VERS UNE COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE DE L’ÉNERGIE « La paix mondiale ne peut être sauvegardée que par des efforts créateurs
QUELQUES CHIFFRES CLÉS
III. Diverses voies pour une politique énergétique européenne commune
3.2. Instruments juridiques et institutionnels
3.2.3. Option 3 – Un nouveau traité européen de l’énergie
Une option plus radicale consisterait à développer un nouveau traité spécifique
à l’énergie afin de créer une véritable Communauté européenne de l’énergie per-
mettant d’inclure tous les éléments et mesures nécessaires identifiés dans un unique instrument juridique. Un nouveau cadre juridique et institutionnel permet- trait de créer un espace de régulation européen de l’énergie intégré et régi par
des institutions capables de fournir des solutions efficaces. Si tous les États membres s’investissaient dans cette cause, ils
pourraient modifier le Traité de Lisbonne afin de doter l’Union
des différents instruments et prérogatives nécessaires. Il est aussi possible de tirer profit des dispositions de révision alter- natives instituées par le Traité de Lisbonne. Le Traité apporte un aspect novateur dans le sens où il peut être modifié sans convoquer de conférence intergouvernementale, ce qui pourrait faciliter l’introduction d’amendements futurs, en calmant le débat de fond et en améliorant les possibilités d’une issue favorable.
Cependant, tous les États membres ne sont peut-être pas disposés à ce stade à placer leur politique énergétique sous une structure véritablement suprana- tionale. La multitude d’intérêts en jeu, la complexité croissante de la prise de décision et les attentes divergentes quant au degré d’intégration peuvent en effet conduire un groupe limité d’États membres à passer à un degré plus élevé d’inté- gration différenciée. Considérant que la signature d’un véritable traité énergétique est attrayante dans le sens où cela permettrait de réaliser une politique énergé- Risque d’aggraver
l’approche fragmentée et autres points faibles
Créer un espace de régulation européen de l’énergie intégré et régi par des institutions capables de fournir des solutions efficaces
trois questions juridiques principales développées ci-dessus.
La première question concerne le rapport avec le cadre institutionnel existant. Là où l’Union jouit d’une compétence exclusive et où elle exerce ses pouvoirs, comme dans le domaine du marché intérieur, les États membres ne sont plus libres de conclure des traités internationaux comme ils l’entendent, même si ces traités pour- suivent des objectifs qui ne sont pas incompatibles avec ceux poursuivis par l’Union. Une solution pourrait être de placer le nouveau traité sous
la structure actuelle de l’Union comme c’était le cas jadis pour le Traité CECA et comme c’est toujours le cas avec le Traité Euratom. Un tel traité permettrait ainsi de remplir le vide institutionnel laissé par l’ancien Traité CECA en 2002. Le nouveau traité résoudrait le rapport avec le cadre insti-
tutionnel existant en permettant aux États membres participants de s’appuyer sur les structures institutionnelles existantes. Les institutions européennes dévelop- peraient la nouvelle politique énergétique et l’appliqueraient aux États membres
participants. Ceci permettrait aux institutions existantes d’assurer une certaine
cohérence entre la politique énergétique plus ambitieuse développée en vertu du nouveau traité, d’une part, et la politique énergétique existante développée sur la base de l’article 194 du TFUE, et de toute autre politique de l’Union, d’autre part.
Il pourrait également être envisagé de transformer le Traité Euratom et l’étendre
à d’autres matières. Mais cette option est moins séduisante et plus pesante que celle consistant à combler le vide laissé par le Traité CECA par un traité énergé- tique « à part entière ». Premièrement, le Traité Euratom s’applique obligatoire- ment à tous les États membres. La transformation de ce Traité en traité énergétique « global » exigerait donc non seulement le consentement de tous les États membres pour la conclusion de ce nouveau traité, mais elle obligerait également chacun des 27 États membres à participer à ce nouveau Traité Euratom. Deuxièmement, une révision intégrale du Traité Euratom pourrait bien ne pas s’avérer aussi simple qu’il n’y paraît. Ceci n’a jamais été fait auparavant. Troisièmement, on peut également remettre en cause l’opportunité d’une refonte complète du Traité Euratom. Si l’opération est couronnée de succès, alors les États membres pourraient tout aussi
De placer le nouveau traité sous la structure actuelle de l’Union comme c’était le cas jadis pour le Traité CECA
bien modifier le Traité de Lisbonne. En revanche, si c’est un échec, le processus
d’amendement pourrait briser le consensus fragile existant en matière d’énergie
nucléaire et conduire à l’abolition du Traité Euratom qui ne serait alors pas remplacé par un traité modernisé.
