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Peu d'études concernant la préférence de couleurs chez les primates non humains sont publiées à ce jour, de par la difficulté de mise en œuvre de telles expériences sur un nombre de sujets suffisants. La quasi totalité des études est faite sur des sujets en captivité, ce qui réduit encore plus le panel d'animaux testés. Seules des publications concernant des expériences menées sur des grands singes sont accessibles, et leurs résultats ne peuvent être mis en relation les uns avec les autres.

Une des premières études concernant la préférence de couleurs chez un primate remonte à 1976, où une femelle gibbon du zoo de Colombus, dans l'Ohio, a été testée avec 6 objets colorés. Les résultats rapportent une préférence pour l'objet de couleur bleue, mais les auteurs soulignent aussi dans certaines conditions un biais de position (préférence pour les objets à la droite du sujet) (Wilson & Danco, 1976). Un peu plus tard, une autre étude menée sur des orangs-outans utilise des granules alimentaires pour primates colorés avec du colorant alimentaire en rouge, vert, bleu et orange. La consommation des adultes et des juvéniles est comparée entre les aliments colorés et les aliments normaux. Les résultats révèlent une préférence des sujets pour les granules colorés (consommation accrue pour les jeunes et plus rapide pour les adultes). Un juvénile a quant à lui présenté une préférence significative pour les granules colorés en rouge (Barbiers, 1985). Une des principales études à ce jour compare deux groupes de six gorilles (Gorilla gorilla gorilla) et de six chimpanzés (Pan troglodytes) du zoo de Belfast. Ces groupes ont été confrontés à divers objets (vêtements, boites, morceaux de tissus) rouges, bleus ou verts. Le temps de manipulation au cours des observations a été relevé et les deux espèces ont démontré des résultats similaires : les gorilles et les chimpanzés ont présenté de manière significative plus de manipulations des objets bleus ou verts que des objets rouges. Les auteurs concluent ainsi à une expression d'une préférence vers les couleurs bleues et vertes (Wells et al., 2008).

D'autre part, des témoignages d'observations sur des populations de bonobos (Pan

paniscus) en liberté laissent supposer un comportement d'évitement net lorsque les chercheurs

ou leurs accompagnateurs portaient du matériel bleu. L'observation des comportements de cueillette rapporte sans surprise une préférence pour les fruits rouges aux verts, la couleur de ces fruits étant le témoin de leur maturité, rappelant l'avantage évolutif qu'a permis la discrimination du rouge avec la trichromatie.

Le bleu-vert et le rouge sont donc des couleurs qui semblent se distinguer des autres dans l'expression de préférences chez les primates étudiés, de manière comparable à ce qui est observé dans les populations humaines. Toutefois aucune conclusion générale n'a encore pu être tirée, les études étant isolées les unes des autres et très différentes dans leurs méthodes. D'avantage d'expériences utilisant des protocoles expérimentaux comparables et sur des échantillons de sujets plus nombreux sont nécessaires pour avancer dans ce domaine.

2. Limites des études

Un des principaux biais de l'étude des préférences de couleurs chez les primates non humains est apporté par les conditions inhérentes à la captivité et la proximité avec l'Homme. Les animaux sont ainsi exposés à un panel de couleurs plus large et dans des conditions différentes de leurs congénères en liberté. L'association de certaines couleurs avec les seaux de nourriture ou encore des portes, des objets de l'enrichissement du milieu etc. peuvent constituer des biais positifs non négligeables. A l'inverse, une mauvaise expérience avec des personnes portant un uniforme d'une couleur particulière va mener le sujet à éviter cette couleur. L'utilisation de colorant alimentaire pour évaluer la préférence de couleur présente un autre biais important : un aliment de couleur nouvelle aura un attrait différent suivant le degré de néophobie de l'espèce ou de l'individu. De même, lorsque les études sont menées sur des animaux en liberté (beaucoup plus rares ou non publiées), ce même biais apparait : comparer plusieurs couleurs portées par des objets identiques pour permettre une comparaison mène à proposer aux sujets des items à couleur anormale, incongrue ou des objets inconnus. La surprise, l'effet de nouveauté, peuvent prendre le dessus sur les effets réels d'une préférence pour une couleur plutôt qu'une autre.

Les procédés expérimentaux sont aussi variables, dépendant des conditions de captivité, des installations permettant les expériences, des protocoles. Utiliser des objets neutres pour présenter les stimuli colorés n'aura pas la même signification que si les couleurs sont liées à de la nourriture (colorant alimentaire). Mener l'expérience dans un contexte social (objets répartis dans l'espace commun des animaux) ou isolé (sujet seul dans la pièce le temps de l'expérience) représente aussi un biais en influant sur le contexte émotionnel du sujet. Les comparaisons des études entre elles sont donc compliquées par ces différences de conditions expérimentales.

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ARTIE

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A PERCEPTION DES COULEURS CHEZ LES

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HIMPANZES

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AN TROGLODYTES

):

Ce projet avait pour objectif d'aborder la perception des couleurs chez les chimpanzés de deux manières différentes. Dans un premier temps, nous nous somme intéressés à la vision des couleurs au sens strict par des exercices de discrimination des couleurs. Un second aspect s'est imposé à nous lors de cette première série d'expériences, celui de la perception plus individuelle et subjective, des couleurs. La seconde partie de cette étude s'est donc intéressée à la notion de préférence des couleurs. Les expériences ont été réalisées ici à travers des exercices sur écrans tactiles. De plus en plus de primates mais aussi d'autres espèces sont habitués à l'utilisation d'écrans tactiles dans le cadre de recherche ou d'enrichissement dans les parcs animaliers. Les exercices mis en place lors de la présente étude reposaient sur des modèles de base : les cibles (en général le premier exercice d'habituation aux écrans tactiles), et l' "identity Matching-to-Sample" (iMTS, consistant à associer un stimulus, présenté d'abord seul, à son identique parmi un certain nombre de réponses possibles). Les résultats décrits ici ont la vocation d'être des bases pour des séries d'études plus larges, au sein des chimpanzés mais pouvant s'étendre aussi à d'autres espèces.

I.

Méthode générale