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Depuis quelques années, l’anémone de mer Nematostella vectensis est devenue un modèle prisé, en particulier pour l’étude de l’embryogenèse et du développement larvaire. Cet anthozoaire, appartenant à l’ordre des Actiniaires, se place phylogénétiquement comme groupe frère aux médusozoaires (Bridge et al., 1995;

Odorico and Miller, 1997). Si le stade méduse est une invention des médusozoaires, alors le stade polype unique de Nematostella représenterait au mieux la condition primitive des cnidaires (Collins et al., 2006). Cette position phylogénétique particulière relative aux autres cnidaires, en fait un modèle de choix pour les approches évolutives au sein de ce phylum (Darling et al., 2005).

I.1.5.1. Mode et cycle de vie de Nematostella

Figure 9 : Différents stades de développement représentatifs de la reproduction sexuée de Nematostella. A) Œuf au stade une cellule avant les premières divisions. Les œufs sont expulsés dans une large masse gélatineuse B) Embryon en division. C) Photographie prise dans (Darling et al., 2005). Larve planula nageuse. La flèche indique la direction de la nage (touffe apicale vers le bas). D) Jeune polype nouvellement métamorphosé. E) Animal adulte ayant atteint la maturité sexuelle. L’astérisque montre le pôle oral.

Figure 10 : Reproduction asexuée chez Nematostella. A) La régénération suivant une blessure représente un mode de reproduction asexué. Cependant, le rôle joué par ce mode de reproduction dans les populations naturelles est inconnu. B) Le mode de reproduction asexué le plus utilisé chez Nematostella est la fission transverse: la contraction du corps de l’animal conduit finalement à la séparation de la partie aborale qui par la suite régénère la structure de la tête. C) D’une manière alternative (mais ceci arrive moins fréquemment), la reproduction asexuée peut survenir par le biais d’une inversion de polarité où une nouvelle tête se forme, typiquement à la partie aborale de l’anémone et l’animal se divise en deux en son milieu et régénère alors un nouveau pied. Photographies prises dans (Darling et al., 2005).

Nematostella est un animal solitaire vivant en eaux saumâtres. Carnivore, elle capture du plancton. Elle se distribue principalement le long des côtes pacifiques et atlantiques du nord de l’Amérique. Les sexes sont séparés mais indistinguables

morphologiquement. Les œufs sont pondus dans une masse gélatineuse par dizaines voir par centaines. Ces derniers sont larges (environ 240 µm). La fécondation est externe. Après la fécondation, une larve planula ciliée nageuse se forme. Environ sept jours après la fertilisation, la larve se métamorphose en un polype juvénile dont la bouche se trouve au centre de quatre tentacules (Hand and Uhlinger, 1991, 1992;

Kraus and Technau, 2006). La maturité sexuelle s’acquiert au bout d’environ quatre mois (Figure 9).

En plus du cycle de reproduction sexuée décrit ci-dessus, Nematostella possède également des capacités de reproduction asexuée: la fission (Hand and Uhlinger, 1995), l’inversion de polarité et la régénération (Reitzel et al., 2007) (Figure 10).

I.1.5.2. Développement embryonnaire de Nematostella

La fertilisation externe est suivie par des divisions cellulaires synchrones dont le patron de clivage est variable d’un embryon à l’autre. Il en résulte, au stade 32-64 cellules, une coeloblastula creuse organisée. En corrélation avec les cycles de division cellulaire, celle-ci subit quatre à cinq cycles de mouvements d’invagination et d’évagination. Ce processus prend fin environ quatre heures avant que les divisions cellulaires cessent d’être synchrone (13 heures après la fertilisation). Des cils se forment sur l’embryon qui commence la gastrulation environ 20 heures après la fertilisation (Figure 11).

Le pôle animal de l’œuf correspond à la fois au site du premier sillon de clivage, au côté concave de la blastula et donc aux sites d’invagination, au blastopore de la gastrula et au pôle oral du polype. Cet hémisphère contient une activité organisatrice nécessaire à la formation d’un polype normal (Fritzenwanker et al., 2007).

Figure 11 : Stade du développement embryonnaire de Nematostella. Schéma pris de (Fritzenwanker et al., 2007).

