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5. Résultats de la revue de littérature

5.7 La place de l’(auto-)dévoilement

La question du dévoilement des thérapeutes vis-à-vis de leurs patients a fait l’objet de nombreuses études et récemment, Holmqvist (2015) s’est interrogé sur l’utilisation de l’auto-dévoilement parmi des psychothérapeutes suédois. Il constate que le dévoilement concerne autant la description d’expériences personnelles du thérapeute que celle de l’expérience du thérapeute avec son ou ses patients en séances psychothérapeutiques, de même que l’information au patient sur le processus psychothérapeutique en cours.

Les résultats de cette récente étude confirment que les psychothérapeutes d’inspiration psychodynamique utilisent moins le dévoilement que les thérapeutes des autres orientations.

Les psychothérapeutes avec moins d’expérience professionnelle et les jeunes thérapeutes utilisent plus le dévoilement que les thérapeutes avec une plus longue expérience. Il est probable que les interventions de dévoilement des thérapeutes sont encore basées sur des convictions thérapeutiques plus que sur des points théoriques clairs basés sur des recherches (Hill & Knox, 2002). Holmqvist explique que les jeunes thérapeutes sont plus ouverts au dévoilement et au fait d’informer leurs patients sur eux-mêmes. Ce serait l’indication d’une attitude de plus grande ouverture d’esprit (Holmqvist, 2015).

Ziv-Beiman a répertorié en 2013 que l’auto-dévoilement était le plus souvent utilisé chez les psychothérapeutes pour leurs patients s’ils souffraient de troubles de l’adaptation, de troubles anxieux, de troubles de l’humeur, ou de syndrome de stress post-traumatique et le moins souvent utilisé lorsque leurs patients souffraient de troubles de la personnalité, de troubles du comportement, de troubles du contrôle des impulsions ou de troubles psychotiques.

Pour le futur, il serait intéressant d’étudier le dévoilement dans des situations où les antécédents et les conséquences de celui-ci peuvent être analysés in situ. Réfléchir sur les ressources thérapeutiques potentielles que le dévoilement peut apporter, en plaçant le focus sur ce que le patient pourrait en retirer serait bénéfique. Il est probable que la capacité du thérapeute à se dévoiler et celle du patient à utiliser cette information provenant du dévoilement varient (Holmqvist, 2015).

L’utilisation de la compétence à ce dévoilement peut mettre en évidence la réciprocité, l’égalité, l’authenticité et la sincérité dans la relation thérapeutique et ainsi augmenter le résultat thérapeutique (Vasquez, 2007). Les Gestalt-thérapeutes vont d’ailleurs dans ce sens en se basant moins sur des techniques thérapeutiques que sur l’utilisation de leur personne de façon sincère et authentique dans un état de conscience pleinement présente, traduite par « awareness » (Blanquet, 2007 ; Crispoux, 2007 ; Mairesse, 2007).

Dans cette idée de vivre une expérience « sincère » en thérapie familiale, le levier thérapeutique pour l’ensemble du système consiste à « montrer l’exemple » en « dévoilant » ses émotions, ses ressentis, parfois en fonction de ses propres résonances, au service de l’expression des émotions des autres membres du système. Ainsi confiant, le/les adolescent(s) « imitent » le/les psychothérapeute(s) et s’expriment plus aisément en présence de leurs parents, ce qui représente, une fois de plus, un puissant levier thérapeutique.

L’(auto-)dévoilement est donc puissant à condition qu’il soit bien utilisé et que les psychothérapeutes restent aussi à leur place (ne pas déverser leur propre souffrance par exemple). De cette façon, les patients ne tendront pas à un mouvement de protection envers les psychothérapeutes. Ceci concorde avec les travaux de Salovey et Brackett sur l’intelligence émotionnelle (voir chapitre 2.3.2.3).

