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Des trois OIG, c’est la Banque mondiale qui tient le discours qui semble le plus optimiste en 2003. Elle reprend l’idée mise de l’avant l’année précédente au sujet du facteur institutionnel, en faisant le lien avec l’un des leitmotive de son discours depuis le début des années 1990, celui de la lutte contre la pauvreté. Selon la Banque mondiale, en effet, «c’est l’intégration des pauvres et des déshérités qui rendra possible l’émergence d’institutions plus efficaces» (BM, 2003 : xiii). Les «institutions» sont d’ailleurs créditées de plusieurs vertus et potentialités : coordination des intérêts aux niveaux national et international, allocation plus équitable des ressources, interventions plus efficaces… Sur un autre plan, l’OIG met en garde contre les limites d’une conception à courte vue de la croissance économique. La «productivité» et la création de «possibilités» devraient l’emporter sur la «quête du profit et des avantages immédiats». Le thème de l’«intégration»21 (par opposition au phénomène de l’exclusion) prend également une place plus importante qu’auparavant dans le discours de la Banque mondiale. L’État, soutient-on, a un rôle important à jouer dans tout cela puisque «c’est souvent au niveau national qu’il est possible d’équilibrer les intérêts en jeu» (BM, 2003 : xx). Force est de constater que le discours que tient la Banque mondiale en 2003 colle de moins en moins à l’idée que s’en font ses détracteurs ou, du moins, ceux qui reprochent à l’organisme de s’en tenir à une vision étroitement libérale et orthodoxe du développement international.

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Habitué à discourir sur le thème des «opportunités», le PNUD laisse à la Banque mondiale, en 2003, le soin de réfléchir sur le sujet. Le PNUD préfère quant à lui s’attarder sur une réalité qui, a priori, fait moins plaisir à regarder. Il propose en effet d’analyser les «causes premières de l’échec du

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Dans certains contextes, le mot «insertion» peut aussi trouver sa place dans le discours de la Banque mondiale en 2003. Nous n’irons cependant pas plus loin dans cette voie où se mélangent des considérations d’ordre à la fois sociologique et linguistique (sémantique et, sans doute, traduction de l’anglais au français).

développement» en faisant d’abord le constat que la décennie précédente a été «désespérante […], plus de 54 pays sont aujourd’hui plus pauvres qu’en 1990» (PNUD, 2003 : 2). Il invite par conséquent l’État, la société civile et la communauté internationale à s’approprier les Objectifs du Millénaire :

Les gouvernements des pays pauvres et riches, ainsi que les institutions internationales, devraient commencer par se demander quels sont les moyens nécessaires pour réaliser les Objectifs, plutôt que d’accepter que ce soient les ressources limitées qui y sont actuellement affectées qui déterminent le rythme du développement. (PNUD, 2003 : 5)

Et le PNUD, en s’adressant plus spécifiquement aux pouvoirs publics, y va même de suggestions…

[…] investir rapidement et de manière ambitieuse dans les services d’éducation et de santé; augmenter la productivité des petits exploitants agricoles; améliorer l’infrastructure de base; élaborer une politique de développement industriel; promouvoir la gouvernance démocratique et les droits de l’Homme [et] veiller au respect de l’environnement [et] à une saine gestion de l’urbanisme. (PNUD, 2003 :

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… et de propositions visant la communauté internationale, par exemple : «une aide plus abondante, et plus efficace; de nouveaux modèles d’allègement de la dette; un accès aux marchés élargi, propice à une diversification et à une expansion des échanges; un meilleur accès aux progrès technologiques mondiaux» (PNUD, 2003 : 12). S’adressant plus précisément aux pays les plus développés, il les invite à tenir leurs «promesses», ce que sont, dans les faits, aussi bien la Déclaration du Millénaire que le Consensus de Monterrey.

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Le nouveau Président du CAD partage les inquiétudes du PNUD. Se référant aux objectifs proposés par son organisme en 1996 et repris en bonne partie par l’ONU, il constate que la réduction de la pauvreté est le seul qu’il reste encore possible d’atteindre, et ce, en raison des performances des pays asiatiques, performances qui ne sont d’ailleurs pas clairement attribuables à l’aide internationale.

Les thèmes sur lesquels met l’accent le rapport annuel du CAD en 2003 sont maintenant bien connus puisqu’ils ont été abordés par l’organisme à de nombreuses reprises au cours des années précédentes : principalement la cohérence et l’efficacité de l’aide internationale. Pour ce qui est de la cohérence, le Président du CAD appelle d’abord à un meilleur dialogue, particulièrement après l’échec des récentes négociations à Cancun (surtout en matière de subventions à l’agriculture). Ce dialogue devrait s’étendre à l’ensemble des acteurs concernés par le développement, par exemple la société civile et les parlementaires. Le déficit de cohérence affecte cependant les efforts déployés par les pouvoirs publics des pays industrialisés eux-mêmes car «diverses études montrent que le coût de certaines politiques

des pays de l’OCDE qui ont des effets néfastes pour les pays en développement est largement supérieur à celui de l’effort global de coopération» (CAD, 2003 : 14).

Sur le thème de l’efficacité, le Président du CAD rappelle – comme le fait aussi la Banque mondiale - que les efforts les plus fructueux sont ceux qui viennent appuyer les initiatives locales dans les pays disposant d’un cadre macro-économique sain et d’«institutions compétentes». Il insiste néanmoins sur la nécessité de ne pas «abandonner à leur sort les États les plus fragiles et moins bien armés» (CAD, 2003 : 16). Bref, on ne retrouve guère, dans le discours que tient le Président du CAD en 2003, l’optimisme qui teintait le discours de son prédécesseur en 2002. L’échec des négociations commerciales de Cancun (2003) semble avoir mis du plomb dans l’aile aux espoirs suscités par la Conférence de Monterrey en 2002.