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Selon l'article 26 Cst.6, la propriété est garantie et une pleine indemnité est due en cas d'expropriation ou de restriction de la propriété qui équi-vaut à une expropriation. Comme tout droit fondamental, la propriété ne peut être restreinte qu'aux conditions de l'article 36 Cst.; la restric-tion doit donc reposer sur une base légale, en particulier sur une loi au sens formel si la restriction est grave, être justifiée par un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité. En matière d'expropria-tion formelle, l'article 1, alinéa 1, de la loi fédérale sur l'expropriad'expropria-tion du 20 juin 1930 (LEx) 7 précise que cet intérêt public consiste en des tra-vaux qui sont dans l'intérêt de la Confédération ou d'une partie consi-dérable du pays, ainsi que pour d'autres buts d'intérêt public reconnus par une loi fédérale.

La situation est similaire en droit genevois. L'article 6 de la Constitution de la République et canton de Genève du 24 mai 1847 (Cst./GE) 8 af-firme l'inviolabilité de la propriété (al. 1) tout en précisant que la loi peut exiger, dans l'intérêt de l'Etat ou d'une commune, l'aliénation d'une pro-priété immobilière, moyennant une juste et préalable indemnité (al. 2).

Dans cette hypothèse, selon cette norme constitutionnelle, l'utilité pu-blique ou communale est déclarée par le pouvoir législatif et l'indemnité fixée par les tribunaux.

L'article 1 de la loi genevoise sur l'expropriation pour cause d'utilité pu-blique du 10 juin 1933 (LEx/GE)' concrétise la règle constitutionnelle en affirmant que le droit d'expropriation pour cause d'utilité publique peut être exercé pour des travaux ou des opérations d'aménagement qui sont dans l'intérêt du canton ou d'une commune et dans la mesure nécessaire pour atteindre le but poursuivi. Il reprend ainsi les exigences découlant de l'article 36 Cst. La LEx/GE est la base légale formelle de l'expropria-tion. L'intérêt public requis est la réalisation des travaux ou opérations visées à l'article 1 LEx/GE et le principe de la proportionnalité doit être

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101).

7 RS 71l.

RS/GE A 2 00.

, RS/GE L 7 05.

La déclaratÎon d'utilité publique à Genève

respecté. Ce dernier signifie que l'expropriation peut s'érendre à rout ce qu'exige, tant du point de vue juridique que technique, l'exécution adé-quate des travaux ou des opérations justifiant la mesure. Par ailleurs, la règle de la nécessité impose à la collectivité de justifier son choix en démontrant que, dans le périmètre envisageable pour les travaux ou les opérations justifiant l'expropriation, les terrains choisis se prêtent effec-tivement de manière adéquate à l'affectation prévue 10.

Dans le canton de Genève, l'utilité publique existe selon les articles 1, alinéa 1 et 3 LEx/GE si, d'une part, l'objectif est la réalisation d'un tra-vail, d'un ouvrage déterminé, d'une opération d'aménagement ou d'une mesure d'intérêt public et, d'autre part, cet objectif est dans l'intérêt du canron ou d'une commune.

JI ressort de ces éléments que la clef de l'expropriation est l'existence d'un intérêt public particulier justifiant tant la mesure elle-même que son étendue. JI doit s'agir d'un intérêt public particulièrement impor-tant. Cet intérêt est le fondement de l'utilité publique. Cette dernière n'est qu'un intérêt public qualifié en raison de sa reconnaissance comme tel, soit par le Conseil fédéral au plan fédéral, sous réserve d'une dispo-sition particulière de la législation fédérale (art. 3, al. 1 LEx), soit par le législateur dans le canton de Genève.

Selon l'article 3 LEx/GE, le législateur genevois adoptera ainsi une loi décrétant soit de manière générale l'utilité publique et appliquant aux travaux, ouvrages ou mesures envisagées les dispositions légales sur l'expropriation (let. b), soit de manière ponctuelle l'utilité publique et désignant les immeubles ou les droits dont la cession est nécessaire, sous réserve d'une spécification plus complète par le Conseil d'Etat dans l 'ar-rêté décrétant l'expropriation (let. a).

