Prenons I = R, ω(x) = (2π)−12 exp(−x2/2) et soit L2(R, ω(x)dx) l’es-pace des (classes de) fonctions de carré sommables pour la mesure de den-sitéω par rapport à la mesure de Lebesgue. Le produit scalaire et la norme seront notés respectivement h,i etk k2. Pour f et g dans L2(R, ω(x)dx),
hf, gi= 1
√2π Z ∞
−∞
f(x)g(x)e−x2/2dx La densité ω a été choisie de façon que
Z ∞
−∞
ω(x)dx = 1
La famille {xn;n ∈ N} est totale dans l’espace L2(R, ω(x)dx) (théo-rème2.1.5, chapitre II) et le procédé d’orthogonalisation de Gram-Schmidt fournit une base orthogonale formée de polynômes unitaires, appelés poly-nômes d’Hermite, que nous noterons dans la suite par (Hn).
Théorème 2.5.1. Les polynômes d’Hermite8 sont donnés par la formule de Rodrigues
Hn(x) = (−1)nex2/2 dn
dxn(e−x2/2)
8Charles HERMITE (1822-1901), professeur d’Analyse à l’Ecole Polytechnique de 1869 à 1876, a été une des figures dominantes dans le développement de la Théorie des Formes Algébriques, de la Théorie Arithmétique des Formes Quadratiques et de la Théorie des fonctions elliptiques. Il a prouvé que le nombreeest transcendant et a donné la première solution de l’équation générale du cinquième degré grâce à l’utilisation de fonctions elliptiques.
Démonstration. Désignons par Qn(x) le second membre de la formule ci-dessus. Il s’écrit sous la forme
Qn(x) = (−1)n ω(x)
dn dxnω(x)
Il est facile de vérifier que pour toutn,Qnest un polynôme unitaire de degré n. On montre maintenant l’orthogonalité hQn, Qmi = 0 lorsque n 6= m. Donc après n intégrations par parties, on obtient
Z ∞
Si n < m le second membre de cette égalité est nul, il en résulte que les polynômes(Qn)sont deux à deux orthogonaux et compte tenu de l’unicité (voir théorème 1.6), on a bien Hn=Qn.
Si n=m, la dernière relation devient hxn, Hni=n!
Voici les sept premiers polynômes d’Hermite H0(x) = 1, H1(x) = x, H2(x) =x2−1
H3(x) =x3−3x, H4(x) =x4−6x2+ 3,
H5(x) = x5−10x3 + 15x,H6(x) = x6 −15x4+ 45x2−15 En vertu du théorème 1.4.7 (chapitre I), on peut énoncer
Théorème 2.5.3. La suite (Hn)des polynômes d’Hermite est une base or-thogonale de l’espace de HilbertL2(R, ω(x)dx). Tout f dans L2(R, ω(x)dx) s’écrit
où la série converge vers f en moyenne quadratique
N→∞lim
On a de plus l’égalité de Parseval kfk22 =P∞
n=0n!|cn(f)|2.
Avant de traiter quelques exemples, dégageons d’abord les principales propriétés des polynômes d’Hermite.
Proriétés des polynômes d’Hermite
(1) Parité. Pour tout entier natureln et pour tout x, on a Hn(−x) = (−1)nHn(x)
C’est une conséquence du corollaire 1.8 et du fait que la densité ω est une fonction paire.
Ainsi pour n pair, Hn(x) ne contient que des puissances paires de x et pourn impair,Hn(x) ne contient que des puissances impaires dex.
(2) Relation de récurrence. Les polynômes d’Hermite vérifient la rela-tion de récurrence suivante, valable pour tout entiern ≥1.
Hn+1(x) +nHn−1(x) = xHn(x)
Démonstration. Pour le voir, on part de l’identité suivante, dont la preuve ne présente aucune difficulté
dn
dxn(xF) =x dn
dxnF +n dn−1 dxn−1F et on écrit
Hn+1 = (−1)n+1 ω
dn+1
dxn+1(ω) = (−1)n ω
dn dxn(xω)
= (−1)n ω
x dn
dxn(ω) +n dn−1 dxn−1(ω)
ce qui est la relation cherchée.
(3) Fonction génératrice. On a l’égalité suivante G(x, t) = exp(tx−t2/2) =
∞
X
n=0
tn n!Hn(x) où la convergence a lieu dans L2(R, ω(x)dx).
Démonstration. On peut écrire G(x, t) = ω(x)1 ω(t−x). La fonction ω est développable en série de Taylor convergente dans R, il vient alors
G(x, t) = 1 ω(x)
∞
X
n=0
ω(n)(−x)tn n!
Tenant compte de la définition de Hn et de la parité de ω, on en déduit la relation voulue.
(4) Équation différentielle. Pour tout entier naturel n, on a Hn′′(x)−xHn′(x) +nHn(x) = 0
Démonstration. De la formule de Rodrigues on déduit l’égalité Hn′(x) = xHn(x)−Hn+1(x)
qui, comparée à la relation de récurrence, donne Hn′ =nHn−1
En dérivant la relation de récurrence membre à membre et en tenant compte de cette dernière égalité (écrite avec n+ 1 à la place de n), on en déduit que Hn vérifie l’équation différentielle annoncée.
