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Préliminaires sur la personnalité morale

Dans le document Association (Page 56-60)

208. Nous verrons dans un premier temps la fonction de la personnalité morale (V. infra, nos

209 s.) puis le rôle de l'identité de l'association (V. infra, nos 216 s.).

Art. 1 - Fonction de la personnalité morale

209. L'association représentative de l'absence d'unité de la personnalité morale. - Ce qui

caractérise toute la vulgate autour des associations est l'émiettement de sa capacité juridique et, souvent même de sa personnalité juridique ; c'est ainsi qu'on distingue la petite et la grande personnalité morale (V. supra, nos 45 s.). Or cette variété transparaît dans de nombreux aspects, alors que la notion même de personnalité morale s'est construite pour donner de l'unité au droit des groupements. Pour faire front à la multiplication des travaux qui portaient sur des aspects particuliers, une magistrale remise à plat a été proposée par Mme SIMONART (V. SIMONART, La personnalité morale en droit privé comparé, 1995, Bruylant). Sans avoir l'ambition d'approfondir la notion de personnalité morale, il est nécessaire de faire la part de ce travail de systématisation puisque les développements qui suivent seront continuellement confrontés à la difficulté qui l'a suscité.

210. Thèse de l'unité de la personnalité morale. - Toute la démonstration de Mme SIMONART consiste dans le rétablissement d'un concept unitaire de personnalité morale, par-delà la vicissitude des règles qui définissent leur régime juridique. Elle procède pour cela à une qualification serrée des attributs de cette personnalité, afin de déterminer ce qui relève de sa nature et ce qui n'en constitue qu'un attribut accidentel. Par définition, la personnalité morale suppose une entité autre qu'une personne physique, qui soit reconnue comme telle par le législateur, qui soit apte à être titulaire de droits et d'obligations, et qui puisse être identifiée. Il s'agit là de ses éléments essentiels (V. SIMONART, op. cit., no 514). Or ces points manifestent une profonde unité en droit comparé. La difficulté provient surtout des différences de capacité juridique et d'autonomie patrimoniale. Il convient donc de distinguer les notions qui paraissent identiques.

211. Personnalité et capacité. - Or, « si la personnalité et la capacité peuvent toutes deux être

définies comme l'aptitude à être titulaire de droits et d'obligations, le terme d'aptitude revêt des significations différentes dans chaque définition : pour la personnalité, il désigne la possibilité générale et abstraite d'être titulaire de certains droits et obligations, sans toutefois indiquer si l'entité en est titulaire et sans renseigner sur leur étendue éventuelle ; pour la capacité, il exprime et mesure la possibilité concrète pour une personne, à laquelle a été au préalable conférée la personnalité juridique, d'être titulaire de droits et d'obligations et d'accomplir valablement des actes juridiques déterminés » (V. SIMONART, op. cit., no 312). La restriction de l'aptitude à recevoir des dons et legs des associations simplement déclarées est donc une limitation de la capacité juridique et non de la personnalité (V. SIMONART, op. cit., no 314).

212. Personnalité et droits subjectifs. - Parallèlement, et pour renforcer son analyse,

Mme SIMONART rappelle la définition du droit subjectif : « une prérogative conférée à une individualité propre par le droit objectif, qui a un contenu déterminé en ce qu'elle permet de faire, d'exiger ou d'interdire quelque chose d'autre que le respect de l'ordre juridique, des lois ou de cette prérogative, qui préexiste à toute violation d'une situation juridique et qui est exercée dans

son intérêt par son titulaire ou une autre personne qui la représente » (V. SIMONART, op. cit., no 358). Et ceci lui permet de débusquer de faux droits subjectifs (V. SIMONART, op. cit., no 359) : le droit d'agir en justice ; les libertés civiles, telles que le droit de se marier, de divorcer, de reconnaître un enfant naturel, de tester, d'exercer le droit d'option, de contracter ; les libertés constitutionnelles ; les droits de l'homme et les droits de la personnalité. L'auteur précise toutefois plus loin que contracter requiert une capacité juridique et reste attaché à la personnalité (ibid., no 362).

213. Personnalité et autonomie patrimoniale. - Il suffit d'ajouter que l'autonomie patrimoniale

n'est pas de l'essence de la personnalité morale pour pouvoir conclure que les personnes morales sont une notion unitaire et rejeter en conséquence toutes les divisions qu'on cherche à y introduire.

