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La prévention en amont de l'apparition du risque santé, suit des logiques différentes selon qu'elle est organisée par les caisses de sécurité sociale ou les services de santé au travail. Les premières se fondent sur la sinistralité, plus forte dans certains secteurs que dans d'autres, pour calculer le taux de cotisation des entreprises à la branche ATMP contre les risques encourus par les salariés. Elles orientent donc le travail des médecins conseils vers les secteurs les plus exposés.

Rapport

Les seconds qui ont une fonction de maillage territorial, sont moins sectorisés, mais rencontrent quelques difficultés à couvrir l'ensemble des besoins en raison des problèmes de démographie médicale dans le secteur de la médecine du travail. Par ailleurs, il est depuis longtemps préconisé d'effectuer un rapprochement des missions de la médecine du travail et des médecins conseils travaillant pour la réduction des risques ATMP, pour coopérer au niveau régional107.

L'orientation de l'action des caisses en fonction de la sinistralité constatée ne couvre pas l'ensemble des besoins de prévention en amont. Elle permet néanmoins d'intervenir sur les conditions de travail et d'obtenir des résultats auprès des entreprises sensibilisées aux risques et aux coûts induits par l'augmentation possible de leur taux de cotisation en raison d'une organisation accidentogène ou pathogène de leurs activités. À cette logique assurantielle correspond une prévention sélective des risques, qui est sans doute encore insuffisante pour prévenir très en amont, les risques de désinsertion professionnelle due à une mauvaise gestion de l'organisation du travail ou à l'inadaptation du monde professionnel au virage épidémiologique des maladies chroniques.

Il est en outre fréquent que les réponses apportées aux salariés en termes d'organisation du travail, soient envisagées trop tardivement, bien après le diagnostic posé sur une maladie ou un handicap rendant le travail plus difficile. C'est bien souvent au stade de la consolidation des droits par l'assurance maladie, ou lors des visites de pré-reprise après un congé maladie, que ces questions sont traitées. Or, la prévention des risques de désinsertion professionnelle liés à l'apparition de problèmes de santé peut s'organiser tout au long des parcours professionnels, en particulier dans les secteurs dans lesquels le caractère pénible des activités est identifié.

Pour ces motifs, la médecine du travail, dont la réforme récente a reconfiguré les missions, est encouragée par de nombreux rapports à exercer une mission de maintien en emploi très en amont du stade de la prévention secondaire, grâce notamment à la mobilisation d'équipes pluridisciplinaires susceptibles d'intervenir auprès des employeurs et dans les IRP compétents.

L'organisation globale des services de santé au travail fait également l'objet de réflexions en cours, pour que soit mieux assurée la prévention de la désinsertion professionnelle. Le rapport « Santé au travail : vers un système simplifié pour une prévention renforcée » a proposé la création d'un guichet unique sous la forme d'une structure nationale déployée en structures régionales regroupant les services de santé au travail interentreprises.

Un second rapport expertisant cette proposition décline les cinq missions qui reviendraient aux structures régionales : le suivi de la santé des salariés, la prévention de la désinsertion professionnelle, l'ingénierie de formation et de prévention, la veille sanitaire et l'analyse des données de santé sur le territoire. Dans cet ensemble, la cellule de prévention de la désinsertion professionnelle aurait notamment pour objet, conformément à l'un des objectifs du plan national de santé au travail, de coordonner

107 Avis du CESE de 2008 précité.

ANNEXESAVISDECLARATIONS/SCRUTINRAPPORT le retour en emploi des salariés éloignés du travail et confrontés à un risque de

désinsertion professionnelle, en lien avec l'ensemble des services compétents en matière de santé (CPAM, Carsat, Opco, etc.). De plus, le lien entre ces acteurs et le monde du travail, syndicats de salariés et fédérations professionnelles,108 peut être très utile aux efforts de prévention, ce qui justifie une gestion paritaire des Carsat.

Le suivi de la santé des salariés est aujourd'hui assuré par les services de santé au travail interentreprises, dont les missions ont toujours été définies en termes de prévention mais dont l'organisation est souvent très proche de celle de cabinets de médecine de ville pour permettre un niveau de préventions primaire et secondaire suffisant. Quelle que soit leur organisation, la capacité des services de santé au travail à assurer ce socle de services pour une prévention effective de la désinsertion professionnelle, dans un contexte démographique tendu de la médecine du travail, est une question sensible. En effet, comment mettre en œuvre un tel niveau de prévention sans une couverture territoriale suffisante, à même de garantir des visites régulières des personnels de santé sur les lieux du travail ? La prévention ne peut se concevoir sans une connaissance du terrain et de l'environnement de travail des salariés.

