Classicisme et classiques : quoi et qui ?
C. Régnier, Boylesve, écrivains classiques ?
2. Régnier, maître de Boylesve ?
Les diérences entre Régnier et Boylesve ne doivent pas faire perdre de vue leurs points communs. Nombreux sont les contemporains à remarquer leur parenté. D'aucuns accordent leur préférence à Régnier, comme René Lalou1; d'autres à Boylesve, comme Charles Maurras2. Tous ne considèrent pourtant pas une hiérarchie entre les deux ÷uvres3.
Il existe à l'évidence des points de convergence entre les deux sensibilités. Les mêmes motifs spatiaux et temporels émaillent leurs récits. Les jardins y sont bien plus que des décors de prédilection : ils sont presque des actants à part entière, pour employer un terme narratologique. Celui des deux Leçons d'amour dans un parc, mentionné dès le titre, tient le rôle d'un hôte gracieux, accueillant une société choisie dans son huis-clos. Dans un texte tardif, Souvenirs du jardin détruit (1924), le jardin obtient l'attention exclusive. Ce jardin, c'est celui que Boylesve a contemplé des années durant depuis la fenêtre de son bureau, à Passy. Les arbres séculaires lui ont inspiré le parc des Leçons et lui inspirent encore ce récit de souvenirs. Véritable vortex du passé, le jardin ranime la vie d'antan, que ce soit le propre passé de l'auteur ou le passé galant de ses fantasmes. Pour Régnier aussi, les jardins sont des ouvertures sur le temps, et en particulier les jardins abandonnés. Le processus de dégradation est particulièrement remarquable dans La Double Maîtresse et marque la transition entre deux époques, celle de Galandot père et celle de sa veuve. La dernière partie de cette étude reviendra sur la signication de ces jardins4; pour l'heure, on se contentera de noter qu'ils furent un motif de complicité entre les deux hommes, dans leur correspondance. Boylesve, surtout, ne manque pas de donner à Régnier des nouvelles de sa propriété de la Barbotinière, où il y a un potager abandonné environné de toutes sortes de choses abandonnées5 la répétition appuyée de l'adjectif abandonné valant signe de reconnaissance. Plus tard, à deux reprises, Boylesve envoie à son ami des cartes postales gurant des terrasses dont la balustrade laisse voir un jardin6.
1. À R. Lalou, cité plus haut, La Leçon d'amour dans un parc apparaît comme d'un Régnier inégal (Histoire de la littérature française contemporaine, op. cit., t. II, p. 74).
2. Voir les pages précédentes.
3. Par exemple H. Dérieux, L'÷uvre romanesque de M. Henri de Régnier , art. cité. 4. Infra, p. 684.
5. R. Boylesve à H. de Régnier, carte postale c. 1902-1903, Ms. 6285, F. 160, Bibliothèque de l'Institut. 6. R. Boylesve à H. de Régnier, Ms. 6285, F. 170, 1907, et F. 173, 21 avril 1908. La balustrade est un des motifs de prédilection de Boylesve.
Une autre localité scelle leur anité : bien qu'elle soit nettement moins obsédante pour Boylesve, Versailles est à l'horizon des deux imaginaires. Si ses jardins et fontaines sont à plu-sieurs carrefours de l'÷uvre de Régnier, ils apparaissent aussi au détour de celle de Boylesve. Le narrateur de Mon Amour roman que Régnier aimait d'ailleurs beaucoup y vit notablement un épisode d'acmé amoureuse avec Mmede Pons. Boylesve a bien conscience, avec sa génération, du rôle littéraire que Versailles joue pour Régnier et que Régnier joue pour Versailles. Il le lui signie à la faveur d'un compliment, dans une lettre de 1902 : Je fais cependant le v÷u moi qui suis partisan de tous les privilèges qu'un gouvernement tyrannique vous accorde, à vous tout seul, le droit de parler de Versailles1. Le Versailles des deux hommes, lieu de toutes les rêveries, est certes bien éloigné de celui d'Anatole France, qui lui consacre un article ( Une journée à Versailles , VL3, p. 343 sqq.). Point de méditations amoureuses ou mélancoliques : le Versailles d'Anatole France est livresque et sert de prétexte à d'érudites considérations sur La Reine Marie-Antoinette, le dernier livre de l'historien Pierre de Nolhac, qui est aussi le conser-vateur des lieux. France relate une promenade au Petit Trianon, mais elle est surtout matière à conversations savantes sur l'Autrichienne ou sur les politiques de préservation des ruines.