214. Caractère technique du concept de personnalité morale. - Nous avons rappelé cette thèse

forte car le droit des associations incite à chaque instant à des conclusions inverses et il faut donc prendre parti. Et, reconnaissons-le, nous ne prendrons pas celui de cette auteure pourtant brillante. Sa thèse pourrait être réfutée globalement mais l'entreprise serait vaine et injuste. On pourrait contester sa définition du droit subjectif et ceci invaliderait une partie de son raisonnement. Mais, finalement, c'est plutôt sa méthode systématique que nous ne partageons pas. Il convient de ne pas oublier que la personnalité morale n'est qu'une technique qui permet de rendre compte d‘un ensemble de solutions constitutif d'un régime juridique spécifique. Avant la charnière des XIXe et XXe siècles, il n'y avait pas de concept clair de la personnalité morale (B. ELIACHEVITCH, La personnalité juridique en droit privé romain, 1942, Paris, Librairie du recueil Sirey), si bien que les rédacteurs du code civil ne l'ont pas consacrée (B. DONDERO, Le modèle de la personnalité morale, in Code civil et modèle, in T. REVET, Code civil et modèles : des modèles du code au code comme modèle, 2005, LGDJ, p. 121 s.), non pas qu'ils aient fait ce choix mais parce qu'ils réglaient différentes questions pratiques sans les conceptualiser.

215. Unité conceptuelle et variété technique. - Bref, la personnalité juridique est un concept

juridique et non une solution légale. À l'oublier, on perd de vue les problèmes concrets à résoudre pour adopter une approche binaire réductrice. Il n'est pas question de nier les apports de la personnalité morale, mais il faut prendre garde à ne pas se laisser enfermer dans ses présupposés. « Ce qui peut paraître aujourd'hui une des erreurs de la doctrine classique a été de considérer la reconnaissance de la personnalité juridique comme une faveur du législateur » (V. SIMONART, op. cit., no 49). Quant à savoir si la personnalité morale est unitaire ou variable, le droit des associations n'incline pas vers la première solution. On peut toujours invoquer des règles de police qui restreindraient une capacité juridique pleine par principe pour les personnes morales (J. PELLERIN, article préc., nos 70-73) mais on fait alors de la personnification une forme qui manque l'appréhension de sa force (A.-M. PATAULT, La personne morale d'une nationalisation à une autre. Naissance et mort d'une théorie, Droits 1993. 79).

Art. 2 - Identité de l'association

216. Identité des sujets de droit. - Sujet de droit, l'association doit pouvoir être identifiée par les

partenaires avec lesquels elle entretient des relations juridiques. Il y a donc nécessairement des analogies avec les autres sujets de droit que sont les personnes physiques. Deux éléments sont centraux, à savoir la dénomination et le siège social de l'association ; le pays de rattachement en constitue un accessoire.

217. Nom, titre, dénomination. - L'association doit avoir un nom (K. RODRIGUEZ, op. cit.,

[supra, no 73], p. 38), c'est ce qu'impose le principe même de sa reconnaissance en qualité de sujet de droit. Toutefois, les textes n'utilisent jamais le terme de « nom » mais parlent de « titre ». Son régime juridique n'y est pas développé et n'a pas retenu l'attention des premiers commentateurs. Comme la raison sociale des sociétés, il a été progressivement élaboré par la jurisprudence puis systématisé par la doctrine. Il échappe à la réglementation du nom patronymique, en sorte qu'il est difficile de lui trouver une source avec laquelle raisonner par

analogie, encore que certains auteurs la recherchent dans le nom commercial (R. PLAISANT, Les dénominations des associations, Gaz. Pal. 1982. 1. 34, no 2). Il présente aujourd'hui deux aspects : le libre choix de principe et sa protection subséquente, encore que ces deux aspects soient intimement liés puisque la protection du titre constitue la limite principale au principe du libre choix.

218. Libre choix. - Le principe est donc celui du libre choix, c'est-à-dire que l'association

détermine son titre avec pour seule limite son imagination. Il est classique de choisir un titre qui fournit une indication, directe ou indirecte, sur l'objet de l'association, mais il n'y a aucune obligation en ce sens. C'est ce titre qui constitue le coeur de l'identité de l'association, celui par lequel elle sera connue par les tiers durant toute son existence, que ce soit comme cocontractante ou comme partie à une instance. L'exemple le plus fréquent en pratique qui illustre l'importance de cette identification est à propos du bénéfice d'un testament (Civ. 1re, 4 mars 2015, no 14-11.962 , inédit. - Paris, 18 nov. 1999, RG no 1998-04776. - Civ. 1re, 30 juin 1993, nos 91-18.737 et 91-18.620 , Bull. civ. I, no 241), les discussions à propos des parties à l'instance résultant plus souvent de changements de dénomination et d'arguties procédurales. Le titre est le signe de l'existence distincte de l'association. Le titre n'est cependant pas, en lui-même, la marque infaillible de la personnalité morale : rien n'interdit à une association non personnifiée de se choisir un titre. Faute de personnification, ce titre n'est toutefois pas protégé par le droit, à la différence de celui de la personne morale. Cette protection s'acquiert au même moment que la personnalité morale et celle-ci ne rétroagit pas davantage que celle-là.

