CHEZ L'HOMME . Pour des raisons de stabilité d'enregistrement et de
standardisation des résultats, la contraction volontaire qui a été la
plus étudiée chez l'homme est la contraction isométrique en rampe : les
articulations sont fixées de telle sorte que la contraction du muscle
développe une tension sans déplacement de segment de membre, et le sujet
augmente linéairement au cours du temps la force développée par son
muscle . Le temps le plus souvent prescrit pour atteindre le sommet de la
rampe varie entre 5 et 10 secondes. Dans ce type de mouvement, l'ordre
de recrutement des unités motrices reste le même au cours de l'exécution
de rampes identiques successives. Le seuil d'apparition d'une unité dans
un mouvement lent est reproductible d'un essai à l'autre^ (TANJI et
KATO, 1973 a).
La question se pose dans ces conditions de savoir si, chez l'homme,
au cours du mouvement volontaire les petites unités sont recrutées avant
les plus grandes ? Il était connu par les nombreux travaux d'électromyo-
graphie réalisés depuis la description initiale de l'aiguille concentrique
22
.
à apparaître au cours d'une contraction progressivement croissante
avant les potentiels de plus grande amplitude (SMITH, 1934; BUCHTHAL
PINELLI et ROSENFALCK, 1954). Cette apparition précoce de petits potentiels
avait été attribuée au fait que les unités motrices qui sont loin de
l'électrode d'enregistrement sont nécessairement plus nombreuses que celles
qui sont près d'elle (SMITH, 1934; GILSON et MILLS, 1941). Sur cette base
on a cru que statistiquement les petits potentiels de la grande population
d'unités distantes sont nécessairement observés plus tôt que les grands
potentiels de la petite population d'unités proches. Suivant cette concep
tion, on doit s'attendre à voir les petits potentiels prédominer à toutes
les étapes du recrutement. Néanmoins, OLSON,CARPENTER et HENNEMAN (1968)
ont montré que l'amplitude des potentiels électromyographiques ne dépend
pas seulement de la distance entre les électrodes d'enregistrement et les
éléments actifs; elle est également déterminée, en grande partie, par le
nombre de fibres musculaires de chaque unité motrice et par le diamètre
des fibres musculaires constitutives (OLSON, CARPENTER et HENNEMAN, 1968).
La corrélation entre le seuil d'activation et l'amplitude des potentiels
d'unités motrices varie cependant en fonction des auteurs (OLSON, CARPENTER
et HENNEMAN, 1968; TANJI et KATO, 1973 a). Elle est d'autant meilleure
»
que la sélectivité des électrodes utilisées est moindre.
Plus récemment, la question du recrutement des unités motrices
en fonction de leurs propriétés contractiles dans le mouvement volontaire
lent vient de recevoir une réponse définitive grâce aux travaux de STEIN,
FRENCH, MANNARD et YEMM (1972) et de MILNER-BROWN, STEIN et YEMM 0973 a et
b) . Ces chercheurs ont mis au point une technique qui permet d'étudier
23
.
dont on a par ailleurs déterminé le seuil d'apparition dans une contrac
tion en rampe. La secousse mécanique d'une unité donnée est dégagée de
la force globale développée par un muscle en moyennant cette dernière et
en déclenchant le balayage du moyenneur par les potentiels d'action de
l'unité choisie. La force globale développée par le muscle résulte de
l'intégration des secousses des différentes unités motrices mises en jeu
pendant la contraction. Il en résulte que la secousse d'une unité
déterminée est noyée dans l'ensemble. Mais, si on moyenne la force globale
en déclenchant les balayages du moyenneur par les potentiels d'action d'une
unité déterminée, le moyennage dégage la tension produite par l'unité
motrice étudiée de celles produites par toutes les autres unités motrices
qui puisent indépendamment de l'unité que l'on veut isoler.
Il a ainsi été établi, au niveau du premier interosseux dorsal,
que les unités qui sont recrutées par les contractions les plus faibles
développent des tensions de l'ordre de 0.1 à 0.5 g tandis que les unités
recrutées à des niveaux de contraction plus élevés développent des forces
de l'ordre de 10 g. Les unités motrices sont recrutées lors de la contraction
volontaire en rampe approximativement dans l'ordre des forces contractiles
qu'elles génèrent. Il existe une corrélation positive très significative
( r = 0.80) entre le seuil d'activation des unités et l'amplitude de leurs
secousses mécaniques (MILNER-BROWN, STEIN et YEMM, 1973 b). De plus, les
unités petites à seuils bas ont tendance à être plus lentes que les unités
plus grandes à seuils plus élevés.
