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IV. Le facteur de transcription Otx2

IV.3. Otx2 dans le rhombencéphale

Alors que Otx2 est exprimé uniquement dans le dans le cerveau antérieur, avec comme limite postérieure l’IsO tôt dans le développement, on observe l’induction de son expression plus tard dans la partie postérieure du CNS. En effet à E9,5, Otx2 commence à être exprimé dans la plaque du toit qui couvre le 4ème ventricule et qui donnera les plexus choroïdes. Chez la souris adulte, Otx2 est retrouvé dans le cervelet postérieur ainsi que dans certaines cellules du pont (Courtois et al., 2003; Fossat et al., 2005).

IV.3.1. Otx2 dans les plexus choroïdes

Otx2 présente une expression marquée dans les plexus choroïdes durant leur développement. Il apparaît dans cette structure dès leur mise en place à E9,5 et s’y maintient jusqu’à l’âge adulte (Boncinelli et al., 1993; Simeone et al., 1993; Courtois et al., 2003; Fossat et al., 2007). La concentration de la protéine Otx2 semble d’ailleurs particulièrement élevée dans ces structures (Fossat et al., 2007; Johansson et al., 2013). L’importance de l’expression d’Otx2 dans les plexus choroïdes a été suspectée dès les années 90, après avoir remarqué que les souris Otx2+/- présentaient des hydrocéphalies, en plus de certaines anomalies au niveau du SNC telles que des ventricules latéraux dilatés et un cervelet ballonné, dues à la présence d’un excès de liquide cérébro-spinal (Makiyama et al., 1997). Alors que les plexus de ces souris ne présentent pas d’anomalie morphologique, cette hydrocéphalie a amené les auteurs à supposer que la mutation d’Otx2 pouvait affecter la qualité et la quantité du CSF sécrété par les plexus choroïdes. En 2013, Johansson et al, en font la démonstration. Grâce à l’utilisation du système Cre-lox, ils ont pu provoquer l’ablation du gène Otx2 dans les plexus choroïdes à différents moments du développement. L’ablation tardive entraine un modification transitoire de la composition du CSF ; en particulier, un certain nombre de composants de la voie Wnt voient leur concentration augmenter. Cette modification a des conséquences, à court terme, sur la prolifération des cellules corticales et, à long terme, sur la composition des couches du cortex cérébral. L’ablation précoce d’Otx2, vers E9,5, conduit, quant à elle, à l’absence totale des

plexus choroïdes (Johansson et al., 2013). Otx2 est dont nécessaire à la fois à la formation des plexus choroïdes mais également à leur bon fonctionnement, dont l’altération affecte le développement de structures adjacentes.

IV.3.2. Otx2 dans le développement normal et tumoral du cervelet

L’expression d’Otx2 débute tardivement dans le cervelet en développement. A E14,5, son ARNm est présent dans la lèvre rhombique du R1 ainsi que dans les GCP les plus postérieurs, ayant quitté la RL tout récemment (Fossat et al., 2005). Juste avant la naissance, son expression est décrite dans les GCP de l’EGL postérieur du cervelet avec un gradient croissant antéro-postérieur allant du lobule VI au lobule X. Après la naissance, l’expression d’Otx2 est maintenue dans les GCP pendant leur phase de prolifération intense, puis à un moindre niveau dans les cellules granulaires du cervelet postérieur, après leur différenciation et leur migration dans l’IGL (Figure 19A). A noter que la persistance de l’expression d’Otx2 dans le cervelet adulte chez la souris n’est pas retrouvée chez l’homme. A l’exception d’une expérience montrant que le Knock out d’Otx2 à E16,5 conduit à une atrophie du cervelet postérieur et à défaut de foliation, il n’existe aucune information concernant le rôle d’Otx2 dans le développement du cervelet (Figure 19B) (Fossat et al., 2006). L’élucidation de la fonction d’Otx2 dans le développement du cervelet semble donc aujourd’hui indispensable, ne serait-ce que pour comprendre comment son altération est liée à la formation de MB. En effet, chez l’homme, OTX2 est anormalement surexprimé dans 75% des MB (de Haas et al., 2006). En plus de cette surexpression, une amplification génomique d’OTX2 est retrouvée dans 21% des MB, en particulier dans les groupes 3 et 4 (Figure 19D). En réalité, l’amplification d’OTX2 est l’amplification focale (moins de 10kb) la plus retrouvée dans les MB. Ce type d’amplification est d’autant plus intéressante qu’elle serait stratégiquement sélectionnée par les cellules tumorales pour accroître leur potentiel de prolifération (Adamson et al., 2010; Boon et al., 2005; de Haas et al., 2006; Di et al., 2005; Northcott et al., 2011). De manière surprenante, la surexpression et l’amplification focale d’OTX2 ne sont pas observées dans les MB du groupe SHH (Adamson et al., 2010).

