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B - Un phénomène général qui ne touche pas tous les acteurs de la même manière

Si le numérique change fondamentalement les formes du commerce, la transition ne se réalise pas de la même manière pour l'ensemble des acteurs. Les grands acteurs se sont engagés fortement alors que la numérisation des commerçants indépendants et des artisans, des TPE, marque, globalement, un retard net en France. La crise de 2020, mais aussi l'impact de la transition écologique sur le

AVIS DECLARATIONS/SCRUTINANNEXES commerce, semblent néanmoins ouvrir des perspectives de changements mais aussi

des difficultés majeures.

1. La mutation numérique des grands acteurs traditionnels du commerce en France

Les grandes enseignes du commerce en France se sont adaptées à la révolution numérique. Aucune ne fait plus l'impasse sur le sujet. Si les stratégies peuvent varier, tous les outils permis par la numérisation sont utilisés : vente en ligne, généralisation du drive, place de marché...

Cdiscount est le numéro 2 du commerce en ligne en France. Décathlon ne vend sur Internet que sa propre marque et développe un concept d'hybridation avec ses magasins. La Fnac, après des difficultés, s'est adaptée en développant de manière importante sa présence et ses ventes sur Internet, tout en maintenant et confortant sa présence dans des magasins physiques, dans une stratégie d'omnicanalité.

Les grands acteurs alimentaire ont tous développés le Drive, y compris pour des magasins de proximité en zone rurale. En 2019, le chiffre d'affaire du drive en France était à peu près équivalent à celui d'Amazon.

Le Conseil du commerce de France considère que, si la part de l'e-commerce continuait à augmenter rapidement pour atteindre, non plus 10 % du chiffre d'affaires du commerce, mais de l'ordre de 20 %, comme c'est le cas en Grande Bretagne, cela risquerait d'engendrer des difficultés majeures pour nombre d'entreprises du commerce, y compris de grande taille. En témoignent l'évolution de secteurs dans lesquels la part de l'e-commerce est la plus importante ainsi que la fragilisation rapide, voire dans certains cas la disparition d'acteurs. Ainsi en est-il par exemple du secteur

Avis

du jouet, où l'entreprise Toys'R'Us a disparu, ou de la culture, où Virgin a aussi disparu, avec toutes les conséquences sociales notamment sur le nombre d’emplois.

Une question non dénuée d'importance pour les différentes formes de commerce est de savoir où la clientèle de l'e-commerce aurait acheté si elle n'était pas passée par Internet. Selon la DGE, ce serait en général d'abord dans les centres commerciaux, puis dans les grandes et moyennes surfaces, plus que les petits magasins de proximité : "le premier concurrent de Fnac.fr est la Fnac, le premier concurrent de decathlon.fr est Décathlon"130.

2. La faible mutation numérique des commerçants indépendants et des artisans

Si 80 % des PME françaises du commerce ont un site Internet, seules 30 % ont des activités de vente en ligne selon la FEVAD, alors que c'est le cas de 70 % des PME du commerce de proximité en Allemagne131 et de 60 % en Italie132.

Ainsi, de très nombreux commerçants indépendants et professionnels de l'artisanat et du commerce de proximité n'utilisent pas ou peu pour leurs activités professionnelles les possibilités du numérique et d'Internet133.

Cette faible utilisation du numérique à des fins professionnelles, qui engendre un

"retard dans la transformation numérique de leurs activité et/ou de leur fonctionnement"134, ne concerne pas que des TPE mais aussi beaucoup de PME : selon une enquête publiée en septembre 2019, "71 % des entreprises de moins de 50 salariés n'ont pas débuté leur transformation numérique"135.

Comme l'ont souligné les chambres consulaires et organismes professionnels questionnés pour cet avis, il est aujourd'hui nécessaire que les commerçantes et commerçants et professionnels du commerce et de l'artisanat ainsi que leurs salariées et salariés s'approprient les outils du numérique dans leurs activités professionnelles, qu'il s'agisse de la commercialisation des produits, de la gestion de l'entreprise ou de l’organisation de sa logistique.

Pour autant la situation tend à s'améliorer : selon la Fédération de l'épicerie et du commerce de proximité (FECP), 95 % de ses adhérents sont visibles sur Internet, grâce à leur adhésion à un réseau d'enseignes qui mutualisent cette visibilité136. De même, 70 % des personnes interrogées dans un sondage commandé par la FEVAD souhaitent que leurs commerces de proximité aient un site de vente en ligne137. Pour autant, d'autres études montrent en même temps le regain d'intérêt de la population, ces dernières années et plus particulièrement encore depuis la crise sanitaire, en faveur de la présence de commerces de proximité dans les centres-villes138.

3. Des évolutions accélérées dans le contexte difficile de la crise

La crise sanitaire de la COVID19 impose à tous les acteurs économiques et sociaux une modification de leurs pratiques. Du point de vue de l'appropriation des outils numériques, le confinement aura provoqué une accélération des usages qui équivaudrait à plusieurs années d'évolution au rythme précédent. Tous les acteurs ont ainsi renforcé leurs engagements en faveur de la numérisation du commerce.

AVIS DECLARATIONS/SCRUTINANNEXES Le 5 novembre 2020, le ministère de l'Economie et des PME a publié un "guide

pratique à destination des artisans, commerçants, restaurateurs et indépendants pour les accompagner dans la numérisation de leurs activités"139. Le 10 novembre 2020 étaient présentés le plan "Numérisation des commerçants" et les aides gouvernementales à la numérisation des commerces évoquée dans le chapitre I.

Des communes, départements et régions ont multiplié les initiatives. Les réseaux consulaires se sont mobilisés pour informer et accompagner davantage vers une évolution numérique de leurs ressortissants. Afin de généraliser le click&collect et de développer l’accessibilité du plus grand nombre de commerçants indépendants au

« phygital » (alliance du monde physique et digital), le réseau des CCI a ainsi mis en œuvre plusieurs dispositifs d’accompagnement : campagne d’information et de sensibilisation, diagnostics de la maturité numérique, pilotage de plan d’actions à partir de la plateforme DigiPilote140, formations, market places et outils de géolocalisation des commerces141. La Poste a renforcé sa politique commerciale en faveur de sa place de marché "Ma Ville Mon Shopping"142,

De grandes entreprises du commerce numérique (notamment Amazon143 et Cdiscount144) ont par ailleurs proposé durant le deuxième confinement, des solutions pour favoriser l'accès et l'adhésion de petits commerces à leurs plates-formes.

Et pour clore l'année, l'émergence médiatique de la mise en danger des commerces de proximité à l'occasion du confinement partiel de novembre 2020, a renforcé la prise de conscience publique de l'enjeu. Il importe désormais pour le CESE que cette prise de conscience soit durable et permette de changer en profondeur les pratiques, afin de permettre au commerce de proximité de réussir pleinement sa transition numérique, en pleine connaissance des inconvénients et des avantages qui lui sont liés.

III - LES INCONVENIENTS ET LES ATOUTS