Les goûts de Boylesve et de Régnier s'accordent sur Versailles ; en revanche ils ne s'en-tendent pas sur Venise. La cité des eaux occupe une place cruciale pour l'auteur des Esquisses vénitiennes2. Chez Boylesve, elle tient un rôle plus secondaire et en l'occurrence, elle apparaît surtout sous un jour néfaste. Les amants de Sainte-Marie-des-Fleurs s'y rencontrent (même si c'est à Versailles et à Florence que se poursuit leur passion), et la ville n'est pas pour rien dans le drame qui se noue : elle frappe l'amour des deux jeunes gens d'un sceau idéaliste qui s'avèrera mortifère3. Le narrateur de Mon Amour juge Venise surfaite, touristique et sale ; et
1. R. Boylesve à H. de Régnier, lettre de 1902, Ms. 6285, F. 159, Bibliothèque de l'Institut.
2. Voir la réédition de Sophie Basch, Esquisses vénitiennes, Bruxelles, Complexe, coll. Le regard littéraire , 1991, et en particulier l'introduction de l'éditrice ( La Géographie vénitienne d'Henri de Régnier , p. 9-26). S. Basch y rend hommage à celui que Cocteau classait parmi les parisiens envenitianés d'alors (cité p. 18) : Régnier sut rendre compte d'une Venise bien à lui, contract[ée] autour de repères bien précis (p. 18), surtout des lieux marqués par le Settecento qui lui est si cher : en réalité, des Venises qui furent avant tout des tremplins du rêve et du fantastique (p. 19). Ce que Sophie Basch salue, c'est cette grâce sans intention plus que jamais oxygénante, à présent qu'il devient dicile d'arracher Venise, site de concrétion d'un sentimentalisme bon marché, à la captation touristique qui fait d'elle une sorte de Disneyland sur Adriatique . À l'heure où Venise menace de disparaître sous la surcharge des stéréotypes plus encore que sous les eaux montantes, les petits tableaux sans importance et sans gravité qu'ore Régnier, ces visions resserrées et apparemment futiles qui sont en fait la manifestation un peu précieuse d'une ÷uvre plus secrète qu'elles ne révèlent pas au profane, se contentant d'adresser un clin d'÷il au lecteur plus averti apparaissent d'une retenue riche dans son pouvoir évocateur préservé. Ces petits tableaux, loin des images d'Épinal bariolées qui obstruent désormais tout regard sur Venise, sont bien, selon S. Basch, le fruit d'un amour longtemps macéré, rééchi autant qu'on puisse maîtriser un sentiment, fruits déguisés dans le sucre de l'art et du temps (p. 23-24). En somme, Régnier se démarque par un regard classique conquis sur une Venise déjà prise d'assaut par un romantisme de réclame. 3. La jeune femme du récit, Marie, reprochera son erayant idéalisme à André, qui nourrit pour elle une passion supra-terrestre. Il le conrmera d'une réplique révélatrice, en lui adressant cette supplication : Ne sois pas si tu veux mon rêve, mais sois bonne à mon rêve . Ce rêve se fracassera contre la réalité bourgeoise à laquelle Marie devra revenir pour épouser le riche homme d'aaire choisi par ses parents. Même la mort romanesque qu'ils recherchent alors, qui sublimerait leur passion à la manière de celle de Roméo et de Juliette, leur sera refusée, ne laissant que deux vies gâchées.
l'héroïne éponyme de Madeleine jeune femme y fait un triste voyage de noce en compagnie d'Achille Serpe, avec qui elle a contracté un mariage de raison. Dicile d'imaginer que les deux hommes n'aient pas échangé leurs opinions sur ce sujet.
