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II.4 Nature du système polymorphe

II.4.2 Matériel et Méthode

II.4.2.2 Règle de l’enthalpie de fusion

Considérons le même système dimorphe. La règle de l’enthalpie de fusion énonce que si la forme cristallographique ayant la température de fusion la plus haute possède l’enthalpie de fusion la plus faible, le système polymorphe est énantiotrope (figure II.18(a)). Dans le cas contraire, les deux formes cristallographiques présentent entre elles une relation de monotropie (figure II.18(b))[38].

Afin de déterminer la nature du système polymorphe constitué des deux formes cristallo-graphiques de l’Étiracetam recristallisé, il convient donc de déterminer les températures et les enthalpies de fusion du morphe I et du morphe II. Dans le cadre de ce travail, une démarche

originale et expérimentale, utilisant l’Analyse Calorimétrique Différentielle a été considérée. Elle est détaillée ci-dessous.

a. Température de fusion

Conventionnellement, la température de fusion est déterminée à l’onset du pic de fusion, sur des courbes DSC ayant été obtenues avec un programme de température de chauffe adéquat. L’option d’ajustement par le taulag (correction interne de l’appareil de mesure qui permet de tenir compte de l’inertie thermique des creusets pouvant devenir conséquente lors de variations rapides de température (Annexe A)), généralement activée, assure que la détermination du point de fusion soit identique quelle que soit la vitesse de chauffe appliquée à l’échantillon[37]. Bien que couramment utilisée, notamment dans l’industrie pharmaceutique, cette méthode simple n’assure pas des grandes exactitudes et précisions sur les mesures.

Dans ce travail, nous nous intéressons dès lors à une méthode permettant une mesure exacte et plus précise de la température de fusion. Divers creusets sont remplis d’environ 6 mg de cristaux de morphe I ou morphe II broyés et présents sous forme d’un mélange physique de cristaux. Chacun des creusets est soumis à un programme de température allant de 30°C à 130°C pour le morphe I et 150°C pour le morphe II. Diverses vitesses de chauffe, allant de 1°C/min à 40°C/min (1°C/min, 2°C/min, 5°C/min, 10°C/min, 20°C/min et 40°C/min) sont utilisées. L’option taulag de la DSC est désactivée pour ces essais expérimentaux.

Les courbes DSC obtenues à l’issue de ce travail expérimental pour les deux morphes à chacune des vitesses de chauffe utilisées sont analysées. La désactivation de l’option taulag entraîne inévitablement un déplacement de l’onset du pic de fusion vers les plus hautes tempé-ratures au fur et à mesure de l’augmentation de la vitesse de chauffe. Un travail expérimental similaire décrit dans l’article[39] montre que l’onset du pic de fusion évolue de façon linéaire et croissante envers la vitesse de chauffe. Il montre également, par une confirmation expéri-mentale, que l’extrapolation de cette relation linéaire pour une vitesse de chauffe de 0°C/min correspond à la température de fusion thermodynamique recherchée.

b. Enthalpie de fusion

La méthode la plus couramment utilisée afin de déterminer l’enthalpie de fusion consiste à calculer, sur base d’une courbe DSC expérimentale, l’aire générée par le pic endothermique de fusion entre une température initiale légèrement inférieure à l’onset du pic de fusion et une température finale légèrement supérieure à l’endset du pic de fusion. Différents types de baselines bornant supérieurement le domaine d’intégration sont proposés par le logiciel. Les trois plus courantes d’entre elles sont présentées à la figure II.19. Les axes sont omis sur ces représentations schématiques. La méthode par défaut consiste à rejoindre la courbe DSC entre la température initiale et la température finale par une droite (figure II.19(a)). Il est également possible de borner supérieurement le domaine par un segment de droite horizontale. L’origine de ce segment est situé sur la courbe DSC soit au niveau de la ligne de base de la phase solide, nous parlons de horizontale gauche (figure II.19(b)), soit au niveau de la ligne de base de la phase liquide, nous parlons alors de horizontale droite. Ces deux premières approches sont très

approximatives. La troisième approche, par un spline (figure II.19(c)), permet de calculer plus exactement l’enthalpie de fusion.

(a) Par défaut. (b) Horizontale gauche. (c) Spline.

Figure II.19 – Présentation schématique des trois types de baselines d’intégration les plus courants pour la détermination de l’enthalpie de fusion sur base d’une courbe DSC : par défaut (a), horizontale gauche (b) et spline (c).