219. Protection du nom des personnes physiques. - Une première limite quant à la libre

détermination du titre résulte de la nécessaire protection des noms des personnes physiques. Rien n'interdit à une association d'utiliser le nom d'une personne physique, ou de l'intégrer dans son titre, mais ceci requiert le consentement de la personne concernée (TGI Fontainebleau, 25 févr. 1970, D. 1970. Somm. 211).

220. Pour l'indisponibilité de la dénomination. - Partant du rapprochement qu'il opère entre titre

de l'association et nom commercial, Plaisant fait du titre une propriété de l'association, qu'elle acquiert par premier usage, à titre originaire donc. De là une seconde conséquence : la possibilité pour l'association de disposer de son titre (R. PLAISANT, article préc., no 8). Pourtant, au fur et à mesure que s'affirme l'existence de droits de la personnalité pour les personnes morales (Y. GUYON, Droits fondamentaux et personne morale de droit privé, AJDA 1998. 136 ), le raisonnement en termes de propriété perd une partie de sa force, le titre ayant une double facette. La Cour de cassation a d'ailleurs explicitement condamné le rapprochement avec le nom commercial et la dénomination sociale et a retenu que la dénomination constitue une chose hors du commerce (Civ. 1re, 28 avr. 1987, no 85-13.408 , Bull. civ. I, no 133). On peut tout de même conclure de la jurisprudence la possibilité pour une association d'autoriser une société à utiliser son titre sur les emballages des produits qu'elle commercialise (Lyon, 12 mars 1980, Rev. sociétés 1981. 153, note R. Plaisant ; RTD com. 1981. 560, no 10, obs. E. Alfandari). Ceci constitue simplement un exemple d'activité économique de l'association. Mais si l'association peut disposer de son titre, ceci ne signifie pas que son droit au nom, pour reprendre la formule consacrée, soit lui-même disponible. C'est la raison pour laquelle il n'est pas susceptible d'usucapion (Civ. 1re, 28 avr. 1987, no 85-13.408 , préc.).

221. Pour un droit privatif sur la dénomination. - Il est toutefois permis de se demander si la

jurisprudence ne s'est pas infléchie sur ce point. En effet, tout en rappelant la dissociation de la dénomination par rapport au nom patronymique, des arrêts plus récents ont abandonné la qualification de chose hors du commerce et admis le principe de l'usucapion (Versailles, 20 mai 1999, RG no 1996-5723). Elle a toutefois été refusée en l'espèce en raison de l'équivoque et de la déloyauté entourant la possession (rejet du pourvoi : Civ. 1re, 20 nov. 2001, no 99-19.516, inédit). La jurisprudence avait déjà anciennement marqué cette orientation en affirmant la possibilité d'un droit privatif sur la dénomination (Civ. 1re, 5 déc. 1966, Bull. civ. I, no 534. -

Paris, 4e ch., 18 nov. 1969, D. 1970. Somm. 49. - Paris 23 mars 1987, D. 1987. IR 105), en sorte que les évolutions s'apparentent à des errements.

222. Protection indirecte du terme d'association. - La dénomination de l'association jouit d'une

protection juridique. À la différence d'autres groupements, l'emploi du mot « association » n'est pas imposé et ne bénéficie pas d'une protection spécifique. Pour autant, son usage abusif est susceptible de relever de la publicité trompeuse ou, avant elle, mensongère (Paris, 13e ch. corr., 10 déc. 1971, JCP 1971. I. 1976, note D.S.).

223. Le fondement de la protection de la dénomination de l'association est toutefois incertain,

attiré par le droit de la personnalité sans se détacher totalement du nom commercial. De ce dernier, on peut suggérer une distinction selon que le titre de l'association atteste de l'inventivité de ses fondateurs ou qu'il est au contraire « banal » (R. PLAISANT, note préc. sous Lyon, 12 mars 1980, Rev. sociétés 1981. 153, no 6). Il est vrai que ce critère est utilisé en matière de marques pour faire échec au principe de l'antériorité lorsque le nom est purement descriptif (par ex. Riom, 1re ch. civ., 26 juin 2008, RG no 07/01634). La jurisprudence le reprend également en matière d'association ; elle a ainsi jugé que le caractère usuel des termes n'est pas suffisant pour éviter toute responsabilité « dès lors que c'est l'association des trois termes dans un ordre identique qui est source de confusion » (Versailles, 11 oct. 2001, RG no 2000-6997), preuve qu'elle admet la valeur de l'argument pour apprécier la pertinence de la protection. La jurisprudence est constante sur ce point.