Un même attrait pour le passé caractérise encore les deux écrivains1. Parmi les motifs obsessionnels de Boylesve, on trouve en particulier le cadran solaire2, très présent dans ses romans provinciaux. Ce cadran solaire apparaît aussi chez Régnier ; dans le conte Tiburce et ses amis3 ; dans L'Escapade, au centre du jardin des Espignolles (E, p. 63) ; et surtout dans La Double Maîtresse, où il marque la première heure de Nicolas de Galandot4, mais aussi la dernière de son père. On peut même dire que c'est ce cadran qui a causé la mort de ce dernier, car il mourut assez subitement pour être resté trop longtemps, un jour d'été, au gros soleil, chapeau bas et debout auprès du cadran solaire, entre les miroirs d'eau, à y voir venir midi (p. 16).
Les concordances des deux imaginaires ne doivent pourtant pas conduire à surestimer la connivence des deux hommes. Patrick Besnier s'interroge à juste titre : Leur entente et leur intimité gardent quelque chose d'énigmatique à nos yeux ; il juge aussi les lettres échangées peu loquaces et peu intéressantes ! 5. Cette correspondance est surtout très déséquilibrée : Boylesve envoie d'assez longues lettres, auxquelles Régnier répond le plus souvent par des missives laconiques, quoique très polies, ou par de peu expansives cartes postales. Il est surtout question de remercier pour l'envoi des livres protocolaire dans les relations entre écrivains. Ils se prêtent aussi au jeu social des dédicaces ; Boylesve donne Mon Amour (1907) à Régnier et celui-ci lui dédie La Flambée (1909) par un échange de bons procédés.
Outre ces amabilités réciproques, leur amitié, bien qu'elle ait duré, semble n'avoir guère dépassé le stade de la cordialité. La relation débute apparemment en 1896 ou 1897 la première lettre conservée est datée de janvier 1897 et elle semble avoir mis du temps à se déporter sur un terrain plus intime. Il faut attendre cinq ou six ans pour que Boylesve délaisse le Cher Monsieur au prot du Cher Ami et le vouvoiement sera toujours de mise entre eux. Leur relation est malgré tout susamment développée en 1901 pour que Boylesve invite Régnier à son mariage, qui n'a rien du grand mariage littéraire de Régnier. Par empêchement ou par
1. L'un et l'autre le savent bien, et Régnier adresse à Boylesve, entre autres reproductions des maîtres italiens, Véronèse ou le Tintoret, une carte postale représentant une dame en costume Empire 1807 , qui appartient à une collection thématique de l' Histoire du costume (de Louis XVI au Second Empire) (1909, NAF 18627, F. 241, BnF, site Richelieu). Boylesve, lui, envoie à son ami des anecdotes de nature à piquer sa curiosité ; par exemple : nous sommes invités à prendre un doigt de vin dans la masure de bonnes femmes centenaires qui racontent des histoires d'un autre monde (sur une carte postale montrant une vue de Chinon, expédiée de La Haye-Descartes, le village natal de Boylesve ; c. 1902-1903, Ms. 6285, F. 160, Bibliothèque de l'Institut).
2. Sur le motif du cadran solaire, voir aussi infra, p. 563.
3. H. de Régnier, Tiburce et ses amis , Couleur du temps, Mercure de France, 1909.
4. Devant le château, entre deux miroirs d'eau plate, sur une table de pierre, un cadran solaire marquait, de l'angle oblique de son gnomon de bronze, la durée du jour. / C'est à ce cadran que M. de Galandot, le père, sut que son ls Nicolas venait de coûter à sa mère un laborieux travail [...] (DM, p. 12).
réticence, Régnier décline pourtant l'invitation1. Ils se reçoivent à dîner à partir de janvier 1905 et dans les années qui suivent, leur relation est un peu plus familière. Ils font ensemble de petits voyages : Boylesve invite Régnier à la campagne (à Jouy) en 1908 ; en 1913, les deux familles sont ensemble à Chamonix. D'autres voyages ont été projetés, auxquels Boylesve, de santé fragile, fait faux bond. Ces relations donnent à Boylesve le droit d'appeler le ls de Régnier Tigre et d'envoyer quelques lettres courtoises à son épouse, à laquelle il ne manque jamais de transmettre ses hommages. Mais l'amitié demeure aux portes de l'intimité. Peut-être aurait-elle pu évoluer autrement vers 1907 : Régnier, dédicataire de Mon Amour, envoie une lettre bien plus chaleureuse à l'auteur d'un roman qu'il semble avoir vraiment aimé2. Régnier soupçonne il le note dans ses Cahiers un épisode autobiographique sous cette histoire d'amour, et cette lecture lui rend Boylesve plus touchant. Il lui signie ce sentiment de proximité en ces termes :
Depuis que je vous lis et que je vous connais j'ai constamment senti grandir ma sympathie pour vous. Vous avez bien voulu qu'elle devienne de l'amitié. Elle a atteint un point qui m'est cher et où elle ne pourra que se fortier par une entente réciproque et toujours plus étroite de c÷ur et d'esprit. [...] Je suis très er, très heureux et très ému de voir mon nom en tête de l'÷uvre de vous que je préfère, qui est ce que vous avez écrit de plus pur, de plus douloureux, de plus profond, de plus sobrement et admirablement parfait, qui est un chef d'÷uvre évident, certain3.
