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PARTIE I LES DONNÉES DES RADARS POLARIMÉTRIQUES ET LEUR

7. Notions de physionomie végétale

7.1. Niveaux de perception du SCMHQ et compatibilité avec les données radar

Les cinq premiers niveaux de perception du SCMHQ (Tableau 5.4-1) permettent de distinguer les milieux humides par l’intermédiaire des processus écologiques qui déterminent leur formation et leur évolution : système, habitat, forme, sous-forme et biotope. Chacun de ces niveaux peut être perçu comme un niveau de classification allant du général au particulier dans lequel il est possible d’insérer une classification des types de milieux humides. Les deux premiers niveaux (système et habitat) sont trop généraux pour permettre une classification intéressante des milieux humides en plus d’être faiblement liés à des caractéristiques du milieu mesurables par les radars. Les troisième et quatrième niveaux de perception (forme et sous-

forme) sont représentables à des échelles cartographiques situées entre 1: 5000 et 1: 20 000 ce qui est compatible avec la résolution spatiale des données radar utilisées dans cette recherche d’une dizaine de mètres. Par contre, chaque sous-forme (et forme) correspond à un assemblage plus ou moins hétéroclite de biotopes si bien qu’ils ne peuvent être correctement classifiés que si les biotopes sont à leur tour correctement identifiés.

Les biotopes, qui représentent le 5e niveau de perception selon le SCMHCQ, appelés structures par Rydin et Jeglum (2006), ou microforme par Ivanov (1981) ou encore habitat par Gauthier (2001), représentent l’influence de la topographie locale (Rydin et Jeglum, 2006) sur le type de végétation que l’on y retrouve. Ils sont également associés à des facteurs d’humidité qui contrôlent le type de végétation selon divers gradients de végétation. Les biotopes occupent une aire géographique relativement restreinte et un biotope particulier est soumis à des conditions édaphiques relativement constantes ou cycliques (Gauthier, 2001).

À titre d’exemple, il existe quelques biotopes de base (mare, lanière, platière, butte, plateau, talus, dépression…) dont l’assemblage et l’alternance (c.-à-d. le patron spatial) permettent de définir différentes sous-formes et formes des tourbières (Figure 5.4-5). Le profil topographique de la Figure 7.1-1 donne un exemple des divers biotopes et des physionomies de végétation associées.

Figure 7.1-1 : Représentation des divers biotopes d’une tourbière

Source : Gauthier (2001), fig.3.6, p.108

La butte est un biotope surélevé qui correspond à un monticule de tourbe s’élevant généralement à 20 ou 30 cm ou davantage au-dessus de la partie basse (dépression) de la tourbière. La platière humide consiste en une surface de végétation uniforme et plate qui entoure les mares d’eau libre. Le tapis est un biotope plat et mouillé situé dans une mare de tourbière ou à sa périphérie. La nappe phréatique atteint le niveau du capitulum des mousses et

100 est visible autour des tiges de mousses. Finalement, la magnocariçaie est une formation herbeuse dominée par les Carex de grande taille.

Les biotopes pourraient offrir une approche intéressante à la classification des milieux humides par radar si c’est possible de combiner la reconnaissance des physionomies végétales, avec la détection de l’état de l’humidité ainsi que la perception de la troisième dimension. Par exemple, comment différencier une platière d’un tapis si ce n’est que par la reconnaissance des physionomies végétales qui leur sont associées (Figure 7.1-1) ou comment identifier facilement les butes sans la perception de la troisième dimension. Avec des images monoscopiques, leur reconnaissance n’est possible que dans des cas spécifiques comme les tourbières structurées. En effet, certains biotopes comme les mares et autres surfaces d’eau libre seront facilement identifiables qu’importe le type de capteur utilisé pour peu que la résolution spatiale soit suffisante. L’alternance entre les surfaces d’eau libre et les différents biotopes (qu’importe leur nature) a conduit certains auteurs (Racine et al., 2005; Demers, 2005) à utiliser la texture pour classifier les types de tourbières sur des images radar (chapitre 6). Par contre, ni les bogs ni les fens ne possèdent l’exclusivité d’un biotope ou d’une morphologie en particulier et une classification basée sur ce critère ne peut avoir qu’une portée régionale16.

Compte tenu des caractéristiques des images radar (influence de la structure du couvert végétal plutôt que des espèces, humidité), il est évident que les physionomies végétales constituent un angle privilégié pour aborder le problème de la classification des milieux humides. De plus, l’échelle de perception des physionomies végétale (6e niveau du SCHMQ) est compatible avec la résolution spatiale des images RSOPOL (Tableau 5.4-1). Il y a une autre raison pourquoi les physionomies végétales constituent selon nous l’élément de base dans le cas de données radar, ce sont les opérations de suivi de l’état des milieux humides.

Le biotope est caractéristique de la somme des équilibres à l’échelle locale (conditions édaphiques, nutriments, physionomies végétales) (Figure 7.1-2). Une rupture de cet équilibre entraînera une modification du biotope puis à moyen ou long terme une modification de la

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C'est-à-dire que, si pour une région donnée, les fens et les bogs se caractérisent par des morphologies qui diffèrent.

sous-forme et de la forme du milieu humide. Le suivi des milieux humides implique la détection des changements qui ne se traduisent nécessairement pas par une modification abrupte du type ou sous-type de milieu humide. À moins d’une modification brusque des conditions environnementales, les changements sont graduels et correspondent à une échelle temporelle beaucoup plus longue17 que les cycles de 2 à 5 ans demandés pour la mise à jour des inventaires tel que mentionné en introduction. À moins d’un changement catastrophique (brusque), un ajustement du type de physionomie végétale à une modification de l’équilibre local se fera à une échelle temporelle plus courte que celle du biotope, donc plus propice au suivi.

Figure 7.1-2 : Relations entre le climat régional, les biotopes et la physionomie végétale Cette position centrale des physionomies végétales comme élément représentatif des équilibres dans un milieu humide est soulignée dans Jeglum et al. (1974) “Physiographic features of

wetlands are complex and subtle, and it is often difficult to devise physiographic gradients which define wetland types. Since the physiognomy and dominance patterns of vegetation express the resultant of all the transactions within a wetland ecosystem, we have used these vegetation patterns to define wetland types. Having defined our wetland types in this manner, we can add physiographic relationships, insofar as they are understood, to the wetland types as descriptive adjuncts (Jeglum et al., 1974)”.