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Prendre en compte la spécificité de l’offre alimentaire en outre-mer

Dans le document RAPPORT D’INFORMATION (Page 152-155)

C. PLANIFIER UNE TRANSFORMATION LOCALE DE L’OFFRE ALIMENTAIRE

2. Prendre en compte la spécificité de l’offre alimentaire en outre-mer

Les rapporteures sont cependant bien conscientes que les marges de manœuvre du législateur sont en la matière restreintes. D’une part, le seul encadrement des nouvelles installations ne saurait préserver tous les environnements scolaires, un stock important de points de vente étant déjà implanté. D’autre part, une réglementation plus ambitieuse, justifiée certes par l’intérêt général et répondant à un objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé, ne devrait pas porter atteinte de manière disproportionnée à liberté d’entreprendre également reconnue par le Conseil constitutionnel.

2. Prendre en compte la spécificité de l’offre alimentaire en

Évaluation de l’application de la loi du 3 juin 2013 par la DGCCRF pour les boissons rafraîchissantes sans alcool

Pour les produits identiques à ceux de l’Hexagone, aucune non-conformité n’a été décelée concernant les produits contrôlés. S’agissant des produits spécifiques aux outre-mer, sur treize références de boissons examinées, la DGCCRF a décelé comme non conforme une boisson énergisante commercialisée à Mayotte et a considéré deux boissons commercialisées en Guyane comme susceptibles d’être non conformes.

Source : Rapport de la DGCCRF communiqué à la commission des affaires sociales

Si la même conclusion est dressée par l’Inrae sur les secteurs des boissons, des biscuits et des produits laitiers frais, dont l’offre « ne se démarque pas de façon importante de celle observée sur le marché hexagonal », quelques exceptions peuvent toutefois être relevées. Un écart plus important est tout d’abord constaté pour les produits laitiers frais, lesquels sont en moyenne 13 % plus sucrés aux Antilles qu’en France hexagonale. En outre, au sein de ces secteurs, certaines familles de produits bien précises comme les boissons aux fruits gazeuses et plates, les limonades, les crèmes-desserts, les fromages frais et les yaourts sucrés ont des teneurs en sucres plus élevées aux Antilles. Or, ces produits peuvent être davantage consommés en France ultra-marine que dans l’Hexagone.

Commandé par la DGS, un rapport de l’Institut de recherche pour le développement note que « les consommations journalières moyennes de boissons sucrées en Guadeloupe et Martinique sont presque trois fois plus élevées que celles de la France hexagonale. La Guyane est presque au double. »1 De même, un Réunionnais sur cinq consomme des boissons sucrées tous les jours. Dans ce contexte, les effets obésogènes de certains produits populaires présentant une teneur moyenne en sucres légèrement supérieure en outre-mer que dans l’Hexagone sont démultipliés par une fréquence moyenne de consommation plus élevée.

1 IRD, Alimentation et nutrition dans les départements et régions d’Outre-mer, 2020, p. 45.

(2) La loi Lurel : une réponse à compléter

La loi Lurel constitue une avancée majeure pour la qualité nutritionnelle de l’offre alimentaire en outre-mer. Les débats qui l’ont précédée et son adoption ont mis en évidence les inégalités de composition des denrées alimentaires. Elle a eu pour mérite de sensibiliser les opérateurs économiques à l’enjeu des teneurs nutritionnelles de leurs produits.

La DGOM a confirmé que certains producteurs avaient mené des reformulations sans que l’ampleur de ces reformulations ne soit néanmoins connue. Il convient également de noter, comme l’ARS Martinique s’en inquiète, que ces reformulations correspondent souvent à une substitution du sucre par des édulcorants, ce qui ne peut être satisfaisant en soi.

S’agissant du dispositif lui-même de la loi, la DGCCRF a néanmoins exposé aux rapporteures un bilan assez mitigé tenant à plusieurs raisons.

Premièrement, la loi et les textes d’application ne seraient pas suffisamment clairs sur la notion ciblée de « teneur en sucres ajoutés ». De nombreuses boissons commercialisées en outre-mer contiennent des jus de fruit, qui sont naturellement sucrés, en sus de sucres ajoutés. La teneur globale en sucre peut donc être très élevée sans entrer dans le dispositif de la loi.

Deuxièmement, la notion de « denrées alimentaires assimilables de la même famille » retenue par la loi pour la comparaison n’est pas toujours adaptée pour certains produits locaux sans équivalent dans l’Hexagone.

Troisièmement, il existe une véritable difficulté pour les petits producteurs locaux à connaître les teneurs dans l’Hexagone pour s’y conformer.

Les rapporteures notent également que la loi ne prévoit pas de mécanisme de sanction. Dans le cas de denrées produites à l’étranger et importées, il n’existe pas de levier pour rendre la loi applicable. La DGCCRF constate donc que le mécanisme retenu par la loi n’est pas des plus opérants.

À elle seule, la loi Lurel semble insuffisante à assurer aux territoires ultra-marins une offre de produits sucrés n’accroissant pas les inégalités de santé entre les populations ultra-marines et hexagonales. C’est pourquoi les rapporteures considèrent que la fixation par voie législative et réglementaire de seuils maximaux de teneurs en sucre, en matière grasse et en édulcorant, comme il a été proposé plus haut, répondrait aux difficultés constatées.

Ces seuils pourront s’appliquer aux produits spécifiques aux outre-mer dont les équivalents n’existent pas dans l’Hexagone grâce à une déclinaison prenant en compte leur particularité. De même, ces seuils pourront être définis pour la teneur globale en glucide et non pas se restreindre aux seuls sucres ajoutés.

au sein des travaux de définition de seuils nutritionnels Proposition n° 18 :

maximaux pour les denrées alimentaires, fixer des teneurs limites aux produits spécifiques aux outre-mer sans équivalent dans l’Hexagone en prenant en compte leur spécificité et leur responsabilité dans l’excès d’apport en sucres constaté localement. (Parlement, Gouvernement)

b) Les produits frais : une solution rendue difficile par la pollution au chlordécone

La question du chlordécone, substance toxique abondamment utilisée comme pesticide, complique davantage la lutte contre l’obésité aux Antilles. Cette pollution concerne 20 % des surfaces agricoles en Guadeloupe et 30 % en Martinique. D’une part, ainsi que l’indique l’ARS Martinique dans sa réponse au questionnaire des rapporteures, « la pollution par la chlordécone a engendré une défiance d’une partie de la population vis-à-vis de l’État. La vaccination anti-covid l’a accentuée, se traduisant, fin 2021, par une crise sociale, s’ajoutant à la crise sanitaire. » Dans ce contexte, l’adhésion des populations aux messages sanitaires pourrait en être amoindrie.

D’autre part, la substance persiste dans les sols et les milieux aquatiques et contamine les aliments notamment les œufs, la viande, les poissons côtiers mais aussi les légumes racines ou les écrevisses précisément constitutifs des mets traditionnels. Cette pollution empêche donc les populations de favoriser les produits frais locaux et ainsi de mettre en œuvre les schémas de consommation généralement conseillés pour lutter contre l’obésité. En réponse, le programme Jardins familiaux (JAFA) porté par l’Ireps de la Martinique et relayé par la préfecture permet de tester les terrains privés afin d’y détecter le taux de chlordécone mais aussi de prodiguer des conseils aux particuliers pour adapter leurs cultures en cas d’exposition à la molécule.

3.À l’échelle des territoires, lutter contre un environnement

Dans le document RAPPORT D’INFORMATION (Page 152-155)