La législation genevoise comporte plusieurs lois déclarant, de manière générale, l'utilité publique d'une opération d'aménagement ou d'un équipement, par opposition à la constatation de l'utilité publique d'un projet figurant dans une loi particulière, adoptée de façon ponctuelle par le Grand Conseil, pour un ouvrage déterminé; parmi les lois d'uti-lité publique de portée générale à disposition des collectivités publiques.

L'article 9, alinéa 1 de la loi sur les routes du 28 avril 1967 (LRoutes) I l

tO ATF 114/1988 la 114, 120 et 124, B. et consorts.

Il RS/GE L 1 10.

prévoit ainsi que l'aliénation de toutes les emprises nécessaires à la réa-lisation ou l'élargissement des voies publiques est déclarée d'utilité pu-blique. En conséquence, selon cette norme, toute acquisition d'emprises ou réservation de terrain, ainsi que toute fixation d'indemnité qui n'a pas lieu de gré à gré, sont soumises aux dispositions relatives à l'ex-propriation pour cause d'utilité publique. Cette norme déclare de ma-nière générale d'utilité publique tous les travaux concernant les voies publiques, ce qui évite à l'autorité concernée de saisir le Grand Conseil d'un projet de loi particulier si une expropriation parait nécessaire.

Cette approche a le double effet de reconnaître l'importance particu-lière de la réalisation ou de l'agrandissement des voies publiques et de vivement inciter les propriétaires concernés à trouver un accord amiable avec la collectivité publique vu le risque de subir une expropriation. Ce d'autant plus que l'article 9, alinéa 2 LRoutes fixe un régime de calcul des indemnités défavorable aux propriétaires en cas d'élargissement des routes existantes en limitant l'indemnité d'expropriation au m2 des em-prises nécessaires à au plus 50% de la valeur vénale, au m', du terrain dont elles sont détachées.

Sont également déclarés par avance d'utilité publique, la réalisation des équipements et de l'infrastructure prévus aux plans et aux règlements directeurs ou aux plans localisés de quartiers, de même que celle de tous les immeubles compris dans les zones de développement industriel, au fur et à mesure de leur mise en valeur 12, l'exécution de travaux de correc-tion et d'ouvrages de proteccorrec-tion des cours d'eau 13, l'établissement des ré-seaux d'égouts et des installations prévues au plan cantonal et régional!' ou encore l'acquisition d'immeubles pour permettre la construction de logements sociaux L<.

Les déclarations ponctuelles d'utilité publique portent, quant à elles, sur des projets particuliers et font l'objet d'une loi spécifique. Elles

im-12 Art. 8 de la loi générale sur les zones de développement industriel du 13 décembre 1984 (lGZDI - RS/GE l 1 45).

!3 Art. 19, al. 3 de la loi sur les eaux du 5 juillet 1961 (lEaux/GE - RS/GE L 2 05).

14 Art. 62 LEaux/GE.

15 Art. 7 et 8 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 dé-cembre 1977 (LGL - RS/GE 1 4 05).

La déclaration d'utilité publique à Genève

pliquent donc un examen approfondi des circonstances particulières du cas par le législateur".

L'utilité publique apparait ainsi comme le moyen d'identifier un intérêt public suffisamment. important pour justifier une forte atteinte à un droit constitutionnel. Cette approche peut être transposée aux autres formes d'utilité publique. A chaque fois, la reconnaissance de l'utilité publique est l'admission de l'existence indiscutable d'un intérêt public et, simul-tanément, l'identification de cet intérêt comme ayant une grande im-portance pour l'accomplissement d'une tâche ou d'une politique. Nous allons le mettre en évidence au travers de l'exposé des différentes formes d'utilité publique dans le canton de Genève.

B. L'utilité publique en matière d'aménagemem 1. L:utilité publique dans les zones de construction

En droit genevois, l'affectation des zones à bâtir est déterminée par l'article 19 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT) 17, qui identifie neuf secteurs. Les zones 1 à 3 sont destinées aux grandes maisons affectées à l'habita-tion, au commerce et aux autres activités du secteur tertiaire. La dis·

tinction entre ces trois zones est liée à leur localisation géographique qui ent.raÎne des contraintes différentes en matière de construction. La zO'le 4 est partagée en deux parties, un secteur urbain, la zone 4A, et un secteur rural ou villageois la zone 4B. Cette zone est affectée prin-cipalement à des petits bâtiments d'habitation, comportant normale-ment plusieurs logenormale-ments. Des villas individuelles ne sont pas admises.

