Chapitre 4 - Oxydation d’amines primaires aromatiques assistée par une interaction de type liaison
3.1 Préparation et caractérisation des matériaux composites carbone/molécules
Dans ce travail, le carbone microporeux Norit-S50 a été modifié par réaction spontanée de sels
de diazonium de dérivés catéchols protégés par des groupements méthyle ou silylés. L’objectif est de
faire varier les dimensions de la molécule à introduire en augmentant la taille des groupements
protecteurs et d’évaluer dans chaque cas l’impact du greffage sur la structure microporeuse du
carbone. Après déprotection des molécules introduites par oxydation électrochimique des
groupements méthoxy ou des éthers silylés, des matériaux composites carbone/catéchol sont
obtenus.
261Dans la littérature, des travaux récents ont démontré que cette stratégie de
protection/déprotection permettait de limiter la modification chimique de surfaces de carbone au
dépôt d’une monocouche.
262Dans notre cas, le contrôle du greffage a pour objectif de réduire
l’obstruction d’une fraction de la microporosité du carbone pour conserver une plus grande surface
électrochimiquement accessible aux ions après modification.
259 G. Pognon, C. Cougnon, D. Mayilukila, D. Bélanger, ACS Appl. Mater. Interfaces 2012, 4, 3788–3796.
260 (a) A. S. Kumar, S. Sornambikai, P. Gayathri, J.-M. Zen, J. Electroanal. Chem. 2010, 641, 131–135 ; (b) A. Senthil Kumar, P. Swetha, Langmuir 2010, 26, 6874–6877.
261 (a) E. Lebègue, T. Brousse, J. Gaubicher, C. Cougnon, Electrochem. Commun. 2013, 34, 14–17 ; (b) S. A. Trammell, M. Moore, T. L. Schull, N. Lebedev, J. Electroanal. Chem. 2009, 628, 125–133.
262 (a) Y. R. Leroux, H. Fei, J.-M. Noël, C. Roux, P. Hapiot, J. Am. Chem. Soc. 2010, 132, 14039–14041 ; (b) Y. R. Leroux, P. Hapiot, Chem. Mater. 2013, 25, 489–495.
La Figure 6 résume les procédures de synthèse des molécules et de préparation des poudres
de carbone modifiées et présente l’organisation du travail. La synthèse des dérivés du catéchol
différemment protégés (composés 17, 18 et 21) et le protocole de modification du carbone Norit-S50
sont détaillés au chapitre expérimental.
Figure 6: Synthèses des sels de diazonium des composés dérivés du catéchol 17, 18 et 21 et modification du carbone activé Norit-S50.
Les matériaux composites obtenus par réaction du carbone avec les dérivés protégés du
catéchol (Norit-OMe et Norit-OTIPS) sont comparés au matériau carboné Norit-OH préparé par
réaction du tétrafluoroborate de 3,4-dihydroxybenzènediazonium. Les carbones modifiés ont été
analysés par XPS (Figure 7). Les spectres XPS montrent les pics photoélectroniques des niveaux de
cœur C 1s et N 1s des carbones activés non modifié (Figure 7 A), et modifiés avec les composés 18
(Figure 7 B), 17 (Figure 7 C) et 21 (Figure 7 D). Pour le matériau carboné Norit-OTIPS, le spectre XPS du
silicium est rapporté.
Figure 7: Spectres XPS C 1s, N 1s et Si 2p du carbone activé Norit-S50 natif A), modifié avec 18 B), modifié avec 17 C) et modifié avec 21 D).
Sur les spectres XPS du carbone, on remarque qu’en plus d’un pic principal à 284,5 eV, attribué
aux liaisons sp
2C-C, des pics de photoémission à des énergies de liaison plus élevées sont obtenus. Ces
pics correspondent à des atomes de carbone dans des environnements chimiques différents et dont
les degrés d’oxydation sont d’autant plus importants que l’énergie de liaison des photoélectrons est
plus grande. Pour les carbones Norit-OH et Norit-OMe, les spectres XPS C 1s présentent une bonne
corrélation avec deux contributions à environ 286 eV et 287 eV en plus du pic de référence à 284,5 eV.
Le pic à 286 eV peut être attribué aux contributions C-OH et C-O-C, selon l’introduction d’unités
catéchol ou diméthoxybenzène.
263Le pic à 287 eV quant à lui peut provenir de fonctions carbonyles
présentes à la surface du carbone activé natif ou de l’oxydation partielle des groupes catéchol.
9Pour
le carbone Norit-OTIPS, deux contributions supplémentaires ont été obtenues à 283,5 eV et 285,3 eV,
qui peuvent être respectivement attribuées aux liaisons C-Si et aux carbones hybridés sp
3du
groupement protecteur silylé.
264Un pic à 101,5 eV dans le spectre XPS du niveau de cœur Si 2p est une
preuve supplémentaire de l’introduction d’unités silylées (Figure 7 D).
