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A l’intérieur de la sensille et selon son diamètre, on observe un nombre variable de neurones (dendrites), baignant dans un liquide appelé lymphe sensillaire. Les sensilla basiconica abritent un très grand nombre de ces neurones (entre 130 et 200) en comparaison des autres

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types de sensilles (Nakanishi et coll. 2009; Ozaki et coll. 2005). Cette observation constitue un élément supplémentaire pour alimenter l’hypothèse que le type sensillaire basiconica est sûrement impliqué dans la captation des molécules chimiques peu volatiles. Au vu de la complexité des informations chimiques (odeurs constituées de bouquets de molécules) qui doivent êtres appréhendées par un individu, la présence de nombreux ORNs exprimant des récepteurs olfactifs variés peut sembler approprier.

Les dendrites contenues dans les sensilles sont les éléments distaux des neurones olfactifs récepteurs (ORNs pour Olfactory Receptor Neurons) qui expriment, au niveau de leur membrane, les récepteurs olfactifs (OR pour Olfactory Receptors) responsables du captage des molécules chimiques. Ces neurones projettent leurs axones sur les lobes antennaires (AL= Antennal Lobe), premiers relais du système nerveux central.

Les récepteurs olfactifs possèdent une spectre de sensibilité variable selon leur type et ils sont généralement regroupés par type fonctionnel au sein d’une même sensille (Hallem et coll. 2006). Lorsqu’une espèce chimique s’introduit par les pores d’une sensille olfactive, elle est captée vraisemblablement par une protéine de liaison (OBP pour Odorant Binding Protein) qui permet sa solubilisation et son transport jusqu’à l’OR correspondant. La liaison de la molécule (ou du complexe OBP/molécule) avec le récepteur olfactif entraine une dépolarisation de la membrane dendritique qui en réaction génère les potentiels d’action dont la fréquence de décharge constitue l’information neurale. De nombreuses études anatomo- fonctionnelles du système olfactif indiquent que l’antenne est organisée en unités fonctionnelles à partir des sensilles olfactives jusqu’aux centres nerveux supérieurs (pour une synthèse chez l’abeille voir Galizia & Rössler 2010). Chaque sensille abrite des récepteurs olfactifs généralement spécifiques d’une même famille de ligands.

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Figure 3. Structure de sensilla basiconica et sensilla trichodea observées en microscopie électronique

chez Myrmecia pyriformis (A-D) et Camponotus japonicus (E-G). A : Colocalisation de sensilla

basiconica (sensille épaisse) et sensilla trichodea (apparence de poil) au niveau des cercles pointillés. B : sensilla trichodea. C : sensilla basiconica (flèche noire). D: Extrémité d’une sensilla trichodea. E1-E2: Extrémité de l’antenne d’une ouvrière (E1), d’une reine (E2) et d’un mâle (E3) chez C. japonicus. Les flèches noires indiquent les sensilla basiconica (absentes chez les mâles). F : sensilla basiconica. G : extrémité d’une sensilla basiconica dont on distingue les pores. Echelles (barres): A =

10µm ; B,C et D = 1µm ; E1-E3 = 20µm ; F = 5µm ; G = 0.5µm. (D’après Ramirez-Esquivel et coll.

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Le lobe antennaire est organisé en multiples glomérules qui sont considérés comme les unités fonctionnelles de cet organe. De forme sphérique, les glomérules sont formés par l’agrégation de nombreuses synapses (on parle de neuropile) établies entre les ORNs et les neurones propres au lobe antennaire. Les glomérules constituent le premier centre d’intégration de l’influx nerveux issu de nombreux ORNs, raison pour laquelle les lobes antennaires sont considérés comme le centre de représentation de l’information olfactive. Pour cette raison, le lobe antennaire fait l’objet d’un intérêt particulier car il est considéré comme l’organe permettant aux fourmis d’appréhender leur environnement chimique et donc comme l’élément principal impliqué dans les processus de reconnaissance et de communication indispensables à l’organisation de la vie coloniale.

