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ALLERGIES ALIMENTAIRES

B- PREVENTION PRIMAIRE

Il convient de différencier les actes de la prévention primaire qui visent à diminuer l’incidence de la maladie allergique dans une population en diminuant le risque d’apparition de cas nouveaux (soit la prévention des sensibilisations), de la prévention secondaire qui essaie de réduire la prévalence de la maladie dans une population en diminuant l’évolution et la durée de la maladie (prévention des autres signes d’allergie) et enfin les actes de la prévention tertiaire dont l’objectif est de limiter la prévalence des invalidités chroniques dans une population en réduisant au minimum les invalidités fonctionnelles consécutives à la maladie (prévention des réactions allergiques chez des patients ayant déjà une allergie alimentaire) [21].

D’une manière générale, la stratégie de la prévention primaire repose sur plusieurs impératifs [95] :

- la détection des nourrissons à risque ;

- les modalités d’intervention acceptables ;

- l’adhésion au concept de prévention d’un risque et une bonne observance du programme de prévention défini ;

- l’absence d’effets secondaires ;

- un bon rapport coût – efficacité ;

La prévention primaire de l’allergie alimentaire repose d’abord sur la détection des enfants à risque ayant des antécédents familiaux au 1er degré d’allergie [8]. Pour dépister les enfants à risque, l’analyse des antécédents familiaux est plus simple et plus efficace que la recherche de marqueurs biologiques, comme l’élévation des IgE spécifiques du cordon ou la détection précoce d’IgE spécifiques du fœtus. Ce dépistage par un simple interrogatoire familial constitue la base de recommandations du comité de nutrition de l’Académie américaine de pédiatrie (AAP) ; du comité sur les formules hypoallergéniques de la Société européenne d’allergologie et d’immunologie clinique et pédiatriques ; du comité de nutrition de la Société européenne de gastroentérologie, hépatologie et nutrition pédiatriques, ainsi que du Comité australien d’immunologie clinique et d’allergologie [72].

Les comités européens et australiens retiennent, pour définir un enfant à risque, l’existence d’une allergie avérée chez au moins un des membres de la famille du 1er degré (père, mère, frère et sœur). Selon les études de Kjellman et al. , l’existence d’une allergie chez un seul parent ou dans la fratrie accroit le risque de développement d’une allergie à l’âge de 7 ans à 20 et 32 %, contre 12 % chez les enfants sans antécédents. La prévalence des maladies allergiques est d’environ 40 % en cas d’antécédent d’allergie biparentale. Le risque s’élève à 70 % si les 2 parents ont la même manifestation allergique. Le comité de nutrition pédiatrique américaine recommande, pour définir le risque d’allergie, de retenir la présence d’une allergie chez au moins 2 parents du 1er degré [72].

1- Prévention chez la femme enceinte

Les allergies alimentaires doivent être évitées avec des stratégies prénatales et postnatales [6]. De plus, s’il existe bien des sensibilisations in utéro, celles-ci ne sont que

transitoires. Il en résulte que la prévention primaire de l’allergie passe plus par l’acquisition de la tolérance que par la réduction de la charge allergénique [96].

Il est possible de détecter des protéines alimentaires dans la circulation fœtale et dans le liquide amniotique et des lymphocytes dans le sang du cordon peuvent proliférer en présence de protéines de lait. Le fœtus peut présenter des IgE spécifiques contre les aliments et une réactivité lymphocytaire T contre les protéines du lait et de l’œuf et les pneumallergènes. Des tests cutanés positifs à l’arachide ou à l’œuf ont été observés dès la naissance avant tout contact direct avec l’aliment. De même, des manifestations très précoces d’allergie aux protéines du lait de vache ont été rapportées. Une prévention in utéro pourrait donc être envisagée. L’éviction du lait de vache et de l’œuf de l’alimentation de la femme enceinte pendant le 3ième trimestre de grossesse ne modifie ni la prévalence de la dermatite atopique du nourrisson ni sa sensibilisation au lait à l’âge de six mois, s’il s’agit de la seule mesure préventive adoptée [95].

L’interaction entre l’alimentation maternelle pendant la grossesse et le micro- biome intestinal mais également placentaire pourrait aussi influencer la programmation du système immunitaire in utéro, via la production de ses métabolites. Ces métabolites sont également présents dans le lait maternel, affectant directement la maturation post-natale du système immunitaire. L’allergie maternelle est de plus un facteur de risque important pour la survenue de désordres immunitaires, dont l’allergie alimentaire, dans la descendance : la modification des interactions immunitaires entre la mère allergique et le fœtus puis le nouveau-né va pouvoir amplifier l’effet des changements environnementaux. L’allergie alimentaire chez l’enfant pourra finalement être plus précoce et plus sévère [38]. Et notamment des expositions à la fumée de cigarette [8,38], aux microbes, ou à certains composants alimentaires vont pouvoir influencer la descendance à développer une sensibilisation ou une allergie alimentaire, notamment via des modifications épigénétiques. A titre d’exemple, certains nutriments ingérés par la mère, tels que les folates (donneurs de méthyl) et des co-facteurs, tels que les vitamines B1, B2, B12 peuvent augmenter la méthylation globale de l’ADN, impactant le phénotype de la réponse immunitaire à la naissance.

Par contre, plusieurs sociétés savantes ne trouvent pas suffisamment de preuves pour recommander formellement que les femmes enceintes évitent les aliments allergisants tout au long de la grossesse et pendant l'allaitement. Ni l'American Academy of Pediatrics (AAP), ni l'American Academy of Allergy, Asthma, and immunology n’invoquent dans leurs lignes directrices l’éviction alimentaire lors de la grossesse [5,12]. Les facteurs associés à l'évitement, comme la qualité maternelle de la vie (QV), devrait également être pris en compte dans l'ensemble de l'analyse des risques-avantages de recommandations alimentaires périnatales [12]. L’Académie américaine de pédiatrie (AAP) qui, jusqu’en 2004, préconisait l’éviction de certains aliments pendant la grossesse, cacahuète par exemple, indique en 2008 que l’analyse de toutes les études montre qu’il n’y a pas suffisamment d’arguments pour recommander des évictions alimentaires pendant la grossesse et pendant l’allaitement afin de prévenir les allergies chez l’enfant [96,97]. Il apparait de plus qu’un régime d’éviction peut aboutir à des carences et soit source des perturbations psychologiques [96].

2- Prévention chez le nourrisson

De nombreux travaux montrent que la petite enfance et probablement aussi la vie intra-utérine sont des périodes critiques, au cours desquelles un enfant est plus à risque de sensibilisation envers des allergènes rencontrés, comme les allergènes alimentaires. Donc il faut modifier les capacités de réponse immunitaire du nouveau né dans un sens qui pourrait être un facteur de prévention de l’allergie, au moins chez l’enfant à risque [95].

2.1- L’allaitement maternel et son influence sur les allergies