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du matériau actif aux procédés de transformation, de stockage ou de transport de l’énergie thermique

II. 5 Procédés thermochimiques S/G pour des applications de production de forte puissance instantanée de chaleur ou de froid

II. 5.1 Production frigorifique de forte puissance

Cette application a été développée dans le cadre d’une collaboration industrielle avec la société Technice [PR Ind3] ayant acquis une licence des brevets déposés sur la gestion et l’utilisation particulières de ces procédés thermochimiques. L’objectif de ce partenariat consistait à concevoir, expérimenter et optimiser un dispositif compact permettant de réaliser une double fonctionnalité :

• une production d’eau fraîche à la demande : l’objectif était de réaliser, à partir d’une réserve d’eau disponible à 20-25°C, un service continu ou à la demande d’une quinzaine de verres de 20 cl d’eau fraîche à 10-15°C, soit un refroidissement rapide de 3 litres d’eau avec un ∆T de l’ordre de 10K.

• une production rapide de glace : le dispositif devait en outre être capable de produire à la demande une dizaine de glaçons de 12g en moins de 2mn et de les décoller du bac à glaçons.

Les procédés classiques, basés soit sur la compression ou l’effet Peltier, ne permettent pas cette fonction de production instantanée à la demande sans recourir à la mise en œuvre d'une réserve d'eau fraîche maintenue en permanence en température. Par ailleurs, la mise en température de la réserve d'eau fraîche peut atteindre plusieurs heures et ne remplit donc pas les contraintes de fourniture à la demande d’eau fraîche. D’autre part, pour l’industriel, cette solution n’était pas acceptable d’un point de vue sanitaire (perte de qualité sanitaire de l’eau, développement de micro-organismes,…).

Pour atteindre ces objectifs, il était nécessaire de développer un dipôle thermochimique avec une production frigorifique de l’ordre de 2 kW de froid sur une courte période. Le dispositif devait ainsi être constitué de deux types d’évaporateur adaptés à chacune des fonctionnalités et d’un réacteur devant réaliser une production frigorifique différente selon la fonctionnalité choisie. Afin d’éviter une remontée en température de l’évaporateur entre deux utilisations successives, un condenseur uniquement actif pendant la phase de régénération, est placé entre les évaporateurs et le réacteur (Fig. 31).

Pour l’application eau fraîche, toute la production frigorifique est stockée dans un PCM (eau+GNE) intégré dans l’enveloppe de l’évaporateur. Ce PCM en contact avec un serpentin d’alimentation d’eau permet par la suite le rafraîchissement à la demande de l’eau contenue dans la réserve.

L’étude et la réalisation de la seconde fonctionnalité ont été plus délicates. L’objectif de fabriquer rapidement et livrer 12 glaçons, supposait d’une part la conception et la réalisation d’un évaporateur particulier, d’autre part l’utilisation de deux réacteurs dont la gestion devait

permettre un décollement rapide des glaçons de la paroi de l’évaporateur. En effet la gestion de deux réacteurs permet, non seulement une production frigorifique en deux temps avec une puissance importante, mais surtout de pouvoir démarrer la régénération d’un des réacteurs (par chauffage électrique) tout en continuant la production frigorifique sur le second réacteur connecté à l’évaporateur. Le réacteur isolé et chauffé, voit alors sa pression croître, et dès que cette pression est suffisante, le réacteur est mis en communication avec l’évaporateur après avoir été au préalable isolé du second réacteur. Les gaz chauds sont alors dirigés directement vers la paroi des glaçons entraînant une fusion superficielle, et le détachement des glaçons de la paroi de l’évaporateur. L’évaporateur comprend un réservoir en acier sur lequel est fixé un bac à glaçons en aluminium pour une meilleure diffusivité thermique. Ce bac est constitué d’alvéoles juxtaposées en forme de demi-lune dont les parois ont été traitées par un dépôt mince de téflon. La forme de ces alvéoles a été optimisée de telle sorte que l’eau, en contact avec les parois estimées à une température de -10°C, puisse s’y transformer totalement en glace en moins de 2 mn. Par ailleurs pour intensifier le transfert de chaleur de l’eau vers l’évaporateur, le bac à glaçons est muni d’ailettes restant en contact avec le fluide en évaporation (Fig. 31).

