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Ainsi, parvenu à cette étape de notre démonstration, on peut affirmer que suivant les règles en vigueur à l’époque, l'acquisition de territoire par l'invasion ou

l'occupation-annexion ou de prescription selon les règles traditionnelles du droit international est légitime. Cette règle va constituer le premier aspect de notre argumentation.

C’est dans cette logique que M. FORTIER a donc donné son avis individuel dans

l’affaire de la délimitation et des questions territoriales entre le Qatar et le Bahreïn, la

région de Zubarah était alors habitée par la tribu des Naim. En juillet 1937, les Naim vivant à Zubarah ont été attaqués par les Al-Thani et leurs partisans et chassés de la région par la force. Des témoignages de première main ont été fournis à la Cour, au sujet de cette bataille : « si comme cela s'est passé en 1937, Zubarah devait être prise aujourd'hui par

la force, cela ne fait aucun doute que l'on serait là en présence d'un acte illicite ne pouvant priver le Bahreïn de son titre. La position actuelle, pleinement acceptée en droit international, est que l'emploi de la force est illicite et qu'il ne saurait par lui-même avoir pour effet un changement de titre. En 1937, toutefois, le droit était en évolution et la situation n'était pas aussi claire. Au cours des plaidoiries 151, la Cour a été renvoyée à la

cinquième édition, parue en 1937, de l'ouvrage d'Oppenheim intitulé International Law, et à sa neuvième édition, parue en 1992, dans laquelle les auteurs, sir Robert JENNINGS et sir Robert WATTS, ont exprimé l'opinion qu'il ne faut pas tenir comme établi que l'appropriation de territoires par la force à une époque antérieure à la Charte des Nations Unies peut faire l'objet de protestations aujourd'hui. Pour ces raisons, je conclus que le Qatar a le droit d’exercer sa souveraineté sur Zubarah » 152.

150 I. DUPLESSIS, « Résumé de article de la revue juridique thémis », R.J.T., vol. 42, 2008, p. 318 ; Cf. Protocol No. 1 to the Berlin West Africa Conference, Nov. 15, 1884, reprinted in GAVIN & BETLEY. Disponible sur le site http://www.comm.ucsb.edu/faculty/mstohl/failed_states/20 00/papers/bainpdf. Consulté le 7 avril 2012.

151 Opinion du Juge M. FORTIER, dans l’affaire des questions de délimitation maritime, régional entre

le Qatar et le Bahreïn, loc.cit., p. 458, §. 36 et s.

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Parlant de l’acquisition de ces terres, on ne saurait considérer que celles-ci pouvaient être acquises comme terres sans maître alors que des populations y vivaient ; on devrait pour parler d’acquisition partir sur la base d’un acte conclu entre ces populations et les occupants 153.

L’occupation d’une terre par le biais de convention entre pays ne constitue en rien une occupation de terre sans maître. Ainsi on pouvait voir des conventions conclues entre des responsables traditionnels et des colons sur des parcelles de terres. On a l’exemple du Sahara Occidental qui était occupé par des nomades et ayant à sa tête une autorité lorsqu’il entrait en relation avec l’Espagne. Il ne s’agissait pas d’une terre sans occupants 154.

En effet, cette parcelle était exploitée par des nomades qui avaient une occupation réelle de ces espaces, et connaissaient d’ailleurs des conflits avec d’autres peuples sur lesdites parcelles ou encore avec leur voisinage. Ils étaient en majorité des musulmans placés sous l’autorité d’un Cheik 155.

Un bon nombre des territoires exploités ne constituait pas des Etats. Les pays comme l’Allemage et la France étaient convenu de délimiter leurs térritoires africains 156.

37. Le 24 décembre 1885 à Berlin, les accords sont conclus. A cet effet, est fixée la limite, par exemple, entre le Gabon et le Cameroun, est également délimitée les possessions de la France et du Portugal sur la Côte occidentale de l’Afrique. Le sultanat de Zanzibar de Grande Bretagne revenait à l’Allemagne 157.

En application du principe de la main-mise, les pays qui avaient établi leurs souveraineté sur des territoires en étaient bénéficiaires.

M. BANNING rappelle que cette conférence avait établi « le Code diplomatique de

l’Afrique moderne ». Certes, la formule va trop loin et répond à la tendance de faire de

153 Cf. J. GOMSU, « Problématique de la collaboration : les chefs traditionnels du Sud-Cameroun dans l'administration coloniale Allemande », (1986), in KUMA NDUMBE III (dir.), L'Afrique et l'Allemagne

de la colonisation à la coopération (1884-1986) le cas du Cameroun, éd., Africavenir, 1986, p. 140.

