré [178]

Période Historique

1942 Découverte de la pénicilline

Premières souches de S. aureus résistantes à la pénicilline (-lactamase)

1950 Augmentation de la proportion des souches de S. aureus résistantes à la pénicilline 1956 Découverte de la vancomycine

1960

Introduction des pénicillines anti staphylococciques (famille de la méticilline) Emergence de souches de S. aureus résistantes à la méticilline (SARM) (gène mecA)

La vancomycine est réservée aux cas d’allergie aux béta-lactamines 1970 Augmentation de la proportion des souches de SARM

Augmentation de l’utilisation de vancomycine

1980

SARM endémique dans la plupart des hôpitaux, en particulier aux USA

Utilisation élargie de la vancomycine, y compris en prophylaxie chirurgicale dans les hôpitaux à forte endémicité pour SARM

Introduction et utilisation rapide large de la teicoplanine 1997-1999 Modification de la paroi (gène vanA)

Rapports de cas d’infections sévères à SARM acquises dans la communauté

37 - souches péniR-méthiR : ces souches, en plus de la production d’une pénicillinase, produisent une PLP modifiée (PLP2a) qui présente une affinité très diminuée pour la méticilline, ce type de résistance est chromosomique, inductible ou constitutive et implique une résistance croisée à toutes les -lactamines.

1. Résistance à la pénicilline

Actuellement 90 % des staphylocoques sont résistants à la pénicilline G. Le mécanisme de résistance à la pénicilline repose sur la synthèse par la bactérie d’une enzyme appelée β-lactamase ou pénicillinase qui hydrolyse le cycle β-lactame des pénicillines et les rend inactives. Le gène blaZ qui code pour cette enzyme est porté par un plasmide ou un transposon. Le gène blaZ est sous le contrôle d’un système répresseur  anti répresseur (blaR1  blaI). La production de β-lactamase est le plus souvent inductible [131].

2. Résistance à la méticilline

Les β-lactamines ont pour cible les transpeptidases appelées aussi protéines liant la pénicilline (PLP). Les PLP interviennent dans la synthèse de la paroi bactérienne en catalysant la formation de ponts peptidiques entre les chaînes glycaniques [179].

Les β-lactamines vont bloquer la polymérisation de la paroi bactérienne la rendant instable et fragile et provoquant secondairement la lyse de la bactérie. S. aureus produit naturellement 4 PLP [180]. Le principal mécanisme de résistance à la méticilline est lié à la modification de la cible des β-lactamines. Les SARM synthétisent une 5ème PLP, la PLP2a (ou 2’), qui a une faible affinité pour les β−lactamines [181, 182].

Contrairement aux autres PLP, la PLP2a est capable de réaliser à elle seule la polymérisation de la paroi bactérienne. Cependant la paroi bactérienne synthétisée par la PLP2a comporte des altérations morphologiques (diminution du degré de réticulation, prédominance de monomères ou dimères) qui ne sont pas favorables à la bonne croissance de la bactérie [180].

La résistance peut être homogène (exprimée par toutes les souches) ou hétérogènes (exprimée par une proportion de colonies filles issues d’une colonie mère exprimant la résistance) [183]. Le gène qui code pour la PLP2a est le gène mecA [184]. Il est transporté dans un élément génétique appelé Staphylococcal Chromosomal Cassette (SCC) mec

[185]

. SCCmec est un fragment de 21-67 kb qui s’intègre dans un site unique proche de

38 l’origine de réplication du chromosome de S. aureus. Il ne contient pas de gènes liés aux phages ni de transposons. Il véhicule des copies de plasmides intégrées responsables de la résistance à des antibiotiques autres que les β−lactamines.

Par analogie avec les îlots de pathogénicité décrits dans les entérobactéries, il peut être considéré comme un îlot de résistance aux antibiotiques. Pour se déplacer, SCCmec contient deux gènes spécifiques qui codent pour des recombinases (ccrA et ccrB). Le complexe génétique mec [186, 187]

comprend le gène de résistance proprement dit et un système complexe de régulation avec deux systèmes répresseurs  anti-répresseurs de la transcription, mecI  mecR1 et blaI  blaR1.

Le système mecI  mecR1 exerce une inhibition plus forte que blaI  blaR1. Si le système mecI  mecR1 est fonctionnel, la transcription du gène mecA est très fortement inhibée et la souche apparaît sensible avec les techniques usuelles d’antibiogramme. Toutefois, grâce au système blaI  blaR1, la méticilline sera lentement inductrice de la résistance.

En pratique clinique, la majorité des souches actuelles ont un système mecI  mecR1 non fonctionnel et la transcription du gène mecA est sous la dépendance de blaI  blaR1 : dans ce casla résistance est rapidement inductible par les β−lactamines.

Des gènes auxiliaires appelés femA, femB, femC, femD sont également impliqués dans l’expression de la résistance à haut niveau chez les souches présentant une résistance hétérogène à la méthicilline [188].