224. Absence de protection des termes usuels. Risque de confusion. - En tout état de cause, c'est

le risque de confusion qui est pris en considération et la confusion effective n'est pas exigée (Civ. 1re, 5 déc. 1966, Bull. civ. I, no 534), encore que celle-ci soit un indice de risque difficile à écarter (Civ. 1re, 15 juill. 1963, Bull. civ. I, no 219). Et le dépôt de marque ne modifie pas le mode de raisonnement des juges. Il est aussi improbable que soit apprécié différemment le risque de confusion entre la dénomination de deux associations et entre celle d'une association et d'une société, en dépit de l'opinion contraire d'une partie de la doctrine (R. PLAISANT, note préc. sous Lyon, 12 mars 1980, Rev. sociétés 1981. 153, no 10). Cela conduit même à douter d'une originalité de la protection de la dénomination de l'association par rapport à celle des autres personnes morales. La seule particularité tient à l'importance des considérations morales plutôt que patrimoniales pour matérialiser les conséquences du risque de confusion, mais cette différence par rapport aux sociétés ne produit pas d'effets juridiques.

225. Siège social. - Le second élément de l'identité de l'association consiste dans son siège

social. Il est juridiquement central puisqu'il signifie le lieu de rattachement spatial de l'association. C'est à la préfecture ou la sous-préfecture du siège social que toutes les formalités d'immatriculation ou de changement devaient être publiées (L. 1er juill. 1901, art. 5) ; l'ordonnance du 23 juillet 2015 y a substitué le représentant de l'État dans le département (Ord. no 2015-904 du 23 juill. 2015, art. 1), mais le décret du 16 août 1901 n'est pas modifié à ce jour, si bien qu'on doit continuer à supposer que ce représentant est le préfet, provisoirement du moins. C'est là aussi que l'association devait tenir le registre spécial (ibid., abrogé par l'ordonnance no 2015-904 du 23 juill. 2015). Il a été simplement défini comme « l'adresse du local servant de bureau à l'administration ou à la direction » (G. TROUILLOT et F. CHAPSAL,

op. cit., p. 69). Cette définition n'est toutefois pas neutre, puisqu'elle inscrit le siège de

l'association dans la théorie du siège réel (lieu du principal établissement), par opposition à la théorie du siège statutaire (lieu d'incorporation), plus abstraite et libérale. À dire vrai, l'enjeu n'a pas la même portée qu'en droit des sociétés, si bien que les flottements sont moins dommageables. À travers la capacité de posséder l'immeuble occupé par le siège de l'association, la loi de 1901 (art. 6) cautionne la théorie du siège réel et les auteurs confirment cette orientation (V. à propos de la distinction des gares principales : K. RODRIGUEZ, op. cit., [supra, no 73], p. 38-39).

226. Libéralisme dans la détermination du lieu du siège. - Un grand libéralisme existe toutefois

associations, op. cit., no 134), consistant à n'indiquer que la ville du siège social, afin de faciliter le transfert du siège. À vrai dire, le fondement de l'étendue de cette souplesse est incertain, les conséquences de la localisation étant liées à la circonscription administrative supérieure, celle de la sous-préfecture ; en toute logique, il est donc tout aussi valable de mentionner que le siège est situé dans le ressort de telle ou telle sous-préfecture. Lors de l'immatriculation, la préfecture exige cependant l'indication de l'adresse exacte du siège social et celle-ci donne lieu à publication au Journal officiel (Décr. 16 août 1901, art. 1, al. 2).

227. Siège de l'association et nationalité. - Le lieu du siège de l'association est le critère de

distinction des associations françaises et étrangères (L. 1er juill. 1901, art. 5, al. 3). Tandis que les associations étrangères se définissaient alternativement par le lieu de leur création et la nationalité de leurs membres (V. supra, no 126), la loi ne comprend plus de définition et celle-ci s'infère des conséquences déduites du lieu du siège social. Il est inutile et trompeur de parler de nationalité de l'association. L'association étrangère n'est pas tenue d'avoir un établissement sur le territoire français et, si elle en installe un, celui-ci n'a pas en principe de personnalité propre. Si l'association étrangère faisait au contraire le choix de créer une association nouvelle avec un siège social en France, celle-ci serait autonome par rapport à elle et sa situation juridique serait proche de celle d'une association membre d'une union.

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