2. Les recommandations relatives au maintien en emploi et le suivi de l'employabilité des salariés faisant l'objet d'un avis d'inaptitude

Le médecin du travail est compétent pour émettre un avis d'inaptitude professionnelle, qui conduit soit à des propositions de maintien en emploi, soit au constat que « tout maintien dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »109. La condition de maintien dans l'emploi dépend des possibilités de reclassement du salarié soit à un autre poste, soit à un poste réaménagé. En effet, l'inaptitude est prononcée au regard du poste de travail, au sujet duquel le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation. Il peut également conseiller des mesures d'aménagement du temps de travail, eu égard à l'âge ou à l'état physique et mental du travailleur.

Il faut donc distinguer la prévention des questions de santé en amont de la déclaration d'inaptitude au poste de travail, de celle qui peut encore se jouer en aval en termes de maintien dans l'emploi pour les salariés faisant l'objet d'une déclaration d'inaptitude. En effet, selon les médecins du travail, une part importante des situations d'inaptitude pourrait être évitée en agissant sur l'environnement professionnel. C'est le cas des troubles musculo-squelettiques mais également des états invalidants liés à l'exposition à des risques psycho-sociaux110. En dépit de ce constat, les

108 Cf. l'action d'OPP-BTP. La réduction du poids des sacs de ciment est souvent citée en exemple.

109 Cf. article R. 6424-42 du code du travail.

110 Selon Jean-Michel Sterdyniak, président du Syndicat professionnel de la médecine du travail, les troubles musculo squelettiques et les risques psycho-sociaux seraient aujourd'hui à l'origine de 2/3 de plus de la moitié des avis d'invalidité. Entretien avec les rapporteurs, le 16 janvier 2020.

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propositions des médecins du travail visant à assurer le maintien en emploi du salarié sont peu suivies.

Le nombre important des avis d'inaptitude délivrés chaque année souligne l'échec des solutions de prévention qui pourraient être mises en place en amont pour prévenir les situations d'inaptitudes, même partielles, comme en aval s'il était tenu compte des recommandations des médecins du travail. Or, les données récoltées sur le devenir des personnes déclarées inaptes montrent que l'inaptitude n'est pas une solution. À l'inverse, les avis d'aptitude avec aménagement sont plus souvent suivis.

Dans un SSTI de santé de Seine-Saint-Denis comportant 14 médecins du travail, sur 259 inaptitudes au poste de travail déclarées en 2018, 3 seulement aboutissent à des solutions de reclassement et 256 à des licenciements. La procédure d'inaptitude qui prévoit en principe une proposition de reclassement après une étude de poste et des échanges avec l'employeur, est très rarement mise en œuvre jusqu'à son terme. Une recherche effective de reclassement n'est observée que dans 15 % des cas. Dans deux cas sur trois, le licenciement intervient sans même que le médecin du travail soit recontacté, alors que l'employeur doit donner par écrit au travailleur, les motifs qui s'opposent à ce qu'il soit donné suite aux propositions du médecin (art. L. 4626-6 du code du travail).

Or, le devenir des personnes inaptes est très souvent mauvais. Sur le même échantillon, les personnes retrouvées un an après (80 % de l'échantillon) déclaraient pour près de la moitié d'entre elles être au chômage, tandis que moins d'une personne sur cinq avaient retrouvé un emploi. L'inaptitude conduit ainsi très généralement au chômage de longue durée, quand ce n'est pas à une retraite anticipée ou à une situation d'invalidité.

Ce que les médecins du travail qualifient volontiers eux-mêmes de problème de santé publique, paraît d'autant plus problématique que les résultats français en la matière sont mauvais, comparés à d'autres pays de l'UE dans lesquels la prévention permet d'éviter un risque de désinsertion professionnelle grave pour les personnes exposées aux problèmes de santé, notamment les seniors. Le syndicat professionnel de la médecine du travail fait ainsi le lien entre un investissement important dans les conditions de travail et des taux d'activité de plus de quinze points supérieurs dans les pays du Nord de l'Europe.

F - Le rôle des collectivités locales et des entreprises en matière de développement des activités

économiques et de l'emploi

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