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Les principales études empiriques portant sur le risque perçu dans l’univers des services

La majorité des études portant sur le risque perçu dans un contexte de services ont cherché à évaluer le risque à l’égard des services, par rapport au risque à l’égard des produits.

En 1976, Lewis (dans Mitchell et Greatorex, 1993) propose d’étudier le risque perçu associé à 18 entités, 13 étant des services et 5 étant des produits. Dans chaque cas, l’étude conclut que le risque associé aux services est supérieur au risque associé aux produits, excepté sur la facette physique du risque, où il n’a pas identifié de différence significative.

L’étude de Guseman (1981) compare également le niveau de risque associé à 10 produits et à 10 services, en demandant aux répondants d’évaluer l’incertitude et le danger sur deux échelles à quatre points. L’étude conclut que le risque perçu à l’égard des services est systématiquement supérieur au risque perçu à l’égard des produits.

George, Weinberger et Kelly (1985, dans Murray et Schlacter, 1990) sont néanmoins d’avis que cet énoncé généraliste pourrait être remis en question. L’étude de Guseman (1981) a en effet porté sur des produits et des services variant fortement au niveau de leur prix, de la familiarité et de l’implication associée. Ces auteurs suggèrent dès lors que le supplément de risque identifié dans l’étude de Guseman (1981) pourrait ne pas être imputable à la nature

« service » de l’entité analysée, mais plutôt à d’autres facteurs d’influence (le prix étant un facteur jugé important). Ces auteurs proposent dès lors de comparer quatre produits et quatre services dits « miroirs » : des verres de lunettes et un examen de la vue ; une télévision couleur et la réparation d’une télévision ; l’achat d’un tapis et le nettoyage d’un tapis ; et finalement l’achat d’une montre et la réparation d’une montre. Leur conclusion suggère que l’énoncé généraliste ne tient pas pour chaque paire analysée.

En 1990, Murray et Schlacter proposent une nouvelle étude basée sur une méthodologie expérimentale. Ils partent des faiblesses des deux études précédentes. L’une d’elles consiste en la validation de la perception par les participants de la différence entre le caractère

« service » et le caractère « produit » des entités analysées. Pour ce faire, ils demandent aux participants d’évaluer chaque entité analysée sur une échelle sémantique différentielle à 7 points, allant de « 100% produit physique » à « 100% service ». Une autre précaution consiste à contrôler un facteur d’influence jugé majeur : la perception de prix. Finalement, ils contrôlent également le niveau de familiarité associé aux entités analysées. Au terme de cette procédure, ils retiennent cinq entités à connotation « produit » forte, cinq entités à connotation

« service » forte, et cinq entités mixtes. Ces quinze entités varient toutes dans un même intervalle de prix perçu, et de niveau de familiarité associé. Une procédure expérimentale

permet ensuite d’évaluer le niveau de risque global associé à ces quinze entités, et d’évaluer chacune des six facettes du risque. L’étude conclut que le risque perçu global est fortement corrélé avec la position de l’entité sur le continuum produit-service. Les entités « produits » sont jugées moins risquées que les entités mixtes, elles-mêmes jugées moins risquées que les entités « services ». Ce résultat est confirmé au niveau des facettes du risque perçu, sauf pour le risque financier et le risque fonctionnel, dont l’intensité ne va pas croissant avec l’évolution sur le continuum des entités « produits » vers les entités « services ».

L’étude de Murray et Schlacter (1990) est probablement l’une des études les plus élaborées dans l’étude du risque perçu dans un contexte de services. Sans spécifiquement proposer une classification des entités analysées sur un continuum d’intangibilité, elle les classe sur un continuum produit-service. Ceci est particulièrement intéressant, mais ne permet toutefois pas d’évaluer la contribution éventuelle de l’intangibilité au risque perçu, souvent présentée comme expliquant pourquoi les services sont jugés comme plus risqués que les produits (p.ex.

Flipo, 1984).

Lorsque nous avons commencé cette recherche, nous n’avons identifié aucun travail visant à explicitement étudier le lien entre l’intangibilité et le risque perçu. En 2003 toutefois, une étude très intéressante est publiée, qui traite spécifiquement de cette question : l’étude de Laroche, Bergeron et Goutaland (2003).

4.2. L’étude de Laroche et al. (2003), étudiant le lien entre intangibilité et risque perçu

Suite à leur travaux de 2001, Laroche et al. (2003) proposent de tester la relation entre les trois dimensions identifiées de l’intangibilité et le risque perçu global. Ils utilisent pour ce faire l’échelle tridimensionnelle de l’intangibilité qu’ils ont développée en 2001, ainsi que l’échelle de Stone et Gronhaug (1993) pour mesurer le risque perçu global. De plus, ils proposent d’étudier l’impact de la connaissance et de l’implication comme variables modératrices possibles.

Pour rappel, leur conception tridimensionnelle de l’intangibilité propose la dimension

« intangibilité physique », la dimension « intangibilité mentale » et la dimension

« généralité » (cfr. p.39).

L’étude, conduite sur un échantillon de convenance de 472 étudiants, porte sur trois services (coupe de cheveux chez le coiffeur, dîner dans une pizzeria et compte chèque) et trois produits (jeans, compact disque et ordinateur). Ces entités sont celles qui avaient été utilisées dans leur étude de 2001.

