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Processus internes gouvernant l’intensité des cyclones

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Partie 2 : Réponse de l’océan à un forçage cyclonique

8 Revue des études sur les interactions océan-cyclone

8.1 Processus internes gouvernant l’intensité des cyclones

Avant d’aborder la revue bibliographique des études couplées sur les cyclones tropicaux, ce chapitre synthétise les principaux mécanismes internes gouvernant l’évolution de l’intensité des cyclones. Il a pour objectif de permettre une meilleure compréhension du phénomène cyclonique, mais également de comprendre quel rôle joue la surface océanique vis-à-vis de l’intensité des cyclones. Son contenu s’appuie sur le rapport TCP-38 « Global Perspectives on Tropical Cyclones » de l’Organisation Mondiale de la Météorologie.

Les cyclones tropicaux sont des tourbillons à cœur chaud maintenus par le relâchement convectif de la chaleur latente extraite de l’océan sous-jacent. On peut distinguer deux régions : la région interne comprenant les bandes spiralées (longueur de 100 à 300 km), le mur de l’œil (largeur de 10 à 100 km) et l’œil du cyclone (rayon de 5 à 50 km) et qui est relativement axisymétrique; et la région externe s’étendant sur plus de 1000 km autour du cyclone et qui est une zone de transition très asymétrique où se mélangent la circulation cyclonique, la vitesse de déplacement du cyclone et la circulation associée à l’environnement synoptique. C’est cette zone caractérisée par une importante asymétrie du vent qui gouverne la trajectoire du cyclone. Elle joue également un rôle important en faisant converger de l’humidité depuis les régions équatoriales et de la vorticité planétaire depuis les hautes latitudes vers le centre du cyclone. Toutefois, nous ne nous intéresserons pas à cette région et aux problématiques liées à la trajectoire des cyclones car la rétroaction de l’océan ne concerne principalement que la région interne du cyclone.

Fig. 27 Section radiale (a) du vent tangentiel (nœuds) et (b) de l’anomalie de température (°C) dans le cyclone Hilda en 1964 (Hawkins et Rubsam 1968)

Dans la zone interne et en moyenne azimutale, c’est-à-dire en considérant la circulation comme axisymmétrique (ce qui est généralement le cas pour les cyclones matures), le champ de vent peut être décomposé dans le repère cylindrique du cyclone en une composante tangentielle ou rotationnelle, dite primaire, et une composante radiale et verticale ou divergente, dite secondaire.

Les vents tangentiels résultent de l’équilibre du gradient radial de pression, de la force de Coriolis et de la force centrifuge. Cette dépression centrale est le résultat de l’anomalie positive de température présente en altitude (Fig. 27). Cette anomalie de température comprise généralement entre 10 et 20°C provient elle-même de la compression adiabatique que subit l’air dans la zone de subsidence forcée qu’est l’œil du cyclone, et non du chauffage diabatique convectif du mur de l’œil. Cette subsidence compensatoire se développe en réponse aux ascendances convectives prenant place dans le mur de l’œil, la convection profonde pouvant atteindre 15 km d’altitude dans cette zone. Le taux de chauffage par condensation dans cette zone est de l’ordre de 5.1013 W (Marks 1985), ce qui permettrait en théorie de réchauffer la colonne atmosphérique de 12°C par jour. Mais une grande partie de cette chaleur sert en réalité à compenser le refroidissement adiabatique lié à l’ascendance de l’air dans le mur de l’œil.

La circulation associée est cyclonique en basse couche et près du centre, mais diminue avec l’altitude jusqu’à devenir anticyclonique près de la tropopause pour des distances radiales supérieures à une centaine de kilomètres du centre (Rhiel 1963). La circulation primaire peut atteindre localement des valeurs maximales de 100 m/s juste au dessus de la couche limite, qui est de l’ordre de 500 m dans un cyclone.

Fig. 28 Schéma de la circulation secondaire, de la distribution des précipitations et des mouvements verticaux dans un cyclone tropical (Willoughby 1988)

La composante radiale du champ de vent (Fig. 28) est une circulation forcée diabatiquement car elle se développe en réponse au frottement en surface et au chauffage par condensation.

Près de la surface, la circulation secondaire est convergente et conserve une température potentielle quasi-constante. Autour du centre, c’est-à-dire au niveau du mur de l’œil, l’air saturé en humidité s’élève. A la tropopause, la circulation devient divergente. Une subsidence forcée est également présente au centre, c’est-à-dire dans l’œil du cyclone. Cette circulation

Partie 3 – Chapitre 8 : Revue des interactions océan-cyclone

secondaire permet de transporter jusqu’au cœur du cyclone de la chaleur, de l’humidité et de la quantité de mouvement. Bien que beaucoup plus faible que la circulation primaire (10 m/s au maximum, soit quasiment un ordre de grandeur moins élevé), la circulation secondaire joue un rôle crucial car elle permet de compenser la perte d’énergie du cyclone par frottement et refroidissement radiatif en redistribuant les sources locales de chaleur et de moment angulaire.