Quatre types de SCCmec ont été décrits (type I à IV) sur la base des différents complexes ccr (types 1 à 3) et des classes du complexe mec (A et B) [189]. Le type I a été retrouvé dans les premières souches de SARM dans les années 60. Les types II et III caractérisent les souches de SARM isolées actuellement et disséminées dans le monde.

Le type IV a été décrit récemment dans les nouvelles souches émergentes de SARM dites communautaires.

3. Résistance à la vancomycine

La cible des glycopeptides est le résidu D-ala-D-ala du peptidoglycane. Le mécanisme de résistance hétérogène à la vancomycine (souches hétéro-VISA et VISA) est lié à un épaississement de la paroi bactérienne qui piège les glycopeptides dans les couches superficielles en les empêchant d’atteindre la membrane cytoplasmique où le peptidoglycane est synthétisé [189].

39 La base génétique de la résistance n’est pas encore comprise. Elle n’est pas liée au gène mecA [190]. Les souches exprimant une résistance de haut niveau à la vancomycine (VRSA) hébergent le gène vanA présent habituellement chez les entérocoques résistants aux glycopeptides [191, 192].

4. Autres résistances

Les aminosides inhibent la synthèse protéique. Le principal mécanisme de résistance aux aminosides (kanamycine, amikacine, tobramycine, gentamicine) est lié à la sécrétion d’enzymes qui dénature les antibiotiques. On distingue trois phénotypes de résistance (tableau VI) [193, 194] :

- une résistance de haut niveau à la kanamycine et l’amikacine (phénotype K)

- une résistance de haut niveau à la kanamycine, à l’amikacine, à la tobramycine (phénotype KT)

- une résistance de haut niveau à la kanamycine, à l’amikacine, à la tobramycine, à la gentamicine (phénotype KTG).

Tableau VI. Principaux mécanismes, supports et phénotypes de résistances acquises aux aminosides

Enzyme Support Phénotypes Kan Ami Tob Gen Net

aph3’ K R R S S S

ant4’ KT R R R S S

aph2’’-aac6’ KTG R R R R R

kan : kanamycine ; ami : amikacine ; tob : tobramycine ; gen : gentamicine ; net : nétilmicine ; S : sensible ; I : intermédiaire ; R : résistant

Les Macrolides, Lincosamides et Streptogramines (MLS) inhibent la synthèse protéique en stimulant la dissociation entre ribosome et ARN de transfert [194]. Les mécanismes de résistance aux macrolides (érythromycine, spiramycine), Lincosamides (clindamycine) et Streptogramines (pristinamycine, quinupristine-dalfopristine) comprennent la Modification de la cible, des systèmes d’efflux et des enzymes inactivatrices.

Le mécanisme le plus fréquemment en cause est la modification de la cible : le phénotype associant la résistance aux macrolides, aux Lincosamides et au composé B des Streptogramines (phénotype MLSb constitutif) prédomine chez les SARM et est lié

40 au gène ermA de nature transposable ; la résistance isolée aux macrolides à 14 ou 15 atomes de C (phénotype MLSb inductible) se retrouve plus souvent chez les SASM et est liée au gène ermC d’origine plasmidique [194].

Les fluoroquinolones (ofloxacine, pefloxacine, ciprofloxacine) inhibent la croissance bactérienne par arrêt de la croissance bactérienne. La résistance aux fluoroquinolones est due àune modification de la cible, soit la topo-isomérase IV par mutation des gènes chromosomiques grlA ou grlB soit les sous-unités de la gyrase par une mutation au sein des gènes gyrA ou gyrB, ou à un système d’efflux grâce à une protéine transmembranaire codée par le gène chromosomique norA [194].

La résistance aux sulfamides est de nature chromosomique, liée à une hyperproduction d’acide para-amino-benzoïque.

La résistance aux tétracyclines est due soit à un mécanisme d’efflux par une protéine membranaire codée par les gènes tetK ou tetL d’origine plasmidique soit une protection de la cible par une protéine codée par le gène transposables tetM.

La résistance à la rifampicine est liée à la sélection de mutants résistants au niveau de la sous-unité β de l’ARN polymérase ADN dépendante.

La résistance à la fosfomycine est due à la sélection de mutants au niveau du système de transport de la molécule dans la bactérie (gènes glpT et uhp).

La résistance à l’acide fucidique est secondaire soit à la sélection de mutants résistants au niveau du facteur d’élongation intervenant dans la synthèse protidique soit à une modification de la perméabilité d’origine plasmidique [193].

Parallèlement à ce mécanisme, les S. aureus résistants à la méthicilline sécrètent pratiquement toujours des β-lactamines et sont très souvent résistants à de multiples autres antibiotiques, comme si la présence du gène mec A facilitait l’acquisition d’autres éléments génétiques de résistance. Ainsi les S. aureus résistant à la méthicilline sont souvent résistants à la ciprofloxacine, à la gentamycine, aux macrolides, au cotrimoxazole et à la rifampicine [128].