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4 Propositions de stratégies

4.4 Développer des actions spécifiques sur les premières années de la vie

4.4.2 Promouvoir l’allaitement maternel

En France, les taux d’initiation de l’allaitement maternel ont fortement augmenté depuis plusieurs décennies : en 1972, seuls 36,6% des nouveau-nés étaient allaités à la naissance ; ils étaient un peu plus de la moitié dans la deuxième partie des années 1990 [37]. Néanmoins, cette progression a nettement marqué le pas au cours des années 2000 : en 2003, d’après les enquêtes nationales périnatales, 62,6% des nourrissons étaient allaités à la naissance, puis 68,7% en 2010, avec des disparités géographiques notables [37]. D’après l’enquête EPIFANE, ils étaient 69,1% en 2012 à être allaités, dont 59,7% de façon exclusive69[ [285]. Par ailleurs, il est observé une chute brutale de la pratique, notamment de l’allaitement exclusif dans les toutes premières semaines de vie du nourrisson : en 2012, ils n’étaient déjà plus que 54,5% à être allaités à un mois, dont 35,4% de manière exclusive [285]. Cette diminution avec l’âge de l’enfant se poursuit avec 39,2% des enfants allaités à 3 mois, 22,5% à 6 mois, et 9,6% à 12 mois [284]. Globalement, en 2012, les enfants étaient alors allaités pour une durée médiane de 15 semaines [284].

Au niveau individuel, de multiples déterminants démographiques et sociaux sont impliqués dans l’initiation [193, 285] et la poursuite [284, 333] de l’allaitement maternel, par exemple l’âge, le niveau socioéconomique, le pays de naissance, la parité ou encore le fait d’avoir été soi-même allaitée. Les conditions d’accouchement, les complications pendant la grossesse et lors de l’accouchement, ainsi que certains indicateurs de santé (tabagisme, corpulence), sont également des facteurs majeurs des disparités observées dans les pratiques d’allaitement maternel [193, 284, 285, 333]. Ces facteurs sont souvent non ou peu modifiables en eux-mêmes, mais ils permettent d’identifier des groupes de population auprès desquels des actions de promotion, de soutien et d’accompagnement doivent être adaptées et renforcées.

Qu’il s’agisse de l’initiation de l’allaitement ou de son maintien, les dimensions psychosociales tiennent une place particulièrement majeure [83, 281, 284] : représentation qu’ont la mère et son conjoint de la femme qui allaite (représentation qui s’est souvent construite bien avant la grossesse), image de soi (capacité à réussir, perception corporelle), soutien du conjoint, des pairs et de la famille, participation aux séances de préparation à l’accouchement…

Par ailleurs, la reprise du travail est citée dans de nombreuses études comme un obstacle à la poursuite de l’allaitement [39, 281]. Elle est parfois considérée comme pouvant même constituer un frein à toute initiation [240] ; toutefois, les conclusions à ce sujet varient selon les études [217].

Enfin, les attitudes et conseils prodigués par les professionnels de santé semblent également jouer un rôle important [281]. Tout en respectant le choix des femmes à n’allaiter que partiellement, voire à ne pas allaiter du tout, leur rôle est de leur apporter le soutien technique et psychologique nécessaire auprès de celles qui souhaitent initier un allaitement maternel, sans toutefois se limiter aux tous premiers jours de vie.

Par ailleurs, les effets de diffusion des pratiques d’allaitement maternel grâce à leur banalisation restent encore à développer en France, pays où le rejet culturel de l’allaitement reste particulièrement sensible, comme en témoignent les prises de position publiques lorsque de nouveaux éléments scientifiques sur l’allaitement maternel sont publiés. Dans ce domaine, il conviendrait de réfléchir à l’échelle de la population entière : hommes et femmes ; adolescents,

69 Dans cette situation, le nourrisson ne reçoit que du lait maternel sans aucun autre liquide (eau, jus, tisanes, préparations pour nourrisson… sont exclus), ni solide, mais peut recevoir médicaments, vitamines et solutions de réhydratation orale.

jeunes adultes, grands-parents ; milieux de travail et de loisirs. Sans chercher une normalisation imposée, qu’une femme puisse allaiter (et trouver les conditions pour le faire, y compris pour tirer son lait) dans quelqu’endroit que ce soit devrait être recherché.