Si, chez l'homme, le motoneurone n'est pas directement accessible,
I
vitesse de conduction de son axone. Celle-ci peut être mesurée par la
stimulation du nerf en deux points de son trajet et par l'enregistrement
dans ces conditions d'un potentiel d'unité motrice isolée. Un tel
enregistrement n'est possible que depuis la mise au point d'électrodes
extrêmement sélectives, en tungstène,vernies sauf à la pointe (résistance
de 1 à 5 Ma à 180 Hz) (HAGBARTH et VALLBO, 1968; FREUND, BUDIN6EN
et DIETZ, 1975). Une étude systématique a établi chez l'homme la
corrélation étroite qui existe entre la taille du motoneurone, mesurée
par la vitesse de conduction de son axone, et son seuil d'activation dans
une contraction volontaire en rampe FREUND, BUDINGEN et DIETZ, 1975).
Lors de contractions volontaires , chez l'homme, les unités
motrices sont recrutées non seulement suivant l'ordre croissant des
forces qu'elles développent (MILNER-BROWN, STEIN et YEMM, 1973 b), mais
aussi dans l'ordre décroissant de leurs fatigabilités(STEPHENS et USHERWOOD,
1976). La secousse mécanique d'une unité ayant été mesurée suivant la
technique de STEIN décrite ci-dessus, on demande au sujet de faire puiser
cette unité de manière stable pendant 5 minutes; à la fin de cette con
traction soutenue, la circulation dans le muscle est interrompue afin de
prévenir la récupération de l'unité motrice après son effort. La secousse
mécanique de l'unité soumise à l'exercice est immédiatement mesurée et
la circulation est rétablie. Dans les unités fatigables , la secousse
mécanique mesurée après exercice est réduite par rapport à son contrôle;
elle demeure identique dans les unités non fatigables ; les petites unités
à seuils bas sont très résistantes à la fatigue; les grandes unités
25
.
En conclusion ces travaux établissent la réalité d'application
chez l'homme du "principe de grandeur" introduit par HENNEMAN sur la
base d'expérimentation chez le chat décérébré. Lors d'un mouvement volon
taire en rampe, les petites unités motrices, lentes, résitantes à la fatigue,
sont activées avant les grandes unités motrices, plus rapides, sensibles
à la fatigue.
2. LES TYPES D'UNITES MOTRICES CHEZ L'HOMME . Nous possédons actuelle
ment plusieurs méthodes qui permettent de mesurer le temps de contraction
d'unités motrices isolées chez l'homme. La microstimulation intramusculaire
permet d'activer des unités motrices isolées. La secousse de ces dernières
peut être suivie à l'aide d'un jauge de contrainte très sensible, montée
sur une aiguille dont la pointe est insérée dans le tendon du muscle (BUCHTHAL
et SCHMALBRUCH, 1970) ou le moyennage de la force enregistrée avec un
transducteur usuel (TAYLOR et STEPHENS, 1976). Comme nous l'avons vu
plus haut, les secousses mécaniques d'unités isolées peuvent aussi être
dégagées pendant la contraction volontaire dans le premier interosseux dorsal
(MILNER-BROWN, STEIN et YEMM, 1973 a et b). La distribution des temps de
contraction dans les différents muscles étudiés est unimodale. Les muscles
biceps et jambier antérieur (BUCHTHAL et SCHMALBRUCH, 1970) ont des unités
motrices avec des temps de contraction inférieurs à 60 msec (unités rapides)
et d'autres avec des temps de contraction supérieurs à 60 msec (unités lentes)
Pratiquement, toutes les unités des jumeaux interne et externe et du soléaire
ont un temps de contraction plus long que 60 msec.
Les muscles humains sont constitués, eux aussi, de fibres musculaires
de types différents correspondant aux types A, B et C ou I et II décrits
26
.
Chez l'animal, les différents types histochimiques ont été mis
en relation avec des propriétés physiologiques telles que la vitesse de
contraction des unités motrices. Chez l'homme, une tentative indirecte
a été faite dans ce sens. Elle a consisté à comparer les proportions
d'unités lentes et rapides aux proportions de fibres A, B ou C révélées
par 1'histochimie dans les mêmes muscles(BUCHTHAL et SCHMALBRUCH, 1970).
Les trois muscles composant le triceps sural humain sont constitués de
90 % de fibres riches en mitochondries (type C) ; on ne trouve par ailleurs
dans ces muscles que des unités motrices lentes. Dans le biceps brachial
un quart des fibres sont du type C; 30 % environ des unités ont un temps
de contraction plus long que 60 msec. Le triceps brachial dont toutes
les unités ont un temps de contraction inférieur à 60 msec n'est pratique
ment composé que de fibres A et B.