154 Affaire du Sahara Occidental, loc.cit., p. 39, §. 80-81.

155 Ibid., p. 41, §. 87-88.

156 G. DE COURCEL, op.cit., p. 10.

157 Ibid ; B. OULD MOHAMED, « Le concept du colonialisme », document de travail, Colloque scientifique sous le thème le droit des peuples à une indemnité pour la période coloniale, Nouakchott,

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l’œuvre de 1885 une œuvre universelle (comme une Charte coloniale universelle). C’est, d’ailleurs une conception qui s’est traduite dans les textes édictés.

La rencontre de Berlin a conduit au rejet du pacte colonial notamment la mise en valeur de la colonie au seul profit de la métropole. Désormais, affirment les accords, cette exploitation doit se faire au profit aussi des territoires exploités. L’influence de la civilisation de la métropole ne devant pas entraver l’essor de la colonie elle-même 158. 38. Toutefois, la guerre dans les règles du droit international classique reste légale et

autorisée 159. C’est l'un des droits de l’Etat et l'instrument dans la réalisation de ses intérêts nationaux. Les Etats, s'ils le souhaitent, peuvent passer entre eux des conventions de renonciation. Il en est ainsi de la convention signée par les Etats-Unis d’Amérique, la Grande-Bretagne, les dominions et les Indes, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, la Pologne, la Tchécoslovaquie et le Japon, convention nommée : pacte général de renonciation à la guerre encore appelé pacte Briand-Kellog. Le pacte Briand-Kellog, ou pacte de Paris, est un traité qui fut signé le 27 août 1928 à Paris et entra en vigueur le 24 juillet 1929, par lequel les 63 pays signataires « condamnent le recours à la guerre pour le

règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique nationale dans leurs relations mutuelles » 160. En somme la conférence de Berlin est apparue comme la clé du partage des pays africains non plus au profit exclusif des occupants mais des colonies notamment les populations.

39. Il convient d’indiquer ici les violations qui ont suivi le fait colonial ou encore l’occupation et l’invasion. En réalité, la distinction entre la violation et la colonisation est intéressante pour fixer la base de la responsabilité conduisant à la réparation.

S’agissant de la colonisation, elle consiste dans le déploiement, par certains pays afin d’exploiter des territoires étrangers, leur exploitation sur les plans culturels, religieux et surtout économiques 161.

158 Ibid., p. 11.

159 S-A. SHLABI, Le droit à la restitution en droit international, le Caire, Al Nahda, 1983, p. 49.

160 F. L’HUILLIER, De la Sainte-Alliance au Pacte Atlantique, le vingtième siècle 1898-1954, éd de la Balconnière, Neuchâtel, N° 8, 1955, p. 195.

161 Définition juridique en Droit international public de la colonisation, Cf. R. GUILLIEN, J. VINCENT, S. GUINCHARD, G. MONTAGNIER (dir.), op.cit., pp. 138-266-496.

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Selon GUINCHARD et DEBARD, « la colonisation se différencie d’une simple

occupation politique d’un territoire car elle revêt une dimension économique, religieuse ou idéologique. La colonisation se distingue de l'annexion par la différence de traitement, de droits ou de statut juridique accordé entre le citoyen et le colonisé, au détriment de ce dernier. La colonisation se caractérise par l'envoi massif (colonie de peuplement) ou non (comptoir, protectorat…) de colons issus du pays colonisateur afin de gérer la colonie…..» 162.

40. L’occupation, quant à elle, qui consiste en le fait de pénétrer sur un territoire étranger peut être considérer comme un moyen de la colonisation. Il en est ainsi parce que la domination coloniale pourrait aussi avoir lieu sans occupation. Il faut préciser que le point de rencontre entre l’occupation et la colonisation est qu’elles constituent des violations pouvant faire naître la responsabilité. On peut citer comme exemple l’occupation par le Japon de la Corée. En fait, en 1910, la Corée était annexée par le Japon qui y avait trouvé un réservoir de richesse à la fois matérielle et humaine notamment du pétrole et de la main d’œuvre cela s’est traduit concrètement par la prise de terres exploitées en métayages au profit de ces occupants, l’enrôlement des jeunes dans l’armée, les viols des femmes et les prostitutions de ces dernières. C’est d’ailleurs cette occupation qui conduit en 1945 à la division de la Corée en deux parties 163. Précisons que la notion d’occupation ou encore celle d’exploitation, ici, sont des actes ou des faits qui vont dans le sens de la colonisation. Autrement dit il s’agit d’une occupation coloniale 164.