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1. Préambule 9

2.10. Neurofilaments en pathologie

2.10.5. NFs et Neuropathies

2.10.5.1. Neuropathies héréditaires

La maladie de Charcot-Marie-Tooth (CMT) est la plus fréquente des neuropathies héréditaires. Il s’agit d’un groupe très hétérogène, tant au point de vue clinique que génétique. Les signes cliniques s’échelonnent depuis des formes mineures, débutant chez l’adulte et évoluant lentement avec peu de handicap, jusqu’à des formes congénitales, drastiques, mortelles en quelques années. Sur la base de critères électrophysiologiques et neuropathologiques, deux groupes sont individualisés : les formes dites primitivement démyélinisantes (CMT-1) et les formes axonales (CMT-2). Les CMT-1 associent un ralentissement des vitesses de conductions (inférieures à 30m/s), une perte des fibres myélinisées et les aspects classiques de « bulbes d’oignons », traduisant une remyélinisation inefficace. Dans les CMT-2, les vitesses de conduction sont subnormales, les potentiels sensitifs absents et l’examen histologique du nerf montre une raréfaction des fibres myélinisées, avec de nombreux « clusters de régénération ». Récemment deux familles de CMT-2 ont été reliées à la présence de mutations de NFL et classées en CMT-2E (Mersiyanova, 2000 ; De Jonghe, 2001). Il s’agit de mutations touchant le domaine N-terminal et le domaine central qui perturberaient l’assemblage et le transport des NFs (cf plus haut). Chez la drosophile, qui ne possède pas de NFs, l’inactivation de la kinésine aboutit à la présence de dilatations axonales et à l’apparition progressive de paralysies distales chez la larve (Hurd, 1996). Chez un rat transgénique, modèle de

type « CMT1A », les NFs non phosphorylés sont précocement augmentés, en même temps que les premiers signes électroneuromyographiques et neuropathologiques de démyélinisation, alors que le cytosquelette de l’axone est normal sur le plan de la densité en éléments du cytosquelette (Grandis, 2004).

La neuropathie à axones géants (« Giant Axonal Neuropathy », GAN) est responsable d’une neuropathie progressive, sévère, de début précoce chez l’enfant, affectant aussi le système nerveux central. Il s’agit d’une affection rare caractérisée par la présence d’axones géants, dont le cytosquelette apparaît être désorganisé, avec une accumulation de NFs phosphorylés aboutissant à une distension de l’axone sur la biopsie nerveuse (Bruno, 2004). En microscopie électronique, il s’agit de filaments de 10nm empaquetés, formant des condensations denses aux électrons et repoussant les autres organelles à la périphérie. Ces anomalies sont également trouvées dans le système nerveux central. Cette neuropathie est secondaire à des mutations sur le gène de la gigaxonine (GAN, chromosome 16p24), protéine impliquée dans les relations entre les NFs et les

autres éléments du cytosquelette (Bomont, 2000 ; Bomont, 2003b). La désorganisation du

cytosquelette dépasse les neurones, puisque des fibroblastes en cultures présentent aussi une accumulation de Vimentine. L’accumulation de FI se retrouve aussi dans des astrocytes (GFAP), dans le muscle (Desmine) et dans les kératinocytes (Kératine). En culture de cellules, l’agrégation de Vimentine observée chez ces patients peut être prévenue par traitement à la Pénicillamine (Tandan, 1990 ; Mahadevan, 2000). Cette molécule est un donneur de groupements sulphydrides capable de stabiliser les groupements thiols. Ces résultats rappellent les observations faites dans les neuropathies toxiques (acrylamide, N-Hexane…). La synthèse et les modifications post-transcriptionnelles des NFs ne sont pas affectées (Bomont, 2003a).

2.10.5.2. Neuropathies diabétiques

Le diabète, première cause de neuropathie, est caractérisé par un ensemble de troubles du métabolisme culminant avec la perturbation du métabolisme glucidique. D’autres troubles, métaboliques, vasculaires, immunologiques, sont associés qui participent et rendent compte à un moment donné de l’évolution, de leur participation aux neuropathies diabétiques. La présence de plusieurs facteurs physiopathologiques intriqués explique le polymorphisme des neuropathies diabétiques.