Le rôle oncogénique d’OTX2 dans la formation de MB a été suggéré par de nombreuses expériences, conduites essentiellement dans des lignées cellulaires de médulloblastome. L’invalidation d’OTX2 dans des lignées cellulaires dérivées de MB du groupe 3 ou 4, ou dans des cellules souches embryonnaires transformées, présentant toutes un niveau élevé de la

la différenciation (Bunt et al., 2012; Kaur et al., 2015). De plus, une étude publiée par Adamson et collègues en 2010, montre que la xénogreffe de cellules surexprimant OTX2 dans des souris immunodéficiences génère plus souvent des tumeurs que si cette greffe est réalisée avec des cellules ayant un niveau normal d’OTX2. Dans la même étude, les auteurs effectuent également la transplantation de cellules de la lignée D425, qui dérive de MB du groupe 3, après y avoir inhibé ou pas l’expression d’OTX2 à l’aide de Sh-RNA (Short hairpin RNA). Alors que la transplantation des cellules D425 induit la formation de tumeurs dans 100% des cas, les cellules D425 préalablement transfectées avec les Sh-RNA anti-Otx2 forment des tumeurs beaucoup plus petites, et moins pénétrantes (Figure 19E). L’analyse moléculaire de ces tumeurs révèle que dans le cas où OTX2 est inhibé, l’expression de c-MYC est diminuée, suggérant que ces deux facteurs pourraient participer à une voie commune de régulation. En ligne avec cette hypothèse, une étude suggère qu’OTX2 et c-Myc partagent plusieurs sites de fixation situés en amont de régions promotrices, et que la population des gènes en aval de ces régions est enrichie en gènes spécifiques des médulloblastomes et des cellules souches. De plus Otx2 est capable de se lier directement au promoteur de c-MYC et inversement (Bunt et al., 2011). A l’inverse, l’expression ectopique d’OTX2 dans des cellules épithéliales immortalisées ou dans des progéniteurs neuronaux dérivés de cellules souches embryonnaires augmente leur prolifération et leur tumorigenèse (Adamson et al., 2010; Bunt et al., 2010; Kaur et al., 2015).

L’ensemble des expériences précédentes, suggère qu’à un niveau élevé d’expression, Otx2 pourrait favoriser la prolifération et l’oncogenèse dans le contexte in vitro, dans des lignées cellulaires, ou après leur transplantation dans le cerveau. Il n’existe qu’une seule expérience, publiée par Wortham et collègues, qui a étudié l’effet de la surexpression ectopique d’Otx2 dans un contexte totalement in vivo. Dans ces travaux, les auteurs surexpriment Otx2 dans les cellules souches neurales de cerveaux de souris, grâce à l’utilisation d’une lignée pilote GFAP-Cre. Il en résulte une hyperplasie de cellules qui ressemblent fortement à des GCP au niveau du cervelet (Wortham et al., 2012).

En conclusion, l’ensemble de ces travaux suggère qu’OTX2 pourrait stimuler la prolifération des GCP dans le cervelet et que l’expression aberrante de ce gène pourrait contribuer à leur tumorigenèse. Néanmoins, ces fonctions n’ont pas été clairement abordées dans le cadre du cervelet en développement. Par ailleurs, la question se pose toujours de savoir si la surexpression d’Otx2 dans les MB est une cause de la formation de la tumeur, ou si elle est sélectionnée par les cellules tumorales pour favoriser leur maintien dans un état prolifératif.

les MB du groupe Shh, alors que les seules cellules d’origine de ces tumeurs sont majoritairement les GCP.

Figure 19: Otx2 dans le développement normal et tumoral du cervelet

(A) Expression d’Otx2 durant le développement du cervelet. La protéine Otx2 est détectée dans les précurseurs des cellules granulaires du cervelet postérieur à E15. À P7, Otx2 est présent à la fois dans les précurseurs des cellules granulaires et dans les cellules granulaires après leur différenciation et leur migration dans la couche granulaire interne. (B) et (C) Etudes in vivo de la fonction d’Otx2 dans le cervelet. Seules deux études ont abordé la fonction d’Otx2 dans le cervelet. (B) La première, menée par Fossat et collègues, a démontré que l’ablation conditionnelle d’Otx2 à E16,5 conduit à la formation d’un cervelet atrophié et à un défaut de foliation (étoile) observable à P10. (C) Dans la seconde, menée par Wortham et collègues, la surexpression d’Otx2 dans les précurseurs neuronaux du cervelet conduit à une hyperplasie de cellules (flèches noires) ressemblant fortement à des précurseurs de cellules granulaires. (D) Analyse de l’amplification génomique d’Otx2 dans les 4 groupes de MB. Seuls les groupes 3 et 4 présentent des amplifications focales d’Otx2. (E) L’ARNm d’Otx2 a été analysé dans un ensemble de médulloblastomes primaires. A l’exception du groupe Shh, tous les autres groupes présentent une surexpression d’Otx2. (F) L’inhibition d’Otx2 réduit considérablement la taille des tumeurs. La transplantation de cellules de la lignée tumorale D425 induit la formation de tumeurs dans le cerveau des souris. Le traitement de cette lignée avec des ShRNA anti-Otx2