L’analyse de l’ensemble des résultats conclut à un impact significatif des trois dimensions de l’intangibilité sur le risque perçu global, comme l’indique la figure ci-dessous.

Figure 3.1 : Liens entre les dimensions de l’intangibilité et le risque perçu

Les trois dimensions de l’intangibilité expliquent 25% de la variance du risque perçu global.

Il est intéressant de noter que la dimension « intangibilité mentale » explique une plus grande part de variance du risque perçu global que les deux autres dimensions.

Les variables de connaissance et d’implication ont également été retenues comme variables modératrices possibles. Le tableau ci-dessous présente la façon dont les résultats sont affectés selon le niveau de connaissance, et le niveau d’implication.

Intangibilité physique

Intangibilité mentale

Généralité Risque perçu

0,16 (2,15)

0,48 (5,40) 0,17 (2,26)

En gras : le lien structurel (Entre parenthèse : le T de Student)

Tableau 3.2 : Liens structurels par niveau de connaissance et d’implication Connaissance faible Connaissance élevée Lien structurel T de Student Lien structurel T de Student

PHYS RISQUE 0,28 2,78 0,05 (n.s.) 0,40

MENT RISQUE 0,52 4,10 0,50 3,25

GENER RISQUE 0,32 0,28 0,01 (n.s.) 0,05

Implication faible Implication forte Lien structurel T de Student Lien structurel T de Student

PHYS RISQUE 0,02 (n.s.) 0,26 0,44 3,19

MENT RISQUE 0,31 2,73 0,80 5,20

GENER RISQUE 0,13 (n.s.) 1,24 0,25 1,81

Les variables « connaissance » et « implication » affectent profondément l’intensité de la relation entre les trois dimensions de l’intangibilité et le risque perçu global.

En cas de connaissance faible, les trois dimensions de l’intangibilité affectent le risque perçu global de façon significative, la dimension « intangibilité mentale » étant davantage reliée au risque que les deux autres dimensions. Par contre, en cas de connaissance élevée, ces conclusions sont profondément modifiées, puisque seule l’intangibilité mentale exerce un impact significatif sur le risque perçu global.

L’implication modifie également l’intensité des relations : en cas d’implication faible, la seule dimension de l’intangibilité exerçant un impact significatif sur le risque perçu est l’intangibilité mentale. En cas d’implication, forte par contre, les trois dimensions de l’intangibilité sont significatives dans leur relation avec le risque perçu global.

Ces résultats sont intéressants, dans la mesure où l’intangibilité est souvent considérée dans la littérature dans sa perspective exclusivement physique. Lorsque la littérature affirme que la nature à dominante intangible des services induit un supplément de risque par rapport aux produits, elle sous-entend généralement que c’est le manque de matérialité du service qui est la cause essentielle de ce supplément de risque. Les résultats de cette étude remettent donc en question cet énoncé théorique largement répandu. En effet, en cas de connaissance élevée ou

d’implication faible à l’égard des produits ou des services, cette étude suggère que la dimension physique de l’intangibilité et la généralité n’exercent plus d’impact significatif sur le risque perçu.

Cette étude fera l’objet d’une analyse critique dans la seconde partie de cette thèse.

CONCLUSION DU CHAPITRE 3

Si l’intangibilité des services est un concept central en marketing des services, le risque perçu est tout aussi important en comportement du consommateur, car il en constitue une variable explicative importante. Comme nous l’avons détaillé, le risque perçu associé à une offre commerciale peut être largement préjudiciable à l’entreprise qui commercialise cette offre, car il affecte directement le processus de décision – et donc de choix – du client.

Le présent chapitre a présenté en détail le concept de risque perçu en marketing. La composante d’incertitude et la composante de l’importance des conséquences négatives ont été développées, de même que les différentes facettes du risque (financier, social, psychologique, fonctionnel, physique et temporel). En outre, l’examen des instruments de mesure du risque perçu en marketing a essentiellement mis en avant deux échelles devant retenir notre attention : celle de Peter et Tarpey (1975) et celle de Stone et Gronhaug (1993).

Ces deux échelles sont difficilement comparables, car fondées sur des approches très différentes : l’approche compositionnelle pour la première, l’approche globale pour la seconde. Dans la section du document relative au choix des instruments de mesure, nous discuterons plus en détail des avantages et des inconvénients de ces deux outils de mesure, en vue de sélectionner l’échelle jugée la plus pertinente.

Finalement, une synthèse des travaux existant en matière de risque perçu dans un contexte de services a été présentée. Il en ressort que les services semblent être perçus comme étant significativement plus risqués que les produits matériels lorsque des contraintes de comparabilité sont prises en considération (même ordre de prix, même niveau de familiarité), mais que cette conclusion ne peut pas s’appliquer à toutes les facettes du risque. De plus, la seule étude identifiée portant spécifiquement sur l’analyse du lien entre l’intangibilité et le risque perçu a été présentée, et sera analysée plus en détail dans la partie 2 de ce document.

CHAPITRE 4 : VARIABLES D’INFLUENCE MOBILISEES DANS CETTE