Cette méthode, quoique couramment utilisée telle qu’elle, principalement dans l’industrie pharmaceutique, est largement imprécise. En effet, comme cela peut être observé, l’aire sous le pic de fusion varie avec la vitesse de chauffe : plus celle-ci est élevée, plus le pic est étalé et plus il présente une aire élevée. En pratique, bien que travaillant avec la pente de température la plus faible qu’il soit, le pic de fusion garde un étalement sur une certaine plage de tempé-ratures. Tant que celle-ci n’est pas nulle, la DSC fournit non seulement l’énergie nécessaire au changement de phase, ladite enthalpie de fusion recherchée, mais également l’énergie, liée aux capacités calorifiques, nécessaire pour élever la température de l’échantillon sur cette gamme de températures.

Ainsi, une méthode plus exacte et plus précise pour la détermination de l’enthalpie de fusion (énergie devant être fournie à un composé solide pour passer sous forme liquide) est proposée ci-dessous. Cette démarche, selon nous totalement originale, peut être expliquée en deux temps. Considérons une courbe DSC expérimentale typique présentant un pic de fusion telle que présentée à l’Annexe A (figure A.2) et reprise ci-dessous (figure II.20). Les axes ne sont pas repris sur cette représentation schématique.

Dans un premier temps, il s’agit de calculer l’aire générée par le pic de fusion selon une méthode bien précise, expliquée dans la suite. Celle-ci consiste en la partie hachurée sur la figure II.20. Elle est bornée à gauche et à droite respectivement par les températures initiale et finale. La température initiale est choisie inférieure de quelques degrés à l’onset du pic de fusion et la température finale est choisie supérieure de quelques degrés à l’endset de ce même pic. La région hachurée est bornée en bas par la courbe DSC obtenue pour l’échantillon. En haut, elle est bornée par un segment de droite horizontale ayant pour origine le point de la courbe DSC à la température initiale de la zone d’intérêt. Cette droite représente la courbe DSC qui

serait obtenue en élevant la température de l’échantillon si celui-ci ne changeait pas de phase et était caractérisé par une capacité calorifique constante et égale à la capacité calorifique à la température initiale. Tel que cela est évoqué précédemment, cette aire est fonction, non seulement de l’enthalpie de fusion recherchée, mais également de l’énergie, liée aux capacités calorifiques, nécessaire à élever la température de l’échantillon depuis la température initiale jusqu’à la température finale.

FigureII.20 – Principe schématique de la méthode d’intégration adoptée dans ce travail pour la détermination de l’enthalpie de fusion.

Ainsi, et dans un deuxième temps, afin de déterminer l’enthalpie de fusion unique-ment, nous réalisons un bilan enthalpique, associé à l’aire calculée sur base de la courbe DSC expérimentale, entre les températures initiale et finale. Celui-ci est détaillé ci-dessous, où l’aire est exprimée en J. aire ms = Ú Tfinale Tinitiale

(fDSC,i(T)−fbase,i(T))dT (II.3)

ms est la masse de l’échantillon (g)

Tinitiale et Tfinale sont respectivement les températures initiale et finale du domaine d’intégration (°C)

fDSC,i(T) est la fonction reliée à la courbe DSC obtenue pour le morphe i (J/g/°C)

fbase,i(T) est la fonction du segment de droite horizontale ayant pour origine la courbe DSC à la température initiale du domaine d’intégration en fonction de la température (J/g/°C)

L’aire considérée peut se calculer par la variation d’enthalpie lors de transformations quel-conques entre la phase solide à la température initiale et la phase liquide à la température finale. Trois phénomènes sont considérés :

– entre la température initiale et la température thermodynamique de fusion déterminée précédemment, l’énergie fournie sert à élever la température de l’échantillon, celui-ci restant en phase solide. Cette énergie est fonction des deux températures mentionnées et de la capacité calorifique en phase solide,

– à la température de fusion, l’énergie fournie sert uniquement et entièrement au change-ment de phase. Il s’agit de l’enthalpie de fusion recherchée à la température de fusion, et enfin,

– entre la température de fusion et la température finale, l’énergie fournie sert à élever la température de l’échantillon, celui-ci étant alors présent en phase liquide. Cette énergie est fonction des deux températures mentionnées et de la capacité calorifique en phase liquide.

La fonctionfDSC,i(T) peut dès lors s’écrire comme suit :

Ú Tfinale

Tinitiale

fDSC,i(T)dT =

Ú Tf,i

Tinitiale

csp,i(T)dT + ∆hf,i(Tf,i) +

Ú Tfinale

Tf,i

clp(T)dT (II.4) où

Tf,iest la température de fusion du morphe i(J/g) – cs

p,i est la capacité calorifique du morphei(J/g/°C) – cl

p est la capacité calorifique de la substance en phase liquide (J/g/°C)

– ∆hf,i(Tf,i) est la variation d’enthalpie solide-liquide du morphe i à sa température de fusion (J/g)

La fonctionfbase,i(T) s’écrit plus simplement selon :

