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6.3 Niveau d’information

6.3.2 Niveau d’information sur l’état de la biodiversité

Le niveau d’information sur l’état de la biodiversité est d’une importance critique pour soutenir et orienter la prise de décision relative à la gestion du parc national (Danielsen et al., 2005b; Danielsen et al., 2008). Elle porte sur l’écologie des espèces fauniques et floristiques, le fonctionnement des processus écosystémiques et des réseaux trophiques, l’effectif des populations animales et les tendances des menaces respectives aux espèces (Brashares et Sam, 2005; Danielsen et al., 2008). Cette information peut être basée sur des données scientifiques empiriques ou encore sur le savoir écologique traditionnel. Elle peut être obtenue par des études scientifiques, des sondages auprès des parties prenantes et principalement par les programmes de suivi de la biodiversité (Dudley, 2008, Danielsen et al., 2008) .

Le programme de suivi est un outil essentiel pour assurer la gestion et le maintien de la diversité biologique des parcs nationaux (Danielsen et al., 2008). Il peut également déterminer les priorités de conservation et orienter les études scientifiques (Brashares et Sam, 2005). Il comprend la démarche méthodologique, la prise de données temporelles et spatiales, l’analyse des données et la prise de décision relatives aux mesures à adopter (Danielsen et al., 2005a). Toutefois, il est reconnu que l’implantation d’un programme de suivi de la biodiversité requiert des ressources humaines et financières importantes (Danielsen et al., 2005b). Dans les pays développés, les programmes de suivi sont réalisés à grande échelle par des experts ou encore des volontaires qualifiés (Danielsen et al., 2008). Les conditions des parcs nationaux des pays sous-développés sont bien différentes et les manques de ressources et d’expertise locale nuisent considérablement à l’efficacité des programmes de suivi. L’aide financière et l’expertise extérieure sont souvent de court terme et les programmes mis en place sont

généralement trop complexes pour les compétences locales (Poulsen et Luanglath, 2005). Il en découle des résultats peu fiables qui n’aident guère la prise de décision. Il est donc crucial pour les gestionnaires de ces parcs nationaux d’innover en implantant des programmes moins dispendieux, simple et efficace (Danielsen et al., 2005b).

Le mode de gestion participative peut influencer positivement l’efficacité des programmes de suivi des parcs nationaux dans les pays sous-développés et conséquemment, le niveau d’information sur l’état de la biodiversité (Danielsen et al., 2005a). Danielsen et al. (2008) soutiennent que l’intégration des communautés locales dans le programme de suivi peut se faire à plusieurs niveaux allant de la simple récolte de données jusqu’à l’entière responsabilité de gestion du programme. De plus, Schmeller et al. (2008) ont démontré que l’efficacité d’un programme de suivi est fortement corrélée avec le nombre de participants impliqués. Or, avec un support local favorable pour la conservation, l’intégration de la main-d’œuvre locale dans la collecte de données peut s’avérer une solution efficace et peu coûteuse. Dans une gestion participative plus avancée, c’est-à-dire de niveau E ou F (voir section 4.3) où les capacités sont renforcées, les parties prenantes peuvent également participer au design du programme, à l’analyse des données et à la prise de décision (Danielsen et al., 2008).

En 1992, le gouvernement Philippin a adopté une loi sur l’implantation du mode de gestion participative dans les aires protégées. En 1996, avec l’aide internationale, il a travaillé sur l’application de cette loi en développant un modèle de programme de suivi visant l’intégration des communautés locales pour l’ensemble des aires protégées. Pour chaque parc national, entre 10 et 15 taxons prioritaires et 5 à 10 signes d’extraction des ressources ont été sélectionnés par un comité formé des représentants des communautés et de l’autorité du parc. Les données ont été récoltées à chaque trois mois par les rangers et les membres des communautés locales sur une base volontaire. Les données ont ensuite été analysées par le comité et un rapport a été rédigé sur les changements notés et sur les interventions à implanter. Au total, entre 1998 et 2001, 97 rangers et près de 350 volontaires communautaires ont travaillé au sein des programmes de suivi et plus de 156 interventions ont pris place dans les

aires protégées des Philippines (Danielsen et al., 2005b). Ces interventions ont mené à la révision de plusieurs accords d’utilisation des ressources par les comités nouvellement formés. De plus, le niveau d’information obtenue sur l’état de la biodiversité a significativement amélioré les prises de décisions relatives au suivi de la biodiversité menant à des réponses rapides, précises et efficaces (Danielsen et al., 2008).

L’utilisation du savoir écologique traditionnel peut également améliorer le niveau d’information sur l’état de la biodiversité (Hunn et al., 2003; Granek et Bown, 2005; Mbile et

al., 2005; Reed, 2008). Plusieurs études suggèrent que les décisions qui reposent à la foi sur le

savoir écologique traditionnel et sur l’information scientifique seront plus robustes en plus de renforcir les capacités décisionnelles des communautés locales (Stringer et Reed, 2007; Thomas et Twyman, 2004). De plus, le savoir écologique traditionnel peut compenser pour le manque de données scientifiques empiriques (Granek et Brown, 2005). Cependant, il arrive parfois que la validité des connaissances locales est remise en question (Reed, 2008). Il faut toutefois tenir compte que ces connaissances sont fondées sur plusieurs générations liant les communautés locales aux ressources d’un même territoire. Ces données peuvent être validées en identifiant des sources fiables et vérifiables (Delisle, 2008; Reed, 2008). Elles représentent occasionnellement une alternative plus rapide et moins coûteuse que l’obtention de données scientifiques, sans toutefois pouvoir les remplacer à long terme.

Par exemple, les experts des parcs nationaux du Madagascar ont pris, sans réelle étude scientifique, une décision de bannir toutes les cultures de riz et systèmes d’agroforesterie sur les sites habités par le baobab (Adansonia grandidieri), une espèce endémique menacée. Cette décision est basée sur le fait que le baobab se reproduit peu en milieu humide bien que les communautés locales croient fortement le contraire. Ce débat à permis d’orienter une étude scientifique sur le sujet. Bien que les résultats ne soient pas encore publiés, cette étude semble indiquer une dépendance des baobabs envers les milieux humides ce qui donne raison au savoir écologique traditionnel (Marie et al., 2009).

L’intégration du SÉT dans les programmes de suivi ou encore dans les différentes prises de décision relatives aux interventions de conservation sera favorisée par le mode de gestion participative (Granek et Brown, 2005; Mbile et al., 2005). Par exemple, Mbile et al. (2005), soutiennent que, sans le mode de gestion participative implanté dans le parc national de Korup, au Cameroun, le savoir écologique traditionnel des communautés locales ne serait pas mis en valeur dans la prise de décision.

Bref, dans la plupart des parcs nationaux des pays sous-développés, le manque d’information et d’expertise scientifique sur l’état de la biodiversité réduit la qualité de la prise de décision relative aux interventions de conservation. L’intégration des parties prenantes dans la gestion offre donc une alternative efficace permettant de compenser pour les manques de ressources financière et humaine. Certes, la qualité et la fiabilité des données peuvent parfois être inférieures aux données scientifiques, mais elles demeurent tout de même supérieures au statu

quo. Le mode de gestion participative à donc un impact positif intermédiaire sur le niveau

d’information sur l’état de la biodiversité grâce entre autres à la main-d’œuvre volontaire, l’intégration du savoir écologique traditionnel et la rapidité et la précision de la prise de décision.