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Le nécessaire soin statutaire.- La désinstitutionalisation des joint-ventures nécessite de la part des rédacteurs des statuts une grande connaissance des objectifs stratégiques ainsi que

Dans le document L'autonomisation de la SAS (Page 49-57)

Section II. Le succès de la SAS, type de société distinct de la SA

53. Le nécessaire soin statutaire.- La désinstitutionalisation des joint-ventures nécessite de la part des rédacteurs des statuts une grande connaissance des objectifs stratégiques ainsi que

133 B. FIELD, « Présentation générale », in Société par actions simplifiée, ouv. col., GLN Joly, 1994, p. 6.

134 J.-L. REUMONT, « La SAS, premières expériences et premières difficultés», op. cit.

135 En vertu de l’ordonnance n°2009-80 du 22 janvier 2009, la notion d’ « appel public à l’épargne » a été remplacée par celle d’ « offre au public de titres financiers ».

des connaissances en droit comparé, et aussi de la créativité afin de rédiger les statuts rigoureusement136.

54. L’indépendance de la société mère.- Il convient de souligner que de manière générale,

la société mère qui exerce son contrôle sur ses filiales, s’implique en permanence dans leur vie dont « la performance s’inscrit directement dans leur stratégie propre»137. Au contraire, en cas de joint-venture, la société mère donne une certaine indépendance à sa filiale afin de réaliser son propre intérêt social, ce qui peut parfois engendrer une certaine concurrence avec la société mère.

2. La finalité restreinte de la SAS

55. Le législateur n’a pas voulu, au départ, que la forme de la SAS se substitue à la société anonyme. C’est la raison pour laquelle la finalité initiale de la SAS était limitée à une structure juridique d’accueil pour les joints-ventures constituées entre entreprises. Dans cette optique, la SAS était alors limitée aux personnes morales dont le capital était de 1500 000 F, capital qui devait être intégralement libéré à la constitution. Malgré ces contraintes, le régime de la SAS a présenté l’intérêt d’une simplification inattendue. La direction de cette société a, dès le départ, été laissée à la liberté des associés afin de déterminer les conditions dans lesquelles la société était dirigée. La rigidité des dispositions régissant les assemblées des actionnaires de la SA a été remplacée par le libre choix de la collectivité des associés. Le législateur a en effet attribué aux associés le pouvoir de déterminer statutairement les décisions qui doivent être prises par l’ensemble des associés. Il a exclu du champ de cette liberté certaines décisions essentiellespour la vie de la société en les considérant comme collectives par nature, par exemple celles concernant l’augmentation ou la réduction du capital.

56. La simplification caractérisant la SAS a été fort appréciée par les responsables de la gestion administrative des filiales qui ont transformé des SA en SAS, en créant des filiales à 100%. Ce succès explique que se soit observé, en pratique, un élargissement de la finalité de la SAS initialement voulue par le législateur

136 J.-L. REUMONT, « La SAS, premières expériences et premières difficultés», op. cit.

B. Une extension du champ d’application dans la pratique

57. Ainsi que cela a été précédemment mentionné, l’introduction de la SAS dans le paysage sociétaire visait à répondre aux besoins pragmatiques des filiales communes. Néanmoins, l’imprécision relative au champ exact de la SAS au sein de la loi a permis aux praticiens d’étendre de façon pragmatique la finalité de cette société (1). Cela a toutefois soulevé certaines difficultés(2).

1. Les manifestations de l’extension du champ d’application

58. L’examen des textes législatifs régissant la SAS n’indique qu’indirectement la finalité de la nouvelle forme sociale de la SAS.De fait, l’absence d’un texte législatif limitant l’objet social de la SAS et par conséquent l’utilisation de cette société, a conduit les investisseurs à utiliser cette forme sociétaire comme technique de reprise et de transmission d’une entreprise138, et comme structure d’accueil de filiales à 100% en transformant systématiquement les SA en SAS et en constituant des SAS unipersonnelles de fait139. L’utilisation de la SAS en tant que filiale à 100% est une source d’économie de gestion pour les groupes. Cependant la présence d’un second associé révèle une fiction inutile.