Ú Tfinale

Tinitiale

fbase,i(T)dT =cs

p,i(T =Tinitiale) (TfinaleTinitiale) (II.5)

En combinant les équations II.3, II.4 et II.5, nous obtenons une relation pour la détermination de l’enthalpie de fusion du morphe ià sa température de fusionTf,i :

hf,i(Tf,i) = aire

msÚ Tf,i Tinitiale csp,i(T)dTÚ Tfinale Tf,i clp(T)dT

+csp,i(T =Tinitiale) (TfinaleTinitiale) (II.6) Outre la température de fusion du morphe i, la résolution de cette équation nécessite la connaissance des capacités calorifiques pour la substance d’intérêt en phase solide d’une part (morphe i), et en phase liquide d’autre part. La méthode de détermination de ces grandeurs est décrite dans le paragraphe suivant.

Cette méthode innovante est utilisée pour la détermination de la variation d’enthalpie solide-liquide du morphe I et du morphe II à leurs températures de fusion respectives. Les courbes DSC exploitées sont celles obtenues dans le cadre de la détermination de la température de fusion. Nous appliquons la méthode à partir des courbes DSC aux diverses vitesses de chauffe et entre diverses températures initiales et finales.

c. Capacité Calorifique

En utilisant la DSC comme outil de mesure, plusieurs méthodes relativement connues peuvent être utilisées pour la détermination de la capacité calorifique d’une substance[28,37] : la méthode directe, la méthode au saphir et deux méthodes d’Analyse Calorimétrique Diffé-rentielle Alternée, l’une Steady State et l’autre avec une courbe sinusoïdale de la température. Cette dernière méthode nécessite un appareil non disponible dans le cadre de ce travail. Parmi les trois premières méthodes, la plus précise d’entre elles, la méthode au saphir, a été retenue. L’utilisation de cette méthode permet de réduire l’erreur sur la détermination expérimentale de la capacité calorifique de 10 % par rapport à la méthode directe.

La méthode au saphir détermine la capacité calorifique d’une substance sur la gamme de tem-pératures explorée grâce à l’obtention d’un jeu de trois mesures. Toutes doivent être réalisées avec un même programme de température. Celui-ci est optimisé suite à une succession d’essais expérimentaux dits essais-erreurs afin d’obtenir un programme de température permettant la mesure la plus exacte et précise possible.

Le programme de température adéquat est construit de la manière suivante :

– Il doit comporter un premier segment isotherme. Sa température doit être de l’ordre de 20°C inférieure à la borne inférieure de la gamme de températures sur laquelle la capacité calorifique est souhaitée avec exactitude et précision. Ce segment doit être suffisamment long pour permettre à la température initiale d’être homogène dans tout l’échantillon[37]

et égale à la température imposée : de l’ordre de 5 à 10 min, en fonction du produit analysé, de sa masse et de la température de ce segment.

– Suit un deuxième segment à une vitesse de chauffe adaptée. Une vitesse entre 5°C/min et 20°C/min est conseillée et adaptée en fonction du type de produit et de la masse de l’échantillon. Une vitesse de chauffe trop lente entraîne des difficultés dues au seuil de détection de l’appareil de mesure. Une vitesse de chauffe trop rapide, entraîne, comme expliqué précédemment, des problèmes d’inertie thermique au sein de l’échantillon. Dans le cas de notre étude, diverses vitesses de chauffe sont utilisées. Étant donné la vitesse de chauffe élevée utilisée, il est préférable de maintenir l’option taulag activée.

– Enfin, un dernier segment isotherme, de durée égale au premier[37], vient terminer la séquence de segments dans le programme de température. Sa température doit être de l’ordre de 20°C supérieure à la borne supérieure de la gamme de températures sur laquelle la détermination exacte et précise de la capacité calorique de la substance est souhaitée. Les trois mesures s’enchaînent de la façon suivante :

– La première mesure s’effectue sur un creuset vide dont la masse est égale, ou au mieux très proche, de la masse du creuset de référence,mr. Cette mesure est réalisée plusieurs fois afin d’obtenir une courbe la plus nette possible. Après vérification que toutes les

courbes DSC présentent une même allure, la dernière d’entre elles est sélectionnée et sert de blanc.

– La deuxième mesure s’effectue sur le creuset précédent au sein duquel nous plaçons une substance de référence dont l’évolution de la capacité calorifique avec la température est calibrée. A cette fin, nous utilisons des rondelles de 20 mg saphir. Au plus la masse de la substance est grande, au plus la mesure est précise[37]. Cette mesure est également réalisée plusieurs fois pour les mêmes raisons qu’évoquées ci-dessus. La courbe DSC obtenue à l’issue de la dernière mesure sert de référence.