Reste ainsi à trouver un équilibre entre le choix pleinement informé des femmes et de leur conjoint, et la promotion d’un comportement favorable à la santé de la mère et de l’enfant. En effet, s’il est primordial de rappeler que l’utilisation de préparations pour nourrisson est, en France, sans risque, l’allaitement maternel est une pratique qui présente des bénéfices santé supplémentaires qui ont été démontrés de façon scientifique (cf. infra). En outre, les contre-indications sont bien identifiées (par exemple, infection par le VIH de la mère, galactosémie congénitale, exposition aigue à certains métaux lourds et toxiques de l’environnement) et restent rares [320].

Justification des mesures

L’augmentation de l’initiation et de la part des femmes qui allaitent pendant une durée suffisante trouve sa justification dans les bénéfices documentés pour la santé, y compris dans les pays occidentaux [330]. La plupart des bénéfices sont observés à court terme ; ils augmentent graduellement avec la prolongation de l’allaitement [330].

Pour les enfants, une réduction de la mort subite du nourrisson, des entérocolites ulcéro-nécrosantes, des otites moyennes avant 2 ans, des infections gastro-intestinales, et des affections respiratoires est documentée avec un niveau de preuve élevé [330]. Le niveau de preuve est plus limité concernant la réduction de l’asthme et des rhinites allergiques [330]. A plus long terme, les effets positifs sont d’impact et de niveaux de preuve très limités, compte tenu des incohérences entre les études et des problèmes méthodologiques rencontrés (difficultés à contrôler les facteurs de confusion et les comportements intermédiaires). Ils concerneraient notamment la réduction des risques de surpoids et d’obésité, et de diabète de type 2, ainsi qu’un quotient intellectuel légèrement augmenté [330].

Pour les femmes, des bénéfices en termes de prévention du cancer du sein sont considérés comme ayant un niveau de preuve « probable » par le World Cancer Research Fund (WCRF) [349]. Ceux pour la prévention du cancer de l’ovaire sont également soulignés [330] mais le niveau de preuve reste limité selon le WCRF [349]. Il reste que les bénéfices de court terme, tels qu’ils sont documentés, sont suffisants pour la promotion de l’allaitement maternel compte tenu de leurs impacts sanitaires et de leurs coûts associés [320].

L’OMS recommande la pratique d’un allaitement maternel de façon exclusive pendant 6 mois et la poursuite de l’allaitement pendant la période de diversification alimentaire, jusqu’à 2 ans [338]. Il s’agit d’une recommandation générique, valable au niveau mondial. En 2017, l’ESPGHAN (European Society for Paediatric Gastroenterology, Hepatology, and Nutrition) considère que l’allaitement maternel exclusif ou complet devrait être recommandé jusqu’à au moins 4 mois révolus, puis que l’allaitement exclusif ou prédominant devrait être poursuivi jusqu’à 6 mois révolus [117]. Les aliments de compléments (solides ou liquides autres que le lait maternel ou les préparations pour nourrissons) ne doivent pas être introduits avant 4 mois, mais leur introduction ne doit pas être reportée au-delà de 6 mois. Cette recommandation apparaît a priori plus

« souple » que celle de l’OMS, compte tenu de l’absence de documentation de risques associés à une introduction d’autres fluides (y compris les préparations pour nourrissons) ou de certains aliments solides après 4 mois mais avant 6 mois [117, 106]. Une revue systématique publiée en 2016 n’a pas permis de conclure à une éventuelle remise en cause du moment d’introduction d’autres liquides ou solides tel que recommandé par l’OMS [298].