Le dévoilement porte tant sur les émotions et l’expression des ressentis des psychothérapeutes que sur la « procédure thérapeutique » utilisée pour arriver à engager des membres d’une famille à se comprendre. Plusieurs études (Paine et al, 2010 ; Sturges, 2012 ; Tokic & Ninoslava, 2010 ; Ziv-Beinam, 2013) vont dans ce sens, notamment aussi pour développer l’alliance thérapeutique entre psychothérapeutes et patient. En effet, le but de l’auto-dévoilement est de favoriser le lien entre le thérapeute et son patient, surtout chez l’adolescent, de permettre à ce dernier de mieux se dévoiler sur son histoire et ses émotions et de favoriser ainsi le déroulement psychothérapeutique. L’auto-dévoilement est donc ici considéré comme favorisant l’alliance thérapeutique permettant le traitement et la dissolution du problème pour lequel le patient a été amené à consulter.

Ces quatre études démontrent qu’un psychothérapeute qui s’auto-dévoile permet aux jeunes de constater l’aspect chaleureux, la considération personnalisée et le lien plus authentique ressenti par le jeune, trois aspects qui influent sur le point de vue du patient sur le psychothérapeute. Il y est également étudié qu’une psychothérapie sera plus efficace si le thérapeute se dévoile sur une histoire plus spécifique qu’une histoire générale.

Les risques associés à un auto-dévoilement du psychothérapeute au patient est de diminuer la réflexion sur ce qui a l’amené à consulter. Il va de soi que l’auto-dévoilement ne doit ni blesser ni exploiter le patient.

L’auto-dévoilement des psychothérapeutes est essentiel avec les adolescents pour trois raisons :

 Promouvoir l’auto-dévoilement de l’histoire singulière de l’adolescent

 Promouvoir son autonomie

 Promouvoir son individuation

L’dévoilement des psychothérapeutes permet également un meilleur auto-dévoilement entre les parents et les adolescents (effet de modeling). Ceci mène au développement d’une réciprocité à la fois entre psychothérapeutes et patients et à la fois entre parents et adolescents.

En 2010, Tokic et Ninoslava ont étudié ce qui inhibe l’auto-dévoilement des adolescents à leurs parents : l’humeur des parents (exemple : tristesse), leur préoccupation ou leur réticence à parler, leur questionnement insistant sur la vie de leurs adolescents, leur

non-respect pour leur adolescent, leur plainte sur l’auto-dévoilement de leurs enfants, lorsque l’adolescent est rabroué par ses parents d’une manière générale. A contrario, les adolescents se sentiront en confiance avec leurs parents pour s’auto-dévoiler lorsqu’ils sentiront de leurs parents une relation où la confiance, la chaleur, l’attention, le respect, la confidence pouvant être gardée et le sentiment d’être compris seront au premier plan. Nous voyons là que des parents disponibles tant au niveau émotionnel que rationnel (exemple : donner un conseil par lequel le jeune se sent rassuré), encourage le jeune à s’auto-dévoiler. Les autres facteurs favorisant l’auto-dévoilement du jeune envers ses parents sont l’encouragement, l’humour, la réciprocité, l’empathie, l’attention, le respect, l’auto-dévoilement des parents eux-mêmes, la confiance, les conseils ressentis comme utiles, les réactions positives, le dialogue, la réceptivité et le fait que l’auto-dévoilement ait abouti à des résultats positifs (Tokic & Ninoslava, 2010).

Les auteurs de ces études suggèrent que les psychothérapeutes travaillant avec des adolescents devraient toujours avoir à l’esprit ces derniers facteurs favorisant la relation parents-jeunes. C’est dans ce sens que l’auto-dévoilement du psychothérapeute au jeune permet à celui-ci de constater la « véracité » ou la sincérité du lien qui l’unit à son thérapeute. De plus, par effet de « mètis », parents et adolescents vont développer une relation de confiance mutuelle favorisant la dissolution de leur problème les ayant amenés à consulter.