– Ensuite, la troisième mesure consiste à faire subir le même programme de température que précédemment sur un autre creuset dont la masse est également égale, ou au mieux très proche, de la masse du creuset de référence, mr, que nous remplissons d’environ 20 mg de la substance à analyser. L’échantillon se présente sous la forme d’un mélange physique de cristaux broyés. Dans le cadre de ce travail l’utilisation d’un autre creuset est nécessaire étant donné que le précédent, contenant le saphir, a été scellé.

La méthode directe pour la détermination de la capacité calorifique consisterait en la sous-traction de la courbe de blanc (obtenue pour le creuset uniquement) à la troisième courbe DSC (obtenue pour le creuset rempli de la substance à analyser). Dans la méthode au saphir, une soustraction supplémentaire est effectuée, la courbe de blanc étant soustraite à la deuxième courbe DSC obtenue pour l’ensemble creuset et saphir. La capacité calorifique déterminée par cette méthode directe pour le saphir est comparée aux valeurs tabulées. En cas de légère dif-férence, un coefficient de correction est considéré. La première soustraction effectuée pour la détermination de la capacité calorifique de la substance étudiée est alors corrigée.

Figure II.21 – Présentation schématique des trois courbes DSC brutes obtenues pour la détermination des capacités calorifiques par la méthode au saphir : 1. courbe du blanc (noir), 2. courbe relative au saphir (gris pointillé) et 3. courbe relative à la substance à analyser (gris).

Un exemple schématique des trois courbes DSC brutes (pour le blanc, pour le saphir et pour l’échantillon à analyser) pouvant être obtenues par cette méthode au saphir est présenté à la figure II.21. La position relative des courbes DSC correspondant d’une part au saphir et d’autre part à l’échantillon n’est pas toujours celle présentée sur cette représentation graphique. Elle dépend des valeurs des capacités calorifiques du saphir et de l’échantillon à analyser.

Les programmes de température utilisés dans le cadre de ce travail pour la détermination des capacités calorifiques l’Étiracetam en phase solide d’une part, les deux formes cristallogra-phiques étant considérées, et en phase liquide d’autre part, sont présentés à la figure II.22. La vitesse de chauffe utilisée est de 15°C/min. Aucune optimisation n’est effectuée sur cette vitesse de chauffe. Nous revenons sur ce point dans la partie consacrée aux résultats. Les tem-pératures des segments isothermes sont mentionnées sur la figure II.22(a) pour la phase solide et sur la figure II.22(b) pour la phase liquide. La gamme de températures comprises entre 100°C et 130°C n’est pas investiguée étant donné que se déroulent, sur celle-ci, les fusions des deux formes cristallographiques.

(a) En phase solide. (b) En phase liquide.

FigureII.22 – Programmes de température schématiques pour la détermination des capacités calorifiques de la substance d’intérêt en phase solide (a) et liquide (b).

Utilisant le programme de température pour la phase solide (figure II.22(a)), nous commen-çons par étudier les aspects d’exactitude, de répétabilité et de reproductibilité sur les mesures. La première partie de cette étude préliminaire consiste à déterminer la capacité calorifique de l’indium à 25°C grâce à la méthode au saphir. En effet, en utilisant cette substance dont la capacité calorifique est connue, nous pouvons estimer l’erreur sur l’exactitude de la mesure réalisée[34]. L’erreur relative sur la mesure est de 13 %, la valeur réelle étant de 0.233 J/g/K et la valeur mesurée étant de 0.205 J/g/K.

La deuxième partie de cette étude préliminaire consiste à étudier les aspects de répétabilité et de reproductibilité sur les mesures. Ces essais sont effectués pour la détermination de la capacité calorifique du morphe II uniquement. La répétabilité est testée en faisant subir plusieurs fois d’affilée le programme de température présenté à la figure II.22(a) sur un même échantillon. La reproductibilité via l’utilisation de plusieurs échantillons préparés de façon indépendante. Nous mettons ainsi en évidence que ni la répétabilité ni la reproductibilité ne sont excellentes. Nous pouvons observer des différences allant jusqu’à 25 % entre les résultats les plus extrêmes.

Sur base de ces résultats préliminaires, nous décidons de réaliser 6 expériences indépendantes, c’est-à-dire à partir de l’utilisation de 6 échantillons préparés de façon indépendante, pour la détermination des capacités calorifiques de l’Étiracetam en phase solide d’une part, les deux formes cristallographiques étant considérées, et en phase liquide d’autre part. Les programmes de température pour ces deux phases sont présentés à la figure II.22. Il convient ensuite de faire un traitement statistique sur les données indépendantes (de reproductibilité) en vue de déterminer l’erreur expérimentale commise sur la détermination des capacités calorifiques.

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