La zone 5 est destinée exclusivement aux villas. Les zones industrielles et artisanales sont vouées aux «constructions industrielles, artisanales et ferroviaires ». La zO'le ferroviaire est destinée principalemem à la réalisation de constructions ferroviaires et, notamment l'installation de voies de chemin de fer. La zone aéroportuaire est limirée à l'aéroport et ses environs. Elle est traitée comme une zone industrielle avec une af-fectation particulière. Enfin, des zones mixtes peuvent être créées pour

16 Voir, par exemple, la loi 10324 dédarant d'uriliré publique l'ouvrage d'évacua-tion des eaux usées dit «Galerie de Choully»: IUlUw.ge.ch/gra"dconseil/data/

loisvotceIL10324.pdf.

17 RS/GE L 1 30.

tenir compte de besoins spécifiques" d'équipements publics ou d'acti-vités ayant un caractère commercial et exploités sur des surfaces à ca-ractère industriel. Toutes ces zones peuvent être ordinaires ou de déve-loppement. La différence entre les premières et les secondes est que ces dernières sont soumises à un régime légal particulier qui donne à l'Etat un très grand pouvoir de contrôle sur l'utilisation du sol, tant au niveau de son affectation que de son prix, à l'intérieur de celles-ci".

Les biens-fonds compris dans les zones 1 à 5, ainsi que dans les zones industrielles et artisanales, peuvent être inclus dans une zone de déve-loppement affectée à de l'équipement public soit à des constructions, autres q uc du logement, nécessaires à la satisfaction des besoins exis-tants ou futurs d'équipement de l'Etat, des communes, d'établissements ou de fondations de droit public (art. 30A, al. 1 LaLAT). Dans une telle zone, l'article 30A, alinéa 4 LaLAT autorise le Grand Conseil à déclarer d'utilité publique dans la loi de déclassement l'acquisition de tout ou partie des biens-fonds compris dans le périmètre concerné.

Le Grand Conseil a également la faculté de déclarer d'utilité publique la réalisation des infrastructures dans une nouvelle zone sur la base de l'article 3 LEx/GE'°. Il n'est dans ce cas ni limité par le type de zone en cause, ni pas l'objet ou l'étendue de l'expropriation, dans le respect des règles générales gouvernant celle-ci. Dans ce cas, la déclaration d'utilité publique a également un effet procédural. I.:article 148 de la loi sur les constructions et installations diverses du 14 avril 1988 (LCI) II prévoit que le recours dirigé contre une autorisation définitive concernant un ouvrage déclaré d'utilité publique par le Grand Conseil n'a pas d'effet suspensif, à moins qu'il ne soit restitué sur requête du recourant. En conséquence, non seulement l'utilité publique rend possible l'acquisition des terrains à une construction d'intérêt publique, comme une école, mais elle permet en principe l'accélération de la construction avec le retrait de l'effet suspensif.

!8 ATF 129/2003" 321, 326, Michael B.

19 Voir la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - RSI GE L 1 35) et la LGZDI.

20 ATA/GE du 6 avril 2004 (ATA/286/2004), confirmé par l'ATF du 31 mai 2005 (1 A.124/2004 et IP.302/2004).

II RS/GE L 5 05.

~,

La déclaration d'utilité publique à Genève

De même, dans les zones de développement industriel, l'article 8 LGZDI, déclare d'utilité publique au sens de la LEx/GE l'acquisition de tous les immeubles ou droits nécessaires à la réalisation des équipements et de l'infrastructure prévus aux plans et aux règlements directeurs ou aux plans localisés de quartier ainsi que de tous les immeubles compris dans la zone de développement industriel, au fur et à mesure de sa mise en valeur. Selon l'article 9 LGZDI, ce droit ne peut être exercé à l'encontre d'entreprises industrielles que dans deux conditions cumulatives. Il faut, d'une part, que la mesure soit nécessaire à l'aménagement ou à J'uti-lisation rationnelle de la zone (let. al et, d'autre part, que l'entreprise industrielle n'ait pas réalisé, dans un délai de cinq ans à compter de la date où elle a acquis le terrain, un projet de construction approuvé par le département ou qu'elle laisse des bâtiments inutilisés durant cinq ans au moins (let. bl 22.