Chez la drosophile (comme chez les vertébrés), les ORNs exprimant les mêmes types de récepteurs (c'est-à-dire spécifiques d’un même ligand) projettent essentiellement sur le même glomérule (Vosshall et coll. 2000; Wang et coll. 2003). Chez la fourmi, même s’il n’existe pas encore de preuve formelle, on considère aussi que les glomérules reçoivent l’information issue de neurones exprimant les mêmes récepteurs olfactifs ou du moins présentant le même spectre perceptif (c’est-à-dire une sensibilité à des molécules communes).

Le fait que le système de communication chez les Formicidés repose en grande partie sur des informations olfactives se reflète dans le grand nombre de glomérules que l’on observe dans le lobe antennaire au sein de ce groupe : plus de 400 chez les individus du genre Camponotus (Nakanishi et coll. 2010; Zube et coll. 2008).

L’essentiel des informations disponibles sur les connections entre les différents éléments du système olfactif et leurs rôles respectifs dans la perception d’odeurs phéromonales et non- phéromonales chez la fourmi proviennent d’études réalisées chez Camponotus floridanus (Zube et coll. 2008) et Camponotus japonicus (Nakanishi et coll. 2010). Les axones des différents ORNs forment deux nerfs antennaires (un ventral et un dorsal) qui se réorganisent en deux branches à l’entrée des lobes antennaires. Une des branches se divise en quatre faisceaux sensoriels (appelés T1, T2, T3 et T6 [T = tract]) qui projettent chacun sur un amas glomérulaire distinct (appelés respectivement glomeruli T1, T2, T3 et T6) tandis que l’autre branche se divise en trois faisceaux sensoriels (T4, T5 et T7) projetant sur les glomérules correspondants (appelés respectivement glomeruli T4, T5 et T7). Chaque lobe antennaire est donc organisé en sept amas glomérulaires (soit sept sous-régions). Chacun d’entre eux possède un nombre différent de glomérules qui est approximativement le même chez les femelles (reines et ouvrières) mais inférieur (ou égal pour certains amas) chez les mâles

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(Nakanishi et coll. 2010). L’amas glomérulaire T6 possède par exemple environ 140 glomérules, Nakanishi et coll. (2010) suggèrent que les sensilles de type basiconica, qui logent approximativement 130 ORNs pourraient être liées spécifiquement à la région T6. Les auteurs basent cette hypothèse sur plusieurs observations : d’une part la forte corrélation entre le nombre de neurones dans une sensille basiconique et le nombre de glomérules composant l’aire T6, d’autre part sur le fait que les mâles chez C. japonicus ne présentent ni ce type de sensille, ni l’aire T6.

L’activité des glomérules en réponse à la présentation de phéromones chez C. obscuripes suggère que celles-ci sont traitées par une zone spécifique du lobe antennaire (Yamagata et coll. 2006). En revanche, les odeurs non phéromonales déclenchent un patron d’activité distribué sur un ensemble de glomérules chez C. floridanus (Zube et coll. 2008). Cependant, les auteurs tirent cette conclusion en observant la réponse déclenchée par le n-undécane (un alcane linéaire composé de 11 carbones absent du profil cuticulaire de l’espèce étudiée) au niveau des glomérules des zones T1, T2 et T3 du lobe antennaire et il n’est fait aucune mention du patron d’activité dans les quatre zones supplémentaires. Hors, d’après l’hypothèse de Nakanishi et coll. (2010), la zone T6 pourrait être impliquée dans l’intégration de l’information provenant des HCC. Toujours selon cette hypothèse, les patrons d’activité dans les autres régions (autre que T6) pourraient être d’importance moindre pour la représentation de l’odeur dans le lobe antennaire.

Au sein du lobe antennaire, l’information olfactive est transmise à un réseau local de neurones (appelés inter-neurones ou neurones locaux) puis transférée aux neurones de projection (PNs pour Projection Neurons) qui relaient l’information aux centres nerveux supérieurs. Chez l’abeille, les neurones locaux possèdent une activité excitatrice (ils sont alors cholinergiques) ou bien inhibitrice (GABA) qui module l’activité des glomérules (Galizia & Rössler 2010). Leur rôle dans la régulation de l’activité du lobe antennaire n’a pas été mis en évidence chez la fourmi (à notre connaissance).