De cette façon, elle maintient et contrôle indirectement la circulation primaire.

(a) (b)

Fig. 29 Circulation secondaire induite dans un vortex équilibré par (a) une source de chaleur et (b) une source de quantité de mouvement cyclonique

Eliassen (1951) a établi à partir de l’équilibre du gradient et de l’hydrostatisme une équation permettant de diagnostiquer la circulation agéostrophique induite par une source de chaleur ou de quantité de mouvement. Shapiro et Willoughby (1982) ont adapté cette équation diagnostique aux cyclones afin d’en déduire les caractéristiques de la circulation secondaire en fonction des sources de chaleurs et de quantité de mouvement que l’on rencontre typiquement dans un cyclone. De manière simplifiée (atmosphère barotrope, pas d’advection par la circulation secondaire), cette équation peut s’écrire sous la forme :

2 2

Ψ est la fonction de courant de la circulation secondaire stationnaire, est une source de quantité de mouvement et Q est une source de chaleur. I2 représente la stabilité inertielle horizontale et s’exprime en fonction du gradient radial de pseudo-moment angulaire M. N2 représente la stabilité statique verticale et s’exprime en fonction du gradient vertical de température potentielle θ.

La conservation du pseudo-moment angulaire et de la température potentielle sont les deux contraintes imposées à une particule en mouvement. La « facilité » avec laquelle ce mouvement se met en place dépend de la stabilité inertielle I2 sur l’horizontale et de la stabilité statique N2 sur la verticale. Dans ces conditions, une source de quantité de mouvement  génère une circulation secondaire sur les surfaces inclinées iso-θ dont le forçage tend à s’opposer à la tendance de M induit par la source  (Fig. 29b). De la même façon, une source de chaleur Q génère une circulation secondaire sur les surfaces inclinées

iso-M dont l’effet tend à réduire la tendance de θ induite par la source diabatique Q (Fig. 29a).

Les sources  et Q agissent habituellement de concert et induisent une circulation secondaire dans le plan (r,z) dont l’ascendance prend une inclinaison par rapport à la verticale égale à

2 2

arctan(I N )

  . C’est cette inclinaison qui donne au mur de l’œil des cyclones intenses la forme d’un amphithéâtre.

L’approche stationnarisée d’Eliassen (1951) donne la circulation secondaire en équilibre avec les sources de chaleur et de quantité de mouvement. Mais en réalité, la localisation et l’intensité des sources évoluent sans cesse à l’intérieur des cyclones, ce qui oblige la circulation secondaire à s’ajuster en permanence à la nouvelle distribution des sources. Ce sont ces ajustements de la circulation secondaire qui font évoluer la pression centrale et la circulation primaire, et donc la structure et l’intensité du cyclone.

Lorsque la convection se maintient tout autour du centre du cyclone, la composante verticale de la circulation secondaire se renforce de manière homogène, entraînant également une augmentation de la subsidence compensatrice forcée au centre du cyclone. Cela provoque une augmentation de l’anomalie centrale de température par compression adiabatique et une diminution de la pression au niveau du sol. Cette diminution de la pression centrale crée une augmentation du gradient radial de pression dont la position du nouveau maximum se retrouve plus près du centre que l’ancien maximum. La circulation tangentielle, qui est en équilibre avec ce gradient de pression, s’ajuste donc à cette nouvelle distribution en se contractant et en se renforçant. Ce mécanisme explique la contraction du mur de l’œil que l’on observe en même temps que les phases d’intensification des cyclones (Willoughby et al. 1982, Willoughby 1998).

Mais le cyclone ne peut pas supporter cette contraction indéfiniment. En dessous d’une certaine taille critique, la stabilité inertielle ne peut plus être maintenue. On assiste alors à un enroulement de la bande spiralée sur elle-même et à la formation progressive d’un deuxième mur de l’œil dont le rayon est largement supérieur au mur de l’œil qui s’est contracté. La contraction et l’intensification de l’activité convective dans ce deuxième mur entraîne progressivement un affaiblissement puis la disparition complète de l’ancien mur. Une fois ce remplacement terminé, le cyclone reprend son intensification jusqu’au prochain cycle. Ce comportement, encore très mal compris, ne s’observe cependant pas dans tous les cyclones, certains atteignant un état d’équilibre ne nécessitant pas la mise en place de ce cycle.

La convection étant pilotée par les flux de chaleur à la surface de l’océan, on peut donc s’attendre à un effet important du couplage entre l’océan et le cyclone sur la convection et la dynamique du cyclone.

Partie 3 – Chapitre 8 : Revue des interactions océan-cyclone

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