2. Les plans localisés

Les plans localisés de quartier ont pour objet d'assurer, tant dans les zones de déveJoppementlJ que dans les zones ordinaires", un dévelop-pement harmonieux des voies de communication et des quartiers». Ils déterminent l'affectation du sol à l'échelle d'un quartier, de quelques parcelles, voire d'un seul immeuble. Ces plans prévoient notamment le tracé des voies de communication, le périmètre d'implantation, le ga-barit et la destination des bâtiments à construire, les espaces libres, les places de parc et les garages". Ainsi que, souvent, l'indice d'utilisation du sol à l'intérieur de leur périmètre.

Ces plans prévoient les éléments de base du programme d'équipement à l'intérieur de leur périmètre, soit le tracé des voies de communica-tion projetées et les modificacommunica-tions à apporter aux voies existantes, ainsi

2l Voir un cas d'application à l'ATF du 2 iuin 2008 (lC.2S0/2007), A. et B., c. 3.2.

que les alignements le long ou en retrait de ces voies, de même que, notamment les conduites d'eau et d'énergie ainsi que les systèmes d'as-sainissement des eaux usées et pluviales nouveaux ou existants 27. Pour garantir leur réalisation, l'aliénation des droits et immeubles nécessaires à la réalisation de ces éléments est déclarée de manière générale d'utilité publique au sens de l'article 3, lettre b LEx/GE". De plus, pour tenir compte des situations particulières dans lesquelles des propriétaires du périmètre seraient empêcher de réaliser des constructions en raison de l'impossibilité de réaliser les équipements requis sur des fonds de tiers, il est prévu que ces propriétaires peuvent demander au Conseil d'Etat de décréter l'expropriation à leur profit, selon les modalités prévues par les articles 30 et suivants LEx/GE29.

En outre, dans la mesure où l'aliénation des terrains ne suffirait pas, l'article 9 LExt prévoit que la réalisation des voies de communication et des équipements publics prévue par un plan localisé de quartier en zone ordinaire peut être déclarée d'utilité publique par le Grand Conseil, conformément à l'article 3, lettre a, LEx/GE. Dans ce cas, cette déclara-tion emporte également l'applicadéclara-tion de l'article 148 LCI.

3. Les servitudes

a. Le principe de l'expropriation

Une servitude de droit privé restreignant les possibilités de construire n'a pas de portée par rapport aux normes de droit public régissant l'adop-tion de plans localisés de quartier ou la délivrance des autorisal'adop-tions de construire. Les plans sont adoptés ou les autorisations délivrées exclusi-vement sur la base des normes de droit public, sans tenir compte d'éven-tuelles servitudes de droit privé, qui ne lient que les propriétaires des fonds concernés. Sous l'angle du seul droit public, une servitude n'em-pêche pas le propriétaire de commencer les travaux visés par une auto-risation de construire en force JO • En revanche, dans l'optique du droit privé, dans l'hypothèse où la construction d'un ou plusieurs bâtiments

27 Act. 3, al. 2 LExt et LGZD.

28 Act. 3, al. 6 LExt et LGZD.

29 Act. 3, al. 6, seconde phrase LExt et LGZD.

30 ATAIGE du 29 avril 2008 IATA/200/2008), c. 8; ATAIGE du 19 juin 2007 (ATA/320/2007), c. 6.

La déclaration d'utilité publique à Genève

débuterait, le propriétaire d'une servitude restreignant les possibilités de construire sur un fonds voisin entravée par la réalisation de ce ou ces bâtiments sur ledit fonds pourrait s'y opposer par une action civile en cessation de trouble à l'encontre du propriétaire du fonds servant. Une telle action est prévue par l'article 737 CC" qui permet également l'oc-troi de mesures provisionnelles en faveur du propriétaire du fonds do-minant provoquant le blocage des travaux. 11 y a donc une dissociation complète entre le régime de droit public concernant les plans localisés de quartier et les autorisations de construire, d'une part, et celui des servitudes de droit privé restreignant les possibilirés de construire sur une parcelle, d'autre part.