2. Une extension source de difficultés

59. L’utilisation de la SAS pour des finalités autre que la filialisation dans les groupes de sociétés a soulevé plusieurs difficultés140. Tout d’abord, des contradictions sont susceptibles d’apparaître entre les règles applicables dans les filiales, dans la mesure où chaque filiale crée sa propre règle. Ensuite, au vu des contraintes législatives imposées à l’actionnariat et de l’inapplication des articles 89 à 177-1 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, les salariés ne peuvent ni détenir individuellement des actions de leur société, ni devenir un organe de direction. Cela constituait une entrave à la participation des salariés à la vie sociale de la société. Enfin, la difficulté d’appliquer à un groupe de sociétés, réparties

138 J.-P. BERTREL, « La SAS : bilan et perspectives », Rev. Droit et Patrimoine, n° 74, sept. 1999, p. 40. Adde. D. RANDOUX, « La liberté contractuelle réservée aux grandes entreprises : La société par actions simplifiée »,

LSP Notaire et Immobilière, n° 8, 25 fév. 1994, 100230

139 J. PAILLUSSEAU, « La nouvelle SAS - Le big-bang du droit des sociétés », D., 1999, p. 333.

140 Les difficultés ont été soulevées par l’auteur Jean-Loïc Reumont à la suite de l’examen de la situation de deux groupes de sociétés. Voir J.-L. REUMONT, « La SAS, premières expériences et premières difficultés», op. cit.

dans plusieurs pays européens, la même règle fiscale issue de la directive du 23 juillet 1990141 qui n’est pas, par principe, applicable à la SAS142.

60. L’élargissement pragmatique du champ d’application de la SAS et les difficultés qui en ont découlé ont impulsé une réflexion sur une réforme susceptible d’assurer plus de succès à la SAS en tant que société fermée.En vue d’effectuer une modernisation du droit des sociétés, le sénateur Marini a présenté un rapport au Premier ministre contenant des propositions afin de réformer le droit des sociétés par l’intermédiaire de la contractualisation de la SA, à l’instar de la SAS143. Or, ce projet de réforme a été évacué par l’avant-projet de réforme de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

Pour autant, la réflexion à propos d’une réforme du régime de la SAS s’est poursuivie. Si l’on remonte en arrière, le législateur en introduisant la SAS dans le paysage sociétaire a provoqué un profond renouvellement de l’organisation des sociétés commerciales. Il n’a pas souhaité ouvrir tout de suite les SAS aux personnes physiques car il fallait une période d’acculturation « permettant de juger la validité des […] bases [de la SAS] avant de l’ouvrir

à tous les utilisateurs »144. Le succès qu’a rencontré la SAS dans le cadre du groupe des sociétés a montré la validité des bases de la SAS. Cela tendait à confirmer la possibilité d’ouvrir cette société à toute personne en la transformant en société universelle145, accessible à toute catégorie d’associés.

§2. La SAS adaptée, accessible à toute catégorie d’associés

61. La transformation de la SAS en société accessible à toute catégorie d’associés résulte des réformes successives qui ont visé sa structure juridique. Cette ouverture s’est manifestée dans la banalisation de cette forme sociétaire, admettant que tous les destinataires du droit puissent être associés. Cette banalisation a amené le législateur à ouvrir la SAS à toutes sortes de personnes. Cela permet, par exemple, aux sociétés d’exercice de professions libérales de se

141 Dir. 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents, JOCE. N° L 225 du 20/08/1990, p. 0006-0009.

142 La date d’adoption de cette directive précède la date d’introduction de la SAS dans le droit français.

143 Rapport Marini, La modernisation du droit des sociétés, Doc. fr., 1996. Voir infra n° 568 et s.

144 P.-L. PÉRIN, La société par actions simplifiée, Joly, 3e éd., 2008, §6, p. 6.

145 L. ROUZEAU, La société par actions simplifiée - Vecteur de transformation du droit des sociétés, Thèse, Univ. Paris V, 2002, p. 309 et s.