I.1.5.3. Organisation anatomique de Nematostella

Chez la larve, le pôle antérieur arbore une touffe, nommée « touffe apicale » dirigée dans la direction de la nage de l’animal (Figure 12A). Le blastopore, situé au pôle postérieur, deviendra la bouche de l’animal adulte. L’axe primaire du corps de la larve correspond à l’axe apical-blastopore. Comme tous les polypes de cnidaires, la structure du corps de Nematostella se compose de deux épithéliums: un ectoderme externe et un endoderme interne, séparés par la mésoglée acellulaire. Le pharynx connecte la bouche à l’intestin. Il correspond à une invagination de l’ectoderme au pôle oral. L’axe secondaire, appelé l’axe directif, traverse le pharynx à angle droit avec l’axe primaire (Finnerty et al., 2004) (Figure 18).

Figure 12 : Organisation anatomique de la larve et du polype adulte de Nematostella. A) Larve au stade de planula. B) Polype adulte. A-B) Coupes longitudinales à travers l’axe oral-aboral. C) Section dans la région du pharynx. Schémas pris de (Finnerty et al., 2004).

Le polype juvénile présente une structure endodermique particulière appelée les mésentéries. Au nombre de deux après la métamorphose, elles divisent l’intestin et augmentent sa surface permettant la production et le stockage des gamètes dans des poches (Figure 12B). L’animal adulte a la forme d’un tube de 5 – 10 cm de long (Putnam et al., 2007). Le pharynx s’attache à la structure du corps par le biais de huit mésentéries endodermiques. Chacune d’entre elles porte un muscle rétracteur (Finnerty et al., 2004) (Figure 12C). L’extrémité orale s’ouvre sur une bouche entourée d’une vingtaine de tentacules. La région aborale est fermée (Putnam et al., 2007) (Figure 12).

I.1.5.4. Système nerveux de Nematostella

Figure 13: Anatomie du système nerveux de Nematostella au stade polype et planula. A) Demi-coupe longitudinale d’un stade polype montrant la morphologie neuronale. Les anneaux nerveux oral et pharyngial sont surlignés en violet. B) Demi-coupe longitudinale d’un stade stade planula montrant la morphologie neuronale. C-H) Représentation schématique de la morphologie individuelle des neurones et des cnidocytes : trois ganglions, deux cnidocytes et deux cellules de type sensoriel sont représentés. Shémas modifiés de (Marlow et al., 2009).

Comme tous les cnidaires, Nematostella possède un réseau nerveux diffus. La différentiation nerveuse s’effectue dans la totalité du corps de l’animal et s’initie avant la fin de la gastrulation. Contrairement à beaucoup de métazoaires, elle prend place aussi bien dans l’ectoderme que dans l’endoderme. Les cellules neuronales sont localisées en différents domaines des deux couches cellulaires et sont produites à des stades spécifiques du développement de l’anémone. Elles se répartissent en différents territoires distribués le long de l’axe oral-aboral. Ces territoires subissent des modulations à la métamorphose. La larve présente une région neuronale, située au pôle antérieur, représentée par l’organe sensoriel apical portant la touffe apicale. La

formation de cet organe est sous le contôle du facteur de signalisation FGF (Fibroblast growth factor) (Rentzsch et al., 2008). Le réseau nerveux diffus du polype quant à lui est plus dense au niveau des anneaux nerveux oral et pharyngial où les mésentéries sont innervées ainsi que dans l’extrémité des tentacules (Figure 13).

Le réseau neuronal de Nematostella se compose de cellules ectodermiques sensorielles et effectrices et de cellules ganglionaires endodermales multipolaires (Grimmelikhuijzen et al., 2002; Koizumi, 2002). Il est constitué de multiples classes de cellules neuronales et de cnidocytes, qui se caractérisent par leur morphologie et par l’expression de neuropeptides et de neurotransmetteurs (Marlow et al., 2009). Néanmoins certaines cellules morphologiquement identiques n’expriment pas toujours les mêmes combinaisons de neurotransmetteurs. Le réseau nerveux n’est donc pas homogène, mais possède des cellules avec des potentiels multifonctionnels, distribuées dans les deux couches tissulaires de l’animal et dépendantes d’un patron moléculaire bien défini (Figure 13).

Marlow et al proposent qu’une ou deux populations de cellules souches localisées en des domaines déterminés (ectodermal ou alors ectodermal et endodermal) puissent produire des précurseurs qui migreraient et se positionneraient par la suite dans les régions neuronales spécifiques de la larve et du polype (Marlow et al., 2009).