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1. Les différentes formes de remise en liberté des personnes condamnées à une peine

1.3 La libération d’office au fédéral et la réduction de peine au provincial

1.3.2 La réduction de peine au provincial

La réduction de peine au provincial est prévue par une loi habilitante fédérale, la Loi sur

les prisons et les maisons de correction, la même qui prévoit les permissions de sortir. La

réduction de peine y est ainsi affirmée :

« Sauf en cas de peine d’emprisonnement infligée à titre de sanction d’un outrage au tribunal en matière civile ou pénale lorsque le prisonnier est tenu par une condition de sa sentence de retourner devant ce tribunal, tout prisonnier, sous réserve du paragraphe (7.2), se voit accorder quinze jours de réduction de peine pour chaque mois au cours duquel il observe les règlements de la prison et les conditions d’octroi des permissions de sortir et participe aux programmes, à l’exception de la libération conditionnelle totale, favorisant sa réadaptation et sa réinsertion sociale, comme le prévoient les règlements pris à cet effet par le lieutenant-gouverneur de la province où il est

52 Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , L.C. 1992, c. 20, art. 135.

53 Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20, art. 138 (6) : dans

certains cas, pour une infraction prévue aux annexes I ou II, la libération d’office peut être non renouvelable, v. art. 130(6).

54 Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20, art. 129 et suivants. 55 Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20, art. 130(5). 56 Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, c. 20, art.127.

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incarcéré; pour les fractions de mois, le nombre de jours de réduction de peine se calcule au prorata. »57

La réduction de peine est un droit conditionnel à certaines qualifications d’obtention: d’une part, le conformisme au régime disciplinaire du milieu carcéral et aux règles lors des permissions de sortir et, d’autre part, la participation aux programmes favorisant la réadaptation et la réinsertion sociale du candidat à la réduction de peine (la libération conditionnelle étant exclue des programmes en question). En plus d’affirmer l’existence de cette dernière, la Loi sur les prisons et les maisons de correction détermine la longueur de cette mesure et son moment d’attribution. Cette loi fédérale établit la nature «conditionnelle» de la réduction de peine et trace les prémisses des qualifications nécessaires pour son obtention tout en laissant aux provinces la fonction déléguée de définir, de créer et d’appliquer les règles disciplinaires et les programmes orientés vers la réadaptation sociale et la réinsertion sociale liés aux conditions de son attribution. La loi habilitante prévoit l’effet de la réduction de peine: elle confère le droit à la personne emprisonnée d’être remise en liberté avant l’expiration légale de sa peine58. Toujours selon

la loi habilitante, une fois amassée, la conservation de la réduction de peine n’est pas garantie: elle doit être annulée si son titulaire bénéficie d’une libération conditionnelle et que celle-ci est révoquée59. La commission des libérations a le pouvoir de réattribuer les

jours de réduction de peine annulés par la révocation60. Autrement dit, une personne

accumule des jours de réduction de peine à partir du début de sa peine d’emprisonnement parce qu’elle respecte les conditions d’attribution associées à ce droit, et, si elle se voit octroyer une libération conditionnelle, accessible au tiers de la peine, les jours de réduction de peine alors à son actif au moment de la mise en liberté sont annulés ultérieurement si sa libération conditionnelle est révoquée.

Dans la province, la réduction de peine est prévue par la Loi sur le système correctionnel

du Québec61. Cette loi comprend son mode de calcul et certains paramètres de qualification

57 Loi sur les prisons et les maisons de correction, L.R.C. 1985, c. P-20, art. 6(1). 58 Loi sur les prisons et les maisons de correction, L.R.C. 1985, c. P-20, art. 6(5). 59 Loi sur les prisons et les maisons de correction, L.R.C. 1985, c. P-20, art. 6(4.1). 60 Loi sur les prisons et les maisons de correction, L.R.C. 1985, c. P-20, art. 6(9). 61 L.R.Q., c. S-40.1., art. 38 :

«Par le respect qu'elle témoigne à l'égard du personnel et des autres personnes incarcérées, une

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liés à son attribution. Cependant, elle ne présente aucune disposition indicatrice de l’effet de cette réduction sur la peine d’emprisonnement ; de même, il y a absence totale de modalités prévoyant l’encadrement par les services correctionnels de l’espace-temps hors prison ainsi obtenu. De cette manière, au Québec, les personnes non qualifiées, disqualifiées ou non intéressées par la libération conditionnelle au tiers de leur peine d’emprisonnement de six mois ou plus, sont remises en liberté sans condition, un tiers de peine plus tard, tandis que leurs pairs, en libération conditionnelle, sont soumis à des conditions de surveillance et d’autre encadrement jusqu’aux trois tiers de leur peine62.

À moins de faire l’objet d’une ordonnance de probation avec surveillance, ce qui représente moins de la moitié des sentences prononcées au Québec comprenant une peine d’emprisonnement63, les personnes remises en liberté aux deux tiers de leur peine se

retrouvent en communauté sans encadrement des services correctionnels, après avoir purgé une peine de prison, qui, après la réduction, représente une durée située entre quatre et seize mois (pour les peines d’emprisonnement de six mois ou plus). Leur retour en société se déroule dans un contexte parfois semblable à celui précédant leur incarcération, mais parfois avec des changements qui ne sont pas nécessairement positifs: perte d’emploi, endettement, isolement social, changement matrimonial, difficultés psychologiques64.

