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III- Conclusions et premières perspectives de prise en charge

2. Projet thérapeutique

On peut alors faire l’hypothèse de difficultés d’accordage et d’ajustement au sein des interactions précoces qui auraient entravé l’intégration d’une sécurité de base suffisante ; et suscité la mise en place de mécanismes de maintien16 destinés à lutter contre l’angoisse due à la fragilité et l’instabilité de l’enveloppe et de l’axe.

2. Projet thérapeutique.

a) Axes thérapeutiques.

Ces hypothèses, en mettant en jeu les notions d’enveloppe, d’axe, d’angoisses et de représentations corporelles semblent dessiner un tableau clinique marqué par une problématique de construction identitaire.

On envisage ainsi un travail centré sur l’enveloppe et ses limites, afin de mettre au travail les processus de différenciation que l’on suppose être entravé chez Taz. Il semble en effet indispensable - pour permettre à Taz d’éprouver les limites de son propre corps, de s’assurer de l’unicité et de la contenance de son enveloppe physique et psychique - de lui faire expérimenter la différenciation entre un dedans et un dehors, entre lui et l’objet, entre le réel et le fantasmatique. Dans cette perspective, l’inviter à passer par différents états toniques et émotionnels afin de les intégrer et de leur donner du sens semble être une première étape de la prise en charge.

Appréhender ainsi l’enveloppe dans sa capacité à offrir des limites fiables et contenantes, c’est également considérer la manière dont elle pourrait être atteinte ; c’est-à-dire aborder la question des angoisses archaïques. Celles-ci doivent pouvoir être exprimées et accueillies dans l’espace d’expérimentation ouvert par la psychomotricité, pour être ensuite progressivement symbolisées, puis pouvoir passer au second plan de l’organisation psychocorporelle de Taz.

Ce travail d’étayage de l’enveloppe psychocorporelle de Taz ne peut se faire qu’en résonnance avec une mobilisation des appuis, nécessaires à la restauration de l’axe psychocorporel. Les angoisses de chute, d’effondrement observées lors du bilan semblent notamment témoigner de la nécessité de restaurer cette fonction axiale ; c’est à dire de trouver dans le rapport au sol les appuis, l’ancrage et le repousser nécessaires afin que Taz puisse véritablement se tenir debout et résister à la gravité.

16On préférera parler ici de mécanismes de maintien plutôt que de défense, dans la mesure où les mécanismes que l’on évoque ici sont en deçà des processus plus élaborés, secondarisés, que représentent les mécanismes de défenses dans leur acception proprement psychanalytique (clivage, déni, projection, refoulement…etc.).

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b) Modalités de prise en charge en psychomotricité.

Un suivi en psychomotricité est donc proposé à Taz au terme de ces trois séances de bilan, à raison d’une séance individuelle de 45 minutes chaque semaine. Le choix de ces modalités de prise en charge (notamment la question de séances en individuel) a été motivé par l’intolérance de Taz aux situations groupales, telle qu’elle a été remarquée par l’école, par la maman, et par la tentative infructueuse de groupe thérapeutique au CMP. Taz semble en effet ne pas encore être en capacité de supporter les interactions multiples qu’implique le groupe, ni de trouver des moyens d’accorder sa temporalité, son rythme propre, ses vécus psychocorporels avec ceux de ses pairs. L’indication d’un groupe serait éventuellement envisageable, mais dans un second temps du suivi de Taz, et selon son évolution.

c) Médiation.

Le jeu spontané est investi comme médiation pour soutenir la prise en charge de Taz, et mettre ainsi au travail les problématiques d’enveloppe, de différenciation, et d’angoisses corporelles archaïques relevées. En facilitant la création d’un cadre thérapeutique à la fois contenant et malléable, il nous a semblé être susceptible d’accueillir et de contenir l’agitation psychomotrice de Taz. Cette médiation ouvre la possibilité de traverser diverses situations sensori-motrices et émotionnelles au sein du jeu ; et ainsi d’expérimenter peut-être d’autres manières de se vivre, d’être en relation. Le jeu spontané offrirait en outre à Taz de trouver des supports multiples sur lesquels projeter ses angoisses, grâce auxquels les mettre en scène et les mettre en corps.

Pour le psychomotricien, le jeu spontané est une voie permettant de rejoindre le patient là où il se trouve dans ses problématiques et d’introduire progressivement des modulations et nuances susceptibles de les mettre en mouvement.

Etant donné la propension de Taz à rechercher et investir l’adulte de manière exclusive, le fait d’être trois pendant les séances (la psychomotricienne, Taz et moi) permet d’aménager une ouverture de l’espace relationnel et de l’espace de jeu, en évitant un éventuel enfermement ou repli sur une dyade recréée patient-thérapeute. Ce dispositif permet de plus d’appréhender la manière dont Taz peut nous investir de manière différenciée la psychomotricienne et moi ; comment il peut nous attribuer des places, des rôles, des fonctions différentes dans le jeu comme dans la relation.

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III – Le jeu et la structuration psychocorporelle : perspectives

développementale et psychopathologique.

La notion de jeu spontané a été introduite ici au titre de médiation dans la prise en charge de Taz. Cependant, on se demande si ce terme de médiation est le plus adapté pour qualifier le jeu qui se développe dans un cadre thérapeutique – et en psychomotricité en particulier. Ou plutôt, on s’interroge sur le fait que le jeu puisse, en tant que tel, se définir comme médiation thérapeutique, et par là même faire l’objet d’un choix de la part du thérapeute.

Le jeu - ou le non-jeu, le jeu entravé – semble en effet déjà là, comme au cœur du travail. Au lieu de l’appréhender comme médiation, ne peut-on pas considérer à l’inverse que le choix d’une médiation est susceptible de mettre au travail un aspect particulier de la capacité à jouer du patient ? En somme, nous posons ici cette question : les jeux de Taz sont-ils le fruit d’un choix thérapeutique d’utiliser le jeu spontané comme médiation ? Ou se sont-ils imposés au travail en psychomotricité ; requérant de trouver comme supports divers objets médiateurs (briques, tissus, toupie…etc.) et sollicitant le recours à différentes médiations proprement dites (construction de cabanes et châteaux-forts, jeux de portages et de hamac, jeux de faire-semblant…etc.) pour pouvoir se déployer pleinement ?

Afin de questionner cette hypothèse, on tachera de comprendre en quoi le jeu est une activité essentielle de l’être humain, et comment la capacité à jouer est significative de la structuration psychocorporelle de l’individu.

Pour ce faire, il nous faut observer comment le jeu s’inscrit de manière transversale dans le développement de l’enfant. Faire retour sur les interactions précoces nous permettra ainsi de souligner les enjeux identitaires qui sous-tendent l’émergence des toutes premières formes de jeu. Partant, on s’intéressera à la notion de transitionnalité et à la fonction qu’elle occupe dans le développement psychocorporel de l’enfant. Cela nous permettra d’en venir au jeu proprement dit, et de le définir comme aire intermédiaire d’expérience dont le déploiement révèle la qualité de la structuration psychoaffective du sujet. Dans cette perspective, on s’attachera enfin à comprendre comment le jeu se révèle être un terrain d’observation privilégié des enjeux psychopathologiques, en soulignant combien les jeux de Taz ont étayé notre compréhension de son organisation psychocorporelle.

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I- Enjeux des interactions précoces : constitution du premier sentiment