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PREMIERE ANALYSE - LES EPISODES

Le genre : un cadre pour répondre à des pourquoi ?

136 SANDRA CANELAS-TREVISI Ces travaux non seulement ont mis en évi dence, à l'aide

4. PREMIERE ANALYSE - LES EPISODES

Nous avons découpé les protocoles en épisodes sur la base de trois critères liés respectivement aux objectifs, à la segmentation de l'objet et aux tâches proposées. Ce premier découpage est donc orienté essentiellement par l'action de l'enseignant qui gère le déroulement à partir de sa propre pla­

nification de la situation. Des marques linguistiques repérables dans les protocoles (voilà, alors ... ) indiquent clairement les changements d'épisodes.

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4. 1. Classe A

Premier épisode

L'objectif du premier épisode est de préparer les élèves à aborder le texte du canevas. S'agissant d'un texte extrait d'un roman, l'enseignant commence par illustrer le contenu du roman, en essayant de le faire en collaboration avec les élèves.

Ceux-ci, qui connaissent très mal l'histoire, tentent de construire par tâtonnements successifs une intrigue qui ne leur est nullement familière. L'enseignant finit donc par apporter toutes les informations, insistant en particulier sur les différen­

tes versions de l'histoire de Robinson.

Les éléments informatifs apportés par l'enseignant sont exposés selon deux axes : l'axe du développement de l'intrigue et celui, dominant, des différentes versions de la même histoire.

Deuxième épisode

L'objectif du deuxième épisode est la compréhension du texte.

Cet épisode est caractérisé par de nombreuses négociations, liées à la compréhension du texte lu et à la gestion du stock important d'informations apportées au cours de l'épisode précédent.

Les élèves tentent d'ouvrir le débat autour du contenu de l'histoire selon les critères du vrai-vraisemblable-imaginaire, mais la discussion n'évolue pas vraiment, malgré l'apport de certains élèves dont l'un c1morce une solution possible en reliant le problème de la vérité du contenu au genre de texte (d'une part un fait divers relaté dans un journal de bord, d'autre part un roman) alors que l'autre s'interroge sur le statut de la vérité dans les livres.

Lorsqu'il s'agit de classer le texte, donc d'avoir recours à la notion de genre, A oriente la discussion vers la réponse attendue : le texte appartient à la catégorie histoire qui s'oppose, entre autres, à mode d'emploi (texte pour agir) et à reportage. A évoque ainsi des genres éloignés, en utilisant les critères typologiques présentés dans les documents pédagogiques.

Quant aux élèves, leurs tâtonnements se situent sur le plan du contenu, autour de la dichotomie vrai/imaginaire, ce qui est parfaitement compréhensible, étant donné le type de mise en situation que l'enseignant a choisi.

Troisième épisode

L'épisode est consacré à une nouvelle activité : le résumé pour mettre en place et/ ou évaluer la compréhension. Les élèves semblent incapables de mener à bien cette tâche de production et A, acceptant la restitution du contenu bribes par bribes, renonce à définir le contexte de l'actjvité langagière et à préciser ses attentes quant au texte à produire. L'action de A semble s'inscrire dans une logique où il serait possible de vérifier la compréhension d'un contenu indépendamment de la forme textuelle de départ ainsi que de celle de sa restitution.

Quatrième épisode

Ayant lu un texte qui relate une expérience de peur (le vertige), les élèves sont invités à raconter une expérience personnelle de peur. Aucune contrainte n'est posée et les élèves s'expriment librement dans une situation où la relation statutaire a une pertinence très faible.

Cinquième épisode

L'objectif de l'épisode est la vérification de la compréhension. A pose des questions ponctuelles sur le lexique et apporte des clarifications sur le conte.nu. Au sujet de l'attitude de Robinson envers Vendredi (il prend modèle sur l'indien), A rappelle le contenu culturel qu'il a fourni lors du premier épisode et informe les élèves que, dans la version de Defoe, c'était l'indien qui apprenait de Robinson. Cette information enclenche à nouveau la discussion sur la vérité des événements et fait émerger encore une fois la question des différences entre les textes qui les relatent : le journal de bord (la vraie histoire), les versions romancées de Defoe et de Tournier. A se borne à répéter les informations données dans le deuxième épisode.

Sixième épisode

Cet épisode est consacré au rappel du contenu du texte : A demande à un élève de "raconter l'histoire" lue quelques jours auparavant. L'enseignant toutefois ne semble pas s'attendre à ce que l'élève s'engage dans la production d'un texte releva.nt du genre particulier, qui pourrait éventuellement être évalué et commenté en tant que tel. Sans laisser à l'élève le soin de gérer son texte, A intervient à plusieurs reprises pour obtenir des compléments d'information, mais à aucun moment il ne

146 SAND RA CANELAS-TRE VISI suggère des réajustements allant dans le sens de la production d'un genre textuel spécifique. L'histoire est finalement refor­

mulée dans l'interaction (plusieurs élèves interviennent) par un cumul d'informations d'importance inégale, ce qui laisse à chacun Je soin d'interpréter la dynamique narrative, jamais vraiment soulignée.

De nombreuses interventions reflètent le besoin de rené­

gocier la signification du texte. Certaines d'entre elles évoquent la relation entre Robinson et Vendredi, qui n'est pas du tout thématisée dans le texte lu, mais qui constitue une reformulation des informations fournies par l'enseignant.