À ce moment précis, leurs rapports un peu formels auraient-ils pu tourner à l'amitié sincère ? Boylesve, d'un naturel très réservé4, n'a sans doute pas rempli les attentes de Régnier, et leur relation va tiédissant par la suite. Après la guerre, la correspondance se rarée. Un an après le décès de Boylesve, Régnier fait cette remarque dans ses Cahiers, qui témoigne d'une vraie distance aective :
Anniversaire de la mort de Boylesve. Lorsqu'il venait à l'Académie, il se faisait attendre par son auto soit sur la petite place Conti, soit sur le quai Malaquais, jamais devant la porte de l'Institut. Croyait-il donc ses confrères si envieux qu'ils ne puissent supporter de le voir monter en voiture quand ils s'en allaient à pied ?
Je veux oublier le Boylesve des dernières années, le Boylesve touché de vanité et d'envie, potinier et malveillant, pour ne me souvenir que de celui qui fut, en des temps meilleurs, un ami attentif et charmant, discret et réservé, modeste et doutant de lui-même et qui n'avait pas encore le désir d'être important , le souci de jouer un rôle . (C., 1927, p. 806)
1. H. de Régnier à R. Boylesve, lettre d'avril 1901, NAF 18627, F. 230, BnF, site Richelieu.
2. C'est son préféré, au côté du Meilleur Ami (1909) ( Son livre peut-être le plus âpre et le plus subtilement douloureux , C., 1918, p. 745).
3. H. de Régnier à R. Boylesve, lettre non datée (c. 1907), NAF 18627, F. 274, BnF, site Richelieu.
4. Régnier le regrette à mots couverts dans ses Cahiers. La première mention de Boylesve date de 1903 : Pluie, à la maison. Metman, Renouard. Boylesve est venu m'apporter son Enfant à la balustrade. Boylesve est bien, il a l'air doux et ferme, il a la gure agréable, front pâle, nez en ivoire, belle barbe noire. Il est vêtu avec correction. Il parle avec agrément, en termes choisis. Il est bien et il lui manque je ne sais quoi pour être très bien. Il a des mains de bonne forme, mais qui ont l'air articielles (C., 1903, p. 511). L'année suivante il écrit encore : [...] Visite de Boylesve. Nous avons parlé du roman, de tout ce dont on l'a embarrassé depuis Balzac, de la pudeur, de la bégueulerie croissante du public qui impose aux revues son goût pour les ÷uvres morales et moralisatrices [...], de mille choses dont il parle avec modération, bon sens, agrément (C., 1904, p. 516). Ces portraits austères laissent percer la réserve de Régnier : au fond, à ses yeux, Boylesve est un homme bien élevé, mais par là-même peu attachant.
Avant qu'il n'en vienne à lui prêter d'aussi peu louables intentions, Régnier a cependant accordé un certain intérêt littéraire à son cadet, si bien qu'il fait plus gure de protecteur et d'aîné (bien qu'il ne le soit, de fait, que de deux ans) que d'ami. La correspondance atteste des nombreux services rendus par Régnier, qui fait passer des contes de Boylesve dans les revues où il a ses entrées et qui, plus tard, lui prodigue des conseils pour charmer l'hydre à quarante tête1 . Preuve qu'il ne l'a ignoré ni sur la scène publique ni sur le plan privé, Régnier publie dix articles sur Boylesve, selon Pierre Lachasse2, et François Trémouilloux ne recense pas moins de soixante-dix références à Boylesve dans ses Cahiers3. Il semble même que Régnier ait eu le projet d'une petite monographie sur Boylesve. Après sa mort, les éditions Le Divan ont publié huit volumes d'une collection intitulée Le souvenir de René Boylesve . Cette collection devait s'étendre encore et à la parution du cinquième tome, en 1932, une petite notice jointe sur un feuillet détaché annonçait ceci :
Pour n'avoir pas à déranger l'attente des amis de la collection par des modications forcées dans l'ordre de présentation des volumes, disons simplement que les trois suivants seront dus à trois d'entre les auteurs qui nous ont promis leur collaboration et dont voici les noms : MM. Henri Bordeaux et Henri de Régnier, de l'Académie française [...].