La polyneuropathie sensitive, symétrique, neuropathie la plus fréquente au cours du diabète, s’associe à des remaniements des nerfs périphériques incluant une dégénérescence axonale et une perte des fibres myélinisées probablement par un phénomène de mort rétrograde. Les études sur les modèles de rats diabétiques ont montré que des modifications des NFs survenaient : diminution de leur expression dans les neurones sensitifs, perte des NFs au niveau de l’extrémité distal des nerfs et

phosphorylation anormale dans la moelle épinière (Xu, 2002). Cet état anormal de phosphorylation apparaît être secondaire à l’activation de la voie JNK par l’hyperglycémie (Fernyhough, 1999).

L’absence de NFs, dans les axones, aggrave la neuropathie de souris dont le diabète est induit. Celle-ci débute plus tôt, est plus sévère et la réduction du calibre axonal est plus importante (Zochodne, 2004). Ces anomalies sont réversibles lorsque l’hyperglycémie est corrigée par l’injection d’insuline. Ces résultats montrent que les NFs ont possiblement un rôle protecteur dans ce type de neuropathie.

La régénération axonale chez des souris diabétiques est altérée. En effet on n’observe pas de majoration de l’expression de la tubuline et les NFs, au contraire, sont moins exprimés (Xu, 2002). Ainsi, l’hyperglycémie et/ou l’absence d’insuline pourrait aboutir à l’inhibition de la production de NFs, à la fois au niveau transcriptionnel et traductionnel. Une hyperphosphorylation s’ajoute par l’activation chronique de la voie JNK inhibant le transport axonal des éléments du cytosquelette (Fernyhough, 2002). Enfin l’hyperglycémie aboutit aussi à la production d’AGEs (cf. ci dessus).

2.10.5.3. Neuropathies induites par des toxiques

L’aluminium est capable chez la souris d’induire l’accumulation de NFs et d’engendrer une perte des motoneurones. L’analyse de l’ARNm des NFs montre que ceux de NFM et NFH sont diminués (Strong, 1994). L’aluminium serait responsable de la formation d’un pool de NFs phosphorylés, à la fois en induisant une résistance aux phosphatases et en inhibant les phosphatases endogènes. Les modèles animaux toxiques, secondaires à l’injection chronique d’aluminium, sont cependant réversibles à l’arrêt du traitement (Strong, 1991). L’IDPN (β, β’-iminodipropionitrile) et le

1,2-diacetylbenzene (1,2-DAB) sont aussi responsables d’une phosphorylation aberrante des NFs, responsable d’une neuropathie avec des axones géants sur la biopsie nerveuse (Gold, 1991 ; Tshala-Katumbay, 2005).

L’acrylamide est une drogue connue pour être responsable d’une agrégation des FI, notamment des NFs en culture de cellules (Hartley, 1997), mais aussi chez l’animal où elle est responsable d’une neuropathie progressive avec accumulation de NFs dans les axones. Le rôle exact des NFs est mal connu, puisque des souris ne possédant plus de NFs dans l’axone développent une neuropathie induite par l’acrylamide identique à des animaux contrôles (Stone, 2001).

De nombreux médicaments, notamment utilisés en chimiothérapie anticancéreuse comme la vincristine, induisent des neuropathies sensitives douloureuses. Ils touchent plus particulièrement les petites fibres, affectant très probablement le transport axonal comme le montrent la présence d’une diminution du contenu en MT de l’axone et la dilatation des neurones qui accumulent aussi des NFs dans le corps cellulaire (Topp, 2000).

Tableau 5 : Effets de la modulation de l’expression des NFs chez les souris mutantes pour SOD-1

(D’après Julien, 1999 et Larivière, 2004)

Transgènes Durée de vie NFs dans les motoneurones Références

Transgène Axone Corps cellulaire

hNFH (SOD1G37R) augmentée (65%) réduits augmentés Couillard-Despres, 1998 hNFL (SOD1G37R) non modifiée non modifiés non modifiés Couillard-Despres, 2000

mNFL ou mFH

(SOD1G93A) augmentée (16%) réduits augmentés Kong, 2000 Périphérine

(SOD1G37R) non modifiée non modifiés non modifiés Larivière, 2003 KO

mNFL (SOD1G85R) augmentée (15%) réduits augmentés Williamson, 1998 Triple (SOD1G37R) non modifiée réduits non modifiés Nguyen, 2000

mNF(M/H)tailΔ augmentée (15%) normaux normaux Lobsiger, 2005 Périphérine non modifiée non modifiés non modifiés Larivière, 2003 Mutants

mNFHLacZ non modifiée réduits accumulation

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