Septième épisode

L'objectif déclaré est J'approche de la planification. En réalité, la négociation porte sur la signification du texte, bien plus que sur la planification. Ce qui est mobilisé est la capacité à adapter au texte un découpage en trois parties. Le point de vue des élèves qui s'éloignent de la réponse attendue n'est pas pris en compte, même lorsque Jeur interprétation procède d'une perception fine de la séquentialité narrative. En effet, l'enseignant vise l'institutionnalisation rapide du plan conven­

tionnel et ne demande pas aux élèves de justifier leurs intuitions.

Au cours des échanges portant sur la signification du texte, la question des différentes versions de l'histoire est évoquée encore une fois, mais l'enseignant montre que l'objet débat P�'est plus d1actualité en in·vitant les élèv .. es à s'ûccuper du texte qu'ils ont sous les yeux. En outre, il met publiquement en discussion sa propre stratégie.

Huitième épisode

L'objectif visé est le repérage des deux ensembles d'unités qui caractérisent le texte : les verbes et les adverbes à valeur temporelle. Les élèves se réfèrent à des savoirs anciens, relativement stabilisés.

Neuvième épisode

L'objectif est de rappeler les phases du plan et les organi­

sateurs. La tâche de production d'un texte à visée narrative (le récit d'une peur surmontée) est évoquée pour la première fois.

Les élèves réagissent comme si l'enseignant leur infligeait une tâche totalement inattendue.

Dixième épisode

L'épisode est centré d'abord sur la préparation collective du contenu, ensuite sur le travail individuel d'écriture du texte.

L'activité d'écriture n'est toutefois pas conçue comme l'aboutissement des étapes précédentes. La préparation à la production ne sollicite pas les savoirs relatifs aux types de discours et aux genres de textes. Seule contrainte formulée : produire un texte en trois parties.

4.2. Classe M

Le déroulement des leçons est fortement structuré par le contenu de la séquence didactique et des tâches qui sont proposées dans les fiches pour les élèves. Nous ne retiendrons ici, à titre d'exemple, que la deuxième leçon, composée de trois épisodes.

Premier épisode

L'épisode est constitué d'une tâche de rappel des activités de la première leçon. Au cours de l'interaction gujdée par le questjonnement de l'enseignante, on voit émerger des objets qui présentent clairement leur filiation par rapport aux objets théoriques de référence. Ainsi, à l'aide de l'activité d'étayage de l'enseignante, les élèves reconstituent les notions de destina­

taire, de heu social et de but, de même que la notion de type de textes, terme qui désigne le genre dans la transposition effectuée par P.enseignante. En oub·e, les critères typologiques disponibles semblent nuancés : les élèves savent dire qu dans les textes empiriques qu'ils rencontrent les types sont souvent mélangés.

Deuxième épisode

Cet épisode porte sur la prise de connaissance de trois textes proposés dans la séquence ctidactique, l'objectif étant d'amener les élèves à admettre que le texte explicatif documentaire adopte un plan en trois parties : la phase de problématisation ; la phase explicative proprement düe ; la conclusion.

148 SANDRA CANELAS-TREVISI L'enseignante commence par faire lire la fiche présentant les phases de problématisation de chacun des trois textes et demande ensuite aux élèves ce qu'ils ont dire de ces trois petites parties de texte". Les élèves savent qu'ils sont en train de travailler le texte explicatif et répondent que dans les trois extraits on "explique les choses". Le questionnement de l'ensei­

gnante fait ensuite émerger les notions permettant de sémioti­

ser l'intention énonciative de cette première phase du texte explicatif : poser une question ; poser un problème, en vue de l'explication qui va suivre. Les élèves réagissent très efficacement à l'action de l'enseignante. Une élève reconnaît dans la procédure de mise en texte les marques d'un genre qu'elle a déjà rencontré.

Après avoir posé la signification de la première phase, l'enseignante tente d'amener les élèves à anticiper le contenu de la deuxième phase (qui figure dans la fiche suivante) en leur demandant de répondre au problème posé dans la phase lue, à partir des connaissances dont ils disposent Elle invite ensuite les élèves à comparer leurs propres productions avec ce qui est proposé dans la fiche, son objectif étant de montrer que L'on ne peut exphq uer sans faire appel à des savo-irs codifiés.

Troisième épisode

L'enseignante amorce la dernière partie du parcours : faire comprendre la signification de la dernière phase du texte explicatif. Elle commence par demander aux élèves s'ils pensent que les trois textes sont termh.,és. On s1âttendrâit à la même procédure de questionnement et d'étayage qui a permis de mettre en évidence les deux phases précédentes. Or les élèves sont encore loin de l'attitude responsive active attendue du lecteur des textes explicatifs documentaires.

Pour les élèves, les textes ne sont pas finis parce que l'explication n1est pas satisfaisante et ils ont des arguments pour faire valoir leur point de vue : ils trouvent que la phase explicative ne constitue pas une réponse adéquate à la question introductive. Sans parvenir vraiment à formuler leur insatisfac­

tion en des termes qui correspondent aux savoirs acquis précédemment, ils parlent néanmoins de détails insuffisants, d'explication réduite à une simple description.