Le réactif choisi, MnCl2, associé à l’ammoniac comme gaz réactif, a permis de satisfaire les contraintes imposées : température maximale de régénération de 200°C et production de froid à -20°C dans l’évaporateur avec un écart à l’équilibre imposé au réacteur de l’ordre de 50°C. Afin d’éviter les limitations dues au transfert de masse à basse pression et évacuer rapidement la chaleur de synthèse, un composite réactif comportant 30 % de GNE de masse volumique

apparente de 100 kg/m3 a été mis en œuvre. Ceci correspond à un matériau composite de masse

volumique de 330 kg/m3, très poreux et de conductivité élevée (8 W/m.K). La configuration géométrique des réacteurs a été optimisée en terme de surface d’échange (ajout d'ailettes) et de masse thermique, afin de limiter sa montée en température et contraindre le milieu réactif très poreux à de forts écarts à l’équilibre lors de la phase de synthèse. Trois cannes électriques permettent un chauffage réparti du matériau réactif lors de la phase de régénération.

R é se rv e d 'e a u Evaporateur glace Réacteur 1 et 2 E v ap o ra te u r ea u f ra ic h e + P C M Condenseur Évaporateur spécialement conçu pour la production rapide de glaçons

Figure 31 : Schéma de principe et photo du prototype du dispositif de production quasi instantanée d’eau fraîche et de glaçons développé dans le cadre du partenariat industriel

Les essais expérimentaux réalisés sur ce démonstrateur ont permis d’atteindre les objectifs fixés et même de les dépasser. En effet, le dimensionnement du procédé a permis non seulement une production en continue d'environ 30 verres de 20cl (soit une capacité de refroidissement de 6 litres) avec un refroidissement variant de 14K (en début de service) à 6K (en fin de service), mais il a également permis de valider la production à la demande de glaçons de 12g en environ 5 minutes. La figure 32 présente un exemple de résultats obtenus pour la production d’eau fraîche et démontre la possibilité de production rapide de glaçons.

Au-delà du caractère purement technologique de cette application, ce projet a permis de soulever des problématiques scientifiques intéressantes, notamment liées au contrôle de la pression intermédiaire de fonctionnement du dipôle, induite par la compétition des cinétiques entre le réacteur et l’évaporateur. Nous avons ainsi montré que la maîtrise de cette compétition n’était possible qu’au travers d’un dimensionnement fin du réacteur en adaptant les masses thermiques des composants, leur surface d’échange et les caractéristiques thermophysiques des matériaux composites réactifs mis en œuvre.

Evolution des températures du PCM, et d'entrée / sortie de l'eau dans l'évaporateur

-25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 5885 5945 6005 6065 6125 6185 Temps (s) T e m p é ra tu re ( C °) TPCM TeeauEV TseauEV A chaque pic correspond une dose d'eau de 20cl

La totalité de l'eau versée est de 30 verres correspondant donc à 6 litres

Figure 32 :Résultats expérimentaux obtenus pour la production d’eau fraîche et de glaçons par le dispositif thermochimique :(a) évolution des températures de l’eau dans la réserve et en sortie d’évaporateur intégrant le PCM, (b) production et livraison de 6 glaçons en moins de 5 mn par l’évaporateur à glaçon.

Cette problématique nous a conduits à développer d’autres concepts de procédés adaptés à la production de froid instantané et de forte puissance. Des améliorations au dispositif peuvent être envisagées afin d’accroître, d’une part l’efficacité du procédé en cherchant à réduire les durées du cycle, notamment celles des phases de régénération, et d’autre part d’augmenter significativement la puissance frigorifique instantanée. Ces innovations technologiques ont fait l’objet de 3 brevets étendus [Br 1, Br 2 et Br 3] déposés par le CNRS.