Peut-être la mort de Régnier, survenue en 1936, a-t-elle empêché ce projet.
Que les deux écrivains se soient estimés ne fait guère de doute ; que ce soit pour des qualités ayant trait au classicisme mérite toutefois examen. Laissons parler les protagonistes, et Régnier le premier :
Vous prisiez le style net et clair, bien ajusté à la pensée et qui fait étroitement corps avec elle une certaine façon d'en dire plus qu'on n'en a l'air. Vous le trouviez, ce style, dans les Lettres Persanes de Montesquieu et dans les romans de Voltaire, et c'est lui que vous avez retrouvé chez Ernest Renan et chez Anatole France4.
Aux yeux de Régnier, qui répond ainsi au discours de réception de Boylesve à l'Académie française, Boylesve appartient bien à une lignée classique (au sens large) qui va des Lumières à Anatole France. Cette appartenance était sensible dès ses premiers pas littéraires : On
1. On l'aura compris, Régnier désigne par cette allégorie l'Académie française, où il recommande à son cadet de poser sa candidature. Régnier sera d'ailleurs désigné pour la réponse au discours de réception : à noter qu'il s'en acquitte de bonne grâce, bien que ce ne soit pas son attribution à cette date. Preuve du c÷ur qu'il met à cette tâche, Régnier consigne dans son journal la progression régulière de sa préparation et prend soin de rapporter brièvement l'événement même si c'est surtout pour noter sa erté d'avoir su maintenir son monocle à son ÷il toute la lecture durant.
2. P. Lachasse, Des pleins et des déliés. Les paradoxes du feuilleton du Figaro , Tel qu'en songe, no 1, 2015, note de la p. 117. Boylesve tient donc une assez bonne place dans la critique produite par Régnier, qui fait sa publicité. Deux de ces articles sont repris en volumes : Un roman et un romancier dans Portraits et souvenirs, op. cit., 1925 et Adieu à Boylesve dans Vues, éd. Le Divan, 1926.
3. F. Trémouilloux, René Boylesve, Un romancier du sensible,op. cit., p. 299.
4. H. de Régnier, Réponse au discours de réception de René Boylesve, 20 mars 1919 (en ligne, http:// www.academie-francaise.fr/reponse-au-discours-de-reception-de-rene-boylesve, consulté le 22 mars 2017).
s'aperçut que nous avions en vous un romancier de la plus saine et de la plus délicate tradition française . Pourtant, de façon un peu surprenante, Régnier s'étend dans la suite de son discours sur les romans provinciaux de Boylesve, qui se déroulent tous dans un cadre contemporain. Des contes classicisants, il ne dit rien, se contentant de mentionner en passant le titre de La Leçon d'amour dans un parc, qui t pourtant la notoriété du nouvel académicien. Régnier continue de souligner le tempérament classique de Boylesve, mais c'est bel et bien dans les romans modernes qu'il le discerne :
Mon Amour, c'est l'histoire d'un homme qui aime. Quoi de plus humain et de plus éternel que cette simple donnée ! Elle vous a su pour écrire une ÷uvre d'émotion discrète et profonde, de vérité sobre, de perfection solide, un vrai type d'÷uvre française et qui s'apparente à notre meilleure tradition classique. Car vous êtes classique, vous l'êtes par un sentiment naturel de l'ordonnance et de la mesure, en même temps que vous êtes moderne par une sensibilité aiguë et tourmentée. Mais cette sensibilité vous la traduisez par le moyen d'une langue élégante et forte, sans contorsion et sans grossissement, exacte et souple dans l'analyse, juste et claire dans