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A - Réduire les incertitudes et proposer des solutions d’avenir grâce à la R&D pour mieux guider les

forestiers et éclairer la prochaine SNBC

La réalité du changement climatique est incontestable. Cependant, les incertitudes demeurent multiples s’agissant en particulier de son ampleur, sa vitesse de propagation, ses conséquences et les solutions à mettre en œuvre pour que la forêt l’attenue et s’y adapte le mieux possible. Même si elles ne sauraient être totalement et rapidement levées, au regard de l’importance et de la complexité des choix à effectuer, il est indispensable que les travaux de recherche, fondamentale et appliquée, permettent de clarifier certaines questions controversées aujourd’hui en suspens. Selon les approches, les conclusions diffèrent quant aux quantités de carbone captées et stockées en fonction des essences, leur diversité, l’âge des arbres ou encore les techniques utilisées pour leur renouvellement. Or, les résultats de ces travaux doivent permettre de déterminer quels modes de gestion sylvicole

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doivent être privilégiés. Tous les acteurs de la recherche publique (INRAe, Ademe, CNRS), instituts techniques (CNPF/IDF et ONF) et associatifs (I4CIE) doivent être mobilisés et travailler en étroite collaboration dans cet objectif.

Il faut être conscient que de mauvaises orientations pourraient conduire à une accélération des dégradations en cours de nombreux massifs forestiers et ainsi, accroître le risque de voir les forêts devenir émettrices de carbone.

Cette problématique revêt une importance particulière par rapport à la SNBC qui confère à la forêt un rôle essentiel pour l’atteinte des objectifs fixés, en particulier la neutralité carbone en 2050. En effet, la forêt doit absorber et donc compenser une part significative des émissions d’autres secteurs d’activités. Le réalisme technique et scientifique des éléments sur lesquels repose la construction de la SNBC, mérite d’être examiné avec attention. La SNBC actuelle s’achèvera en 2023, une version révisée devant être mise en œuvre à compter de 2024. On peut par conséquent s’interroger quant à l’intérêt d’anticiper cette échéance.

Globalement, les solutions susceptibles d’être mises en œuvre par les forestiers pour rendre la forêt résiliente face au changement climatique, relèvent essentiellement de deux questions liées entre elles : quels arbres et quelles techniques sylvicoles ?

Pour y répondre, il convient d’abord de faire preuve de pragmatisme en privilégiant les essences adaptées aux conditions de sol et de climat local, et leur régénération naturelle. La substitution progressive, par plantations, de celles qui sont vulnérables ou en situation critique, en les remplaçant par de nouvelles espèces plus adaptées à la sécheresse, peut être envisagée si nécessaire. Albert Maillet45 insistait lors de son audition, sur la nécessité de développer les capacités de simulation et de diagnostic sur la santé des forêts.

Des outils existent ou sont en cours de développement (catalogues de stations forestières, outils sylvo-climatiques ou d’études du sol…) pour aider les forestiers à faire les bons choix. A cet égard, l’adage qui incite à « ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier » est de bon sens. C’est ce qu’a recommandé Claire Hubert, directrice générale du CNPF, lors de son audition : « quand la situation est mal connue, il faut diversifier les solutions ».

En effet, la diversification (pied à pied46, par groupes, par parcelles…) permet de limiter les risques. Ce type de pratique de même que la futaie irrégulière, sont souvent qualifiées de « solutions fondées sur la nature (SFN)».

Parallèlement, prévoir des petites surfaces proposant des rotations à courte révolution d’une essence, favorise une adaptation plus rapide de la nouvelle génération aux conditions climatiques.

Face aux fortes chaleurs printanières et estivales, aux vents violents de plus en plus fréquents, certaines méthodes sont à privilégier : réduction des surfaces de coupe, enlèvement progressif des arbres arrivés à maturité pour maintenir une

45 Directeur des forêts et des risques naturels de l’ONF.

46 Mélange avec alternance d’essences à chaque plant, donnant au peuplement le maximum de stabilité et une ambiance forestière optimale.

AVIS DECLARATIONS/SCRUTINANNEXES ambiance forestière. Procéder à des interventions d’abattage plus régulières en

prélevant à chaque fois un volume de bois moins important, apparaît également comme une des pistes à explorer.