Remarque 2.5.4. - L’équation différentielle vérifiée par Hn peut s’écrire sous la forme
L(Hn) : = ex2/2
e−x2/2dHn dx
′
=−nHn
L’opérateur différentiel d’ordre deux, ainsi mis en évidence, est parfois ap-pelé “opérateur d’Hermite”. Son importance vient du fait que, si f et L(f) sont dansL2(R, e−x2/2dx), les coefficients du développement en série suivant la base (Hn), de L(f)sont liés à ceux de f par l’égalité
cn(Lf) =−ncn(f)
Une application de cette remarque est donnée dans l’exercice 5.
Exemple 2.5.5. - Reprenons la fonction paire définie parf(x) =|x|. Son développement ne fera intervenir que des polynômes d’Hermite d’indice pair. On peut calculer facilement les premiers coefficients du développement def, par exemple c0(f) = 2/√
2π, c2(f) = 1/√ 2π et c4(f) = − 1
12√
2π, c6(f) = 1 120√
2π
Un calcul direct et fastidieux, mais qui peut être évité (voir exercice 2), montre que pour tout n ≥1,
H2n(0) = (−1)n(2n)!
n!2n , d’où c2n(f) = (−1)n−1 2n−1(2n−1)(n!)√
2π Nous avons représenté sur le figure 2.10 les graphes defet de ses polynômes d’HermiteH4f,H6f et H8f.
Exemple 2.5.6. - Considérons la fonction f définie par
C’est une fonction impaire et son développement ne fera intervenir que les polynômes d’Hermite d’indice impair, c’est-à-dire quec2n(f) = 0pour tout entier n. Calculons c2n+1(f): graphes de f et de ses polynômes d’HermiteH3f et H5f sont représentés sur la figure 2.11.
EXERCICES
1. Montrer les égalités suivantes : Z ∞
−∞
xkexp(−x2/2)dx=
((2n)!/(n!2n), sik = 2n;
0, sinon.
2. En utilisant la fonction génératrice des polynômes d’Hermite, mon-trer que
En déduire que pour tout entiern, on a
H2n+1(0) = 0, et H2n(0) = (−1)n(2n)!
(n!)2n
Solution.En faisantx= 0dans l’expression de la fonction génératrice des polynômes d’Hermite, on trouve la première relation . Comme son premier membre est une fonction paire, le second membre l’est aussi et donc H2n+1(0) = 0, pour tout n. En posant t2 = s, on en déduit
Le développement en série entière de la fonctione−s permet d’obtenir imédiatement l’expression deH2n(0).
-4 -2 2 4 1
2 3 4
4 8
6
Fig. 2.10 –
5
3 1
-1
Fig. 2.11 –
3. A l’aide du procédé d’orthogonalisation de Gram-Schmidt, trouver les quatre premiers polynômes d’Hermite.
4. Montrer, par substitution, que
x2 =H0(x) +H2(x) x3 = 3H1(x) +H3(x)
x4 = 3H0(x) + 6H2(x) +H4(x)
Déterminer le développement en série suivant les polynômes d’Her-mite des fonctions f(x) = x2r etg(x) = x2r+1, où r∈N.
5. En utilisant la fonction génératrice des polynômes d’Hermite, mon-trer que
ex =√ e
∞
X
n=0
Hn(x) n!
(x−1)ex =√ e
∞
X
n=1
Hn(x) (n−1)!
Solution. En faisant t = 0 dans l’expression de la fonction généra-trice des polynômes d’Hermite, on obtient la première relation. Pour la seconde relation, on considère l’opérateur différentiel défini par L(u) =u′′−xu′ qui sécrit sous la forme
L(u) = ex2/2 e−x2/2u′′
L’équation différentielle que satisfaitHns’écritL(Hn) =−nHn. Pour la fonction définie par f(x) = ex, Lf(x) = (1−x)f(x) appartient à l’espace L2(R, e−x2/2dx) et par suite se développe dans la base (Hn).
Deux intégrations par parties permettent de calculer les coefficients du développement de Lf :
hL(f), Hni=hf, L(Hn)i=−nhf, Hni, pour tout n On en déduit immédiatement la relation cherchée.
6. En utilisant la formule de Rodrigues et la relation de récurrence montrer les relations
Hn′ =xHn−Hn+1 et Hn′(x) =nHn−1(x) En déduire (de deux manières) que
hHn′, Hmi=
(0, si m6=n−1; n!, si m=n−1.
7. En utilisant l’exercice 6, montrer que sif =P∞
0 cnHn, alors xf =c1H0+
∞
X
n=1
[cn−1+ (n+ 1)cn+1]Hn
8. Écrire la formule de Parseval pour le développement de la fonction génératrice des polynômes d’Hermite.
9. Montrer la formule suivante dite de Christoffel-Darboux
n
X
k=0
1
k!Hk(x)Hk(y) = 1 n!
Hn+1(x)Hn(y)−Hn+1(y)Hn(x) x−y
On poseKn(x, y) = Pn
k=01/k!Hk(x)Hk(y), c’est l’analogue du noyau de Dirichlet. Montrer que
√1 2π
Z ∞
−∞
Kn(x, y)e−y2/2dy = 1
Soit f dans L2(R, e−x2/2dx) et soit Hnf le polynôme d’Hermite de degré n def. Montrer que
Hnf(x) = 1
√2π Z ∞
−∞
f(y)Kn(x, y)e−y2/2dy