Du point de vue du droit public, le seul moyen d'empêcher l'exercice d'une telle servitude est d'obtenir son expropriation en vertu des ar-ticles 6A LGZD Ou 7 LExt qui ont la même teneur. Selon ces disposi-tions, afin d'éviter les effets de servitudes de restriction à bâtir, le Grand Conseil peut déclarer d'utilité publique la réalisation d'un plan localisé de quartier pour autant qu'au moins 60% des surfaces de plancher, réa-lisables selon ce plan, soient destinés à l'édification de logements d'uti-lité publique au sens des articles 15 et suivants LGL.

La déclaration d'utilité publique, votée sous la forme de loi par le Grand Conseil J2, s'applique uniquement à la levée des servitudes de restric-tion à bâtir. Elle ne peut pas avoir d'autre objet. L'article 6A LGZD est donc un moyen efficace d'obtenir la levée de servitudes de restriction à bâtir en dépit du fait que la procédure permettant d'obtenir l'applica-tion de cette disposil'applica-tion est relativement lourde. L'élément déterminant pour son application est l'identification des servitudes visées par cetre norme. Il convient donc d'interpréter les termes «servitudes de restric-tion à bâtir».

'1

Code civil suisse du 10 décembre 1907 (RS 210).

32 Dans un tcl cas, la procédure à suivre est déterminée par la LEx/GE. Il appartient au Conseil d'Etat de saisir le Grand Conseil d'un projet de loi déclarant d'utilité publique l'expropriation des servitudes au motif de la réalisation de travaux de construction d'intérêt public au sens des arr. 1 et 3, al. 1, let. b LEx/CE. Le Grand Conseil examine ensuire le projet conformément à la procédure législative ordi-naire. L'exproprié peut s'opposer à l'expropriation, requérir une indemnité pour le préjudice qu'elle lui cause, voire exiger une expropriation totale.

b. La portée du droit d'exproprier

Selon le Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Cette interprétation littérale permet de déterminer si le texte lé-gal est absolument clair ou si plusieurs interprétations sont possibles.

Dans la première hypothèse, si l'analyse littérale et grammaticale du texte aboutit à un résultat univoque, ce sens prévaut. Il est possible de s'en écarter uniquement pour des motifs pertinents, notamment si les autres méthodes d'interprétation démontrent que ce sens ne correspond pas au but véritable de la norme. Un tel motif peut découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systé-matique de la loi 33. A l'inverse, si le texte de la norme légale n'est pas absolument clair, en particulier si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il faut rechercher la véritable portée de la règle en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions par l'interprétation systématique du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé, par l'interprétation téléologique, ainsi que de la volonté de son auteur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires au moyen de J'in-terprétation historique". Nous allons appliquer ces principes pour ana·

lyser les mots « servitudes de restriction à bâtir".

L'interprétation littérale impose d'examiner un texte légal au regard des données lexicales et grammaticales usuelles35

La servitude est une charge qui grève un immeuble (fonds servant) au profit d'un autre immeuble (fonds dominant) appartenant à un proprié-taire différent 36 • Cette définition générale de la langue française cor-respondant au sens juridique du terme en droit suisse. Une «restric-tion" est une condition ou modification qui réduit à des limites plus étroites 37. Le fait de «bâtir" est celui d'élever une construction sur le sol. En conséquence, s'il y a une «restriction à bâtir", c'est une limi-tation des possibilités d'élever une construction sur le sol. Lorsqu'elle prend la forme d'une «servitude", cette limitation est une charge

gre-33 ATF 129/2003 V 283, 284-285, Winterthur Assurances, Société Suisse d'Assu-rances SA.

34 ATF 129/2003 V 258/263-264, H.

35 PIERRE MOOR. Droit administratif, vol. 1. 2ème éd., Berne, 1994, p. 142.

36 Le Petit Larousse 2010, Paris, 2009, p. 936.

37 Le Petit Larousse 2010, Paris, 2009, p. 884.