Aussi, le maintien de certaines habitudes de vie préexistantes à l’incarcération peut se

Cette réduction de peine est également conditionnelle au fait que la personne se conforme aux règlements et directives de l'établissement de détention, qu'elle respecte les conditions d'une permission de sortir et qu'elle participe aux programmes et aux activités prévus à son projet de réinsertion sociale.

La réduction de peine est calculée à raison d'un jour de réduction de peine pour deux jours d'emprisonnement pendant lesquels la personne se conforme aux conditions prévues au présent article, jusqu'à concurrence du tiers de la peine.»

62 Cela rappelle les personnages des scénarios d’avant-propos, Florence en libération conditionnelle, Mario,

Camille et Cédric libérés en réduction de peine, tous sous la sanction d’une peine d’emprisonnement de même durée dans un établissement provincial.

63 MINISTÈREDELAJUSTICEDUQUÉBEC, 2013, données recensant les sentences d’emprisonnement

par année de calendrier de 2009 à 2013 inclusivement.

64 Lire à ce sujet La population correctionnelle du Québec-Profil correctionnel 2007-2008, ministère de la

Sécurité publique du Québec, p. 17-20, 23 et 52; Comité consultatif clientèle judiciarisée adulte, Clientèle

judiciarisée : son profil et ses besoins, 2014, p. 23 et 51 à 53, en ligne :

«http://www.cccja.org/documents/Profil-clientele-judiciarisee.pdf» (consulté le 10 décembre 2014); également en lien avec ce sujet, les commentaires de Marion VACHERET, «La peine d’emprisonnement» dans Estibaliz JIMENEZ et Marion VACHERET (dir.), La pénologie. Réflexions juridiques et

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poursuivre (toxicomanie, autres dépendances, oisiveté, etc.) et entretenir des facteurs criminogènes.

Dans une province comme le Québec qui préconise les stratégies et les programmes sociaux, cette situation est inacceptable. En outre, avec une législation qui affirme la réinsertion sociale comme principe général du système correctionnel65, il convient

d’envisager l’encadrement complet de la période visée par la peine d’emprisonnement. Sinon, la portée du principe de réinsertion sociale continuera de faire figure intermittente, voire sélective : seules les personnes choisies pour libération conditionnelle ont droit de bénéficier des mesures de réinsertion sociale en communauté. Et, le principe de sécurité publique66, clairement affirmé par la Loi sur le système correctionnel du Québec, est

carrément mis à l’épreuve par la remise en liberté automatique par réduction de peine qui affranchit la personne contrevenante de tout compte à rendre aux services correctionnels. Ce mode de libération intégrale passe entre les mailles tissées par les principes du plan ministériel québécois en matière de sécurité publique, qui présente la réinsertion sociale comme moyen par excellence de protection de la société, et qui souligne l’importance d’individualiser les mesures d’intervention, de les offrir en continu et de favoriser la complémentarité entre les services carcéraux et communautaires67. Le fédéral, bien présent

en assise habilitante pour la mise en liberté sous conditions, voit certains principes pénaux froissés, même heurtés, par une remise en liberté aussi « expéditive ». Ainsi, à la lumière d’un régime de libération inconditionnelle qui aplatit la sanction carcérale, que penser de la protection de la collectivité, figure prépondérante du système de mise en liberté sous condition qui poursuit l’objectif principal de maintenir une société « juste, paisible et sûre», par le caractère opportun des décisions et conditions de remise en liberté en vue de favoriser la « réadaptation et la réinsertion sociale » de la personne contrevenante68 ? Et, l’enquêteur

correctionnel souligne l’importance des mesures de réinsertion sociale dispensées en temps

65 Loi sur le système correctionnel du Québec, L.R. Q., c. S-40.1, art. 1. 66 Loi sur le système correctionnel du Québec, L.R. Q., c. S-40.1, art. 2.

67 MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC, 2010, La réinsertion sociale des personnes contrevenantes : une sécurité durable-Plan d’action gouvernemental 2010-2013, Plan d’action gouvernemental en matière de réinsertion sociale des personnes contrevenantes, p. 28, en ligne, :

«http://www.securitepublique.gouv.qc.ca/fileadmin/Documents/services_correctionnels/publications/plan_ action_2010-2013.pdf» (consulté le 20 novembre 2014).

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opportun auprès des personnes détenues pour contribuer stratégiquement à la sécurité publique69. Manifestement, la remise en liberté aux deux tiers de la peine doit faire l’objet

d’une restructuration. Néanmoins, prétendre encadrer le dernier tiers, voire « surveiller » cette portion de peine méritée après bonne conduite en détention et dans les programmes, comporte plusieurs implications et enjeux juridiques qui sont exposés dans les sections suivantes.

69 ENQUÊTEUR CORRECTIONNEL, 2013, Rapport annuel 2013-2014, p. 8 à 10, en ligne :

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