Ainsi, l’utilisation d’un PCM intégré dans un évaporateur de type fabrique de glace permet de réduire significativement la durée de régénération du réacteur. En effet, la mise en communication du réacteur, placé dans les conditions de régénération à haute pression avec l'évaporateur maintenu à basse pression par le matériau à changement de phase, permet une

désorption rapide du gaz du réacteur. L'évaporateur recevant les gaz chauds provenant du réacteur, joue alors le rôle d'un condenseur et permet le décollement des glaçons des parois. L'écart à l’équilibre imposé au réacteur du fait de la forte différence de pression permet d’accélérer la phase de régénération.

La deuxième innovation est basée sur l’utilisation de deux réacteurs, chacun mettant en œuvre des sels différents et caractérisés par deux équilibres réactionnels distincts (Fig. 33). Ces réacteurs, indépendants dans leur gestion, sont placés en contact thermique de telle sorte que chaque réacteur joue le rôle d’une capacité thermique active vis-à-vis de l’autre. Ceci permet de développer successivement deux pics de forte puissance instantanée contribuant à réduire fortement la durée de la phase de production de glaçons. Le dispositif est constitué de deux réacteurs imbriqués l'un dans l'autre. De préférence, le réacteur intérieur (R1) doit mettre en œuvre le réactif qui requiert la température la plus élevée pour la désorption du gaz pendant la phase de régénération du dispositif, ceci pour limiter les pertes thermiques. Les deux réacteurs sont alors successivement connectés au condenseur/évaporateur via une vanne associée.

C E D 1 2 V2 V1 S temps P u is sa n ce fr ig o ri fi q u e lnP E1 E0 TE1 T0 -1/T 10 11 2 21 20 L/G 1 PE1 = P21 P10 PE0 P20 lnP E1 E0 TE1 T0 -1/T 10 11 2 21 20 L/G 1 PE2 = P12 P11 PE1 12 E2 TE2 22

Figure 33 : Dispositif thermochimique à deux réacteurs indépendants en contact thermique permettant deux pics de production de froid de forte puissance: (a) première phase de production par le réacteur R2 ; (b) seconde phase de production par le réacteur R1

Dans un premier temps, la production de froid est réalisée par le réacteur R2, le réacteur R1 étant isolé. La mise en communication du réacteur R2 avec l’évaporateur provoque une première

baisse brutale de la température de l’évaporateur de To à TE1 permettant de mettre en condition

l’évaporateur. La chaleur de réaction exothermique produite par le réacteur R2 est absorbée par

le réacteur R1 isolé qui constitue alors une capacité thermique permettant au réacteur R2 de se maintenir loin de son équilibre thermodynamique. Lorsque la puissance frigorifique devient insuffisante, le réacteur R2 est isolé à son tour, tandis que le réacteur R1 est mis en communication avec l’évaporateur, entraînant une nouvelle chute de température de l’évaporateur de TE1 à TE2. Lors de cette deuxième phase, le réacteur R2 joue à son tour le rôle

de capacité thermique et absorbe la chaleur de réaction produite par le réacteur R1. Le réacteur

R2 évolue alors sur son équilibre et commence sa pressurisation, pour permettre ultérieurement

le décollement des glaçons dans l’évaporateur, tandis que le réacteur R1 est contraint de se maintenir loin de son équilibre thermodynamique, ce qui induit un second pic de forte puissance frigorifique.

La faisabilité de ce dernier concept n’a pu être démontré expérimentalement faute de support contractuel nécessaire au développement d’un prototype. Cependant, nous croyons qu’il y a un réel intérêt à développer ces solutions innovantes permettant la réfrigération/congélation rapide de produits alimentaires afin de garantir leurs qualités organoleptiques et assurer une hygiène alimentaire.

Les travaux décrits ici ont été conduits dans le cadre du partenariat industriel avec la société Technice [PR ind 4]. Compte tenu de la confidentialité, il ne nous a pas été possible de communiquer sur ces travaux ni de publier les résultats expérimentaux. Néanmoins, nous avons déposé 3 brevets sur cette thématique de production de froid de forte puissance instantanée ([Br 2], [Br 3] et [Br 6]) .