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il apparait que les interventions pour la promotion de l’initiation et de la poursuite de l’allaitement maternel devraient avoir lieu à différents niveaux [281].

Par exemple, des interventions auprès des professionnels de santé et d’intervenants non professionnels de santé agissant pour la promotion de l’allaitement maternel ont montré une efficacité dans l’initiation de l’allaitement maternel [19] ; néanmoins, ces études présentent des limites méthodologiques et des risques de biais élevés. De façon plus spécifique, le peau-à-peau fait partie des éléments dont l’efficacité a quant à elle été démontrée [242] et pouvant être mis en place par les professionnels de santé pour augmenter les chances d’initiation (et de poursuite) de l’allaitement maternel.

Dans un autre domaine, des interventions sur les lieux de travail doivent faire l’objet de recherches pour identifier celles qui s’avèrent efficaces [1]. Enfin, une méta-analyse a montré que les actions de soutien à l’allaitement maternel, réalisées au domicile des femmes (plus ou moins accompagnées de contacts téléphoniques) par différents acteurs de santé et conseillers en lactation, étaient efficaces dans l’augmentation de la part d’allaitement exclusif ainsi que dans la poursuite de l’allaitement global [281].

Le HCSP recommande de :

Promouvoir des environnements favorables à l’allaitement maternel Dans les entreprises

Les dispositions existant dans le code du travail méritent d’être clarifiées (lieu pour allaiter, horaires aménagés, …). Des mesures règlementaires complémentaires pourraient être envisagées pour rendre effective la possibilité d’allaiter après la reprise du travail, faire connaître et faire respecter la législation existante sur les droits des femmes qui allaitent (au travail, dans les lieux publics…). Labelliser et soutenir les entreprises actives dans le soutien aux femmes qui allaitent (prolongation du congé maternité, pièce et matériel de conservation pour tirer le lait, information diffusée…).

Dans les lieux publics

- Mettre à disposition, dans les lieux publics (gares, centres administratifs, musées,…), des pièces réservées à l’allaitement et adaptées pour le tirage du lait.

- Distribuer des autocollants « allaitement bienvenu » pour des lieux commerciaux (cafés, restaurants, centres commerciaux…).

Communication

Promouvoir, dans les médias et dans les lieux publics, la banalisation de l’allaitement maternel, l’image de la femme qui allaite, mettre à disposition, de façon large et actualisée régulièrement, le meilleur niveau de preuve existant sur les bénéfices de l’allaitement, les interventions probantes.

Surveillance

- Mettre en place un système de veille sur les sponsorings détournés.

- Conduire une étude complète (non limitée à l’allaitement) sur les coûts-bénéfices d’un allongement de la durée du congé maternité.

Auprès des établissements et professionnels de santé

- Mettre en œuvre des recommandations OMS/Unicef de l’initiative « hôpitaux amis des bébés » (IHAB) dans les maternités et les services de néonatalogie.

- Développer la formation professionnelle et le développement professionnel continu, notamment pour les sages-femmes, les médecins généralistes, les gynéco-obstétriciens, les pédiatres, les pharmaciens, et les puéricultrices.

- Favoriser la dissémination des bonnes pratiques et le soutien à l’allaitement.

- Soutenir le développement des lactariums et l’usage du lait maternel tiré.

Information et soutien des mères et de leur entourage

A la maternité et au retour à la maison (services de PMI, soutien par téléphone public et gratuit, conseiller / aide maternel en lien avec des structures publiques).

► Mener une expérimentation sur l’augmentation de la durée du congé légal de maternité.

Cette expérimentation pourrait avoir lieu sur une durée limitée (2 à 3 années) et une échelle géographique donnée. La surveillance de cette mesure sera effectuée sur l’initiation et la durée de l’allaitement mais aussi sur les conditions de la reprise du travail, la carrière des femmes après la reprise du travail et l’accompagnement de l’allaitement au travail.

4.4.3 P romouvoir l’amélioration du s tatut en acide folique chez les femmes