Par ailleurs, des projets rassemblant les acteurs de la recherche et de l’amont de la filière, mettent en place des protocoles visant à étudier les nouvelles essences et leur comportement dans des arboretums, ou à recenser des plantations anciennes d’essences atypiques. Leurs résultats doivent permettre de diversifier la palette d’essences, en lien avec les pépiniéristes et les collecteurs de graines. Cela peut nécessiter de renforcer des partenariats à l’international pour des approvisionnements en graines.

Le réseau Reinfforce s’inscrit dans cet objectif. Il mutualise les travaux de recherche de 11 instituts européens portant sur l’adaptation des forêts situées dans l’espace atlantique en s’appuyant sur le suivi de 38 arboretums de deux hectares, dans lesquels un large éventail d’essences locales ou de provenance plus lointaine, ont été plantées. S’y s’ajoutent 41 sites où sont comparées différentes techniques sylvicoles, actuelles ou innovantes. Les données collectées sont échangées entre tous les partenaires. Au final, c’est l’association de l’expertise scientifique et des expérimentations de techniques sylvicoles, qui permettra de définir les solutions de long terme.

Préconisation 1 :

Pour permettre l’atteinte des objectifs de la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) dont la révision mériterait d’être anticipée, renforcer et fiabiliser les connaissances relatives au rôle de la forêt et de la filière bois, en s’appuyant sur la recherche. Qu’il s’agisse de séquestration, de stockage ou de substitution du carbone, l’objectif est de proposer des solutions pour favoriser la résilience et le renouvellement de la forêt, en privilégiant celles d’entre elles qui sont « fondées sur la nature » :

● évaluer le rôle et l’importance de la régénération naturelle et la façon dont elle peut contribuer, en association avec la plantation, à renforcer la résilience ;

● identifier les essences locales et celles à introduire, les mieux adaptées, et concevoir des mélanges ;

● tester leurs performances y compris en termes de possibilité de valorisation ;

● faire reconnaître les espèces et origines retenues qui pourront être mises en culture par les pépiniéristes, en particulier celles issues des milieux naturels et locaux ;

● mettre au point de nouveaux itinéraires de conduite sylvicole (de la régénération et la plantation à la récolte).

Au-delà de l’intensification des travaux de R&D, disposer en temps réel d’informations les plus précises et exhaustives possibles concernant la progression du changement climatique et de ses manifestations sur les peuplements et les milieux forestiers, apparaît indispensable. En effet, la diffusion de tels éléments entre les

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professionnels permet de favoriser la prise de décisions rapides en privilégiant les bonnes pratiques et, à l’inverse, en évitant la répétition d’échecs.

Le réseau RENECOFOR47 créé en 1992 par l’ONF, destiné à mesurer et à suivre le dépérissement des forêts provoqué par les "pluies acides", a vu sa mission élargie en 2008 aux conséquences d’autres phénomènes : changement climatique, pollution atmosphérique… RENECOFOR fait partie d’un réseau de sites implantés dans 34 pays d’Europe, chargés de détecter d'éventuels changements à long terme, au moins à 30 ans, dans le fonctionnement d'une grande variété d'écosystèmes forestiers et de mieux en comprendre les raisons. En France, il existe 102 sites d'observations de 2 ha, appelés « placettes » répartis dans l’Hexagone, chacun d’entre eux étant dédié à une essence dominante particulière.

Une couverture territoriale plus développée par un tel réseau apparaît souhaitable, y compris dans les régions ultramarines, non intégrées dans le dispositif aujourd’hui. De plus, s’agissant de ces dernières, il serait utile de disposer d’éléments aujourd’hui indisponibles, qui pourraient être recueillies grâce à un inventaire détaillé effectué par l’IGN.48 A cet égard, le plan de relance prévoit une dotation de 22 M€

destinés à faciliter la réalisation rapide de relevés cartographiques fiables et très précis « LIDAR49 ».

Préconisation 2 :

Développer sur l’ensemble du territoire, y compris dans les régions ultramarines où un inventaire complet doit être réalisé par l'Institut national de l'information géographique et forestière, des outils de recueil et d’analyse de données relatifs au changement climatique et ses impacts sur les milieux forestiers.

B - Mieux protéger la biodiversité et lutter contre le

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