La deuxième question qu’il convient d’aborder concerne les relations entre les États qui concluent le traité et ceux qui n’y souscrivent pas. Les nouvelles règles ne doivent pas nécessairement être contraignantes pour tous, mais elles devraient être accessibles à tous. Suivant l’exemple de l’Union monétaire, certains États membres pourraient choisir d’y adhérer ou de ne pas y adhérer. De même, le nouveau traité spécifierait également les droits et obligations pour les États membres participants et ceux qui ne participent pas. Le fait que la participation apporte certains avantages, par exemple concernant l’accès partagé aux ressources naturelles ou aux technologies développées conjointement, ne signifie pas nécessairement que ces avantages devront être prolongés, conformément à l’article 18 du TFUE relatif aux règles de non-discrimination, aux États membres qui ne se sont pas engagés.
La troisième question se rapporte à la portée du nouveau traité. Ce nouveau traité
pourrait trouver son inspiration dans le mécanisme déjà mis en place en 1951 par le Traité de Paris. Il y aurait néanmoins plusieurs différences avec l’ancien Traité CECA. Premièrement, la portée du nouveau traité devrait être différente : elle devrait être aussi ouverte que possible afin d’être flexible et réceptive aux nouveaux dévelop- pements technologiques susceptibles de libérer l’Europe des contraintes énergétiques actuelles. Ceci signifie qu’il faudrait faire attention à ne pas rendre le cadre du traité trop dépendant d’une liste statique de produits et de technologies.
Deuxièmement, le nouveau traité devrait revêtir une dimension extérieure claire.
Le pouvoir extérieur de l’Europe est non seulement nécessaire pour des raisons de sécurité d’approvisionnement, mais plus largement pour rallier autant de par- tenaires commerciaux que possible à la cause d’une politique énergétique acces- sible, durable et sûre sur une base pacifique. Enfin, une procédure judiciaire Les nouvelles règles
ne doivent pas nécessairement être contraignantes pour tous, mais elles devraient être accessibles à tous
Aussi ouverte que possible afin d’être flexible et réceptive aux nouveaux développements technologiques
membres de solliciter un arrêt de la Cour européenne de justice sur la portée précise du nouveau traité.
D’autres options sont imaginables, mais sont susceptibles de soulever des questions institutionnelles complexes et insurmontables. Par exemple, la création d’une structure institutionnelle entièrement nouvelle parallèlement à la structure de l’Union européenne engendrerait des doublons coûteux et probablement inef- ficaces. Sur un plan juridique, la signature d’un nouveau traité énergétique paral- lèlement au Traité de l’Union reviendrait à conclure un accord mixte impliquant les compétences nationales et celle de l’Union. L’Union devrait alors devenir membre du nouveau traité. Plus important, force est de se demander si la Cour de justice des Communautés européennes approuverait la création d’une structure alterna- tive de ce type. Dans l’hypothèse où elle porterait atteinte au marché intérieur et à d’autres dispositions principales de la législation de l’Union européenne, sa mise en œuvre parallèlement aux structures instituées par le Traité de l’Union pourrait être perçue comme affectant les bases constitutionnelles de l’Union.
Enfin, cette approche doit néanmoins tenir compte des limites politiques actuelles. Dans un monde régi par de nouvelles forces et différentes réalités géopolitiques, beaucoup d’Européens peuvent être tentés d’abaisser leurs ambitions en faveur d’un repli national à court terme et d’une attitude défensive, voire protectrice. Ceci signifie qu’il faudrait envisager d’autres instruments que celui d’une révision des traités à grande échelle afin d’obtenir des résultats efficaces pour le plus grand nombre possible de mesures indispensables.
3.2.4. Option 4 – Accords fonctionnels et/ou régionaux :