265Les spectres XPS du niveau de cœur N 1s montrent des contributions en azote sur une large
gamme d’énergie de liaison, attribuées à des espèces azotées dans des états d’oxydation variés. Il est
à noter que la présence d’émissions de photoélectrons N 1s pour des surfaces carbonées modifiées
avec des sels de diazonium qui ne porte aucun substituant contenant de l’azote est fréquemment
mentionnée dans la littérature.
266Les auteurs évoquent la formation de ponts azoïques avec la surface
par attaque électrophile du sel de diazonium sur le carbone ou sur le noyau phényle des premières
molécules greffées.
267Par conséquent, le spectre XPS de l’azote peut apporter des informations
précieuses sur la réactivité des sels de diazonium et notamment pour la modification de surfaces
carbonées susceptibles de contenir des fonctions oxygénées de surface bien connues pour faciliter la
formation de ponts azoïques.
28Par comparaison avec l’absence d’une contribution azotée pour le
carbone non modifié, le pic à 400 eV présent sur toutes les poudres modifiées a été attribué à la
formation de liaisons azoïques, démontrant que la dédiazotation des sels de diazonium est incomplète
dans nos conditions. À 399 eV et 402 eV deux pics supplémentaires ont été détectés, qui peuvent être
attribués aux molécules d’acétonitrile et de DMF physisorbées utilisées comme solvants de rinçage.
268Aux plus hautes énergies de liaison, la présence de deux contributions à 404,8 eV et à 406,4 eV avec
une aire de pic égale est observée pour le produit Norit-OTIPS et suspecté pour le produit Norit-OMe.
Ces pics sont caractéristiques du groupement diazonium.
269Le pic à l'énergie de liaison la plus élevée
est attribué par Patricia Finn et William L. Jolly à l'atome d'azote directement lié au groupe phényle
dans le sel de diazonium. Ces pics peuvent être attribués à des sels de diazonium fortement
263 A. Pendashteh, M. F. Mousavi, M. S. Rahmanifar, Electrochim. Acta 2013, 88, 347–357.
264 M. Andresen, L.-S. Johansson, B. S. Tanem, P. Stenius, Cellulose 2006, 13, 665–677.
265 Y. R. Leroux, H. Fei, J.-M. Noël, C. Roux, P. Hapiot, J. Am. Chem. Soc. 2010, 132, 14039–14041.
266 M. Toupin, D. Bélanger, J. Phys. Chem. C 2007, 111, 5394–5401.
267 P. Doppelt, G. Hallais, J. Pinson, F. Podvorica, S. Verneyre, Chem. Mater. 2007, 19, 4570–4575.
268 L. Madec, K. A. Seid, J.-C. Badot, B. Humbert, P. Moreau, O. Dubrunfaut, B. Lestriez, D. Guyomard, J. Gaubicher,
Phys. Chem. Chem. Phys. 2014, 16, 22745–22753.
269 (a) P. Brant, R. D. Feltham, J. Organomet. Chem. 1976, 120, C53–C57 ; (b) P. Finn, W. L. Jolly, Inorg. Chem.
physisorbés, formant des complexes avec des structures aromatiques.
270Cette explication est
cohérente avec la présence des pics du fluor F 1s et du bore B 1s dans le spectre large XPS du carbone
Norit-OTIPS modifié avec le tétrafluoroborate de 3,4-bis(triisopropylsilyloxy)benzènediazonium
(Figure 8).
Figure 8: Spectre large XPS du carbone modifié Norit-OTIPS.
Il est important de noter que pour le carbone Norit-OTIPS, les pics N 1s observés sur le spectre
XPS de l’azote sont beaucoup plus intenses que ceux obtenus avec les autres carbones modifiés.
Notamment, le pic plus intense à 400 eV peut être attribué à une formation plus efficace des liaisons
azoïques avec la surface du carbone lorsque celui-ci est modifié par le sel de diazonium silylé 21.
Cependant, cette seule explication ne semble pas suffisante pour rendre compte de ces différences,
car l’attaque électrophile des cations diazonium est principalement régie par leurs propriétés
électroniques,
271qui ne varient pas de manière significative selon que le groupement protecteur
présent soit un méthyle ou un TIPS. Puisque les mesures XPS sont sensibles à la composition chimique
d’un échantillon sur une faible épaisseur à sa surface, la plus forte intensité des contributions azotées
observées peut également s’expliquer par une fraction plus importante de molécules introduites sur
la surface externe du carbone activé lorsque celles-ci sont protégées par des groupements silylés
encombrants.
272270 T. M. Bockman, D. Kosynkin, J. K. Kochi, J. Org. Chem. 1997, 62, 5811–5820.
271 T. Menanteau, M. Dias, E. Levillain, A. J. Downard, T. Breton, J. Phys. Chem. C 2016, 120, 4423–4429.