constituer en une société d’exercice libéral par actions simplifiée (SELAS), ce en adoptant la forme de la SAS. La personne qui exerce une profession libérale, comme celle d’avocat, peut ainsi devenir associée dans une SELAS. Par ailleurs, l’universalité de la SAS s’étend pour accepter les personnes qui ne possèdent qu’un capital très modeste ou qui n’ont que leur moyen intellectuel comme fortune. Dans cette optique, le jeune investisseur peut devenir le fondateur d’une SAS et l’apporteur d’un apport en industrie peut devenir associé. Au vu de ces informations, la SAS paraît être une structure adaptée à toute personne tant physique que morale, unipersonnelle et pluripersonnelle, qui peut y être associée (A). Elle est également une structure apte à recevoir toutes sortes d’usagers (B).

A. La SAS, une société adaptée aux personnes morales comme physiques

62. L’ouverture de la SAS pour toute personne est une innovation créée par la loi du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche146. Cette loi a transformé la SAS, initialement instrument dédié aux filiales communes, en « simple outil aux mains de n’importe quelle personne physique ou morale, dans un cadre d’une grande souplesse »147. Conformément à cette loi, les associés peuvent être une personne physique comme morale. L’associé personne physique peut être une personne tant majeure que mineure. Afin de protéger le mineur des risques qui peuvent découler de la SAS, l’autorisation accordée à celui-ci de devenir associé est conditionnée par le respect des exigences prévues dans le droit commun148.

63. L’ouverture de la SAS à toute personne s’est accompagnée de la possibilité de constituer une SAS par une seule personne. La SAS unipersonnelle (SASU) dispose de règles particulières par rapport aux règles régissant la SAS. Cela apparaît, à titre d’exemple, en matière de représentation de la société, concernant l’interdiction de la délégation du pouvoir149, ou encore concernant la restriction statutaire des cessions d’actions. L’objectif attendu de cette réforme est de favoriser le transfert de technologies de la recherche publique vers les entreprises, en facilitant leur création par des investisseurs innovateurs150. Afin d’encourager les investisseurs, le législateur a instauré un statut fiscal privilégié pour certaines

146 Loi n° 99-587, 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, JORF, n°160, 13 juillet 1999, p. 10396.

147 P. LE CANNU, « La SAS pour tous (L. n° 99-587, 12 juillet 1999, art.3) », BJS, 1er août 1999, n° 8-9, p. 841

148 Art. 413-6 et s., C. civ.

149 Voir infra n° 405s.

sociétés d’investissement adoptant la forme de la SAS constituées par un associé unique, personne physique avant le 1er juillet 2008. En vertu de la loi n° 2003-311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004151, modifiée par la suite par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008152, la société unipersonnelle d’investissement à risque (SUIR) est exonérée de l’impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles pendant dix ans. L’exonération concerne également l’impôt sur les revenues pour les dividendes versés153. 64. Certes, la loi de 1999 ainsi que la loi de finance de 2003 ont libéré la SAS de certaines contraintes imposées par la loi mais cette société restait restreinte à certaines personnes physiques dans la mesure où la SAS n’était pas encore accessible aux petites et moyennes entreprises et aux personnes qui exercent des professions libérales. La réussite de cette forme sociétaire a motivé le législateur à la libéraliser davantage des contraintes imposées en permettant tant aux personnes exerçant des professions libérale ainsi que les investisseurs ayant un capital modeste d’opter pour la SAS.

B. La diversification des usagers de la SAS

65. L’universalité de la SAS a été confirmée en deux lieux : d’une part, à travers l’autorisation législative de constituer une société de profession libérale en adoptant la forme de la SAS (1) ; d’autre part, à travers la suppression des entraves qui empêchaient les petites et moyennes entreprises d’opter pour une SAS. Par la loi de la modernisation de l’économie de 2008154, le législateur a en effet supprimé l’exigence du capital social minimal en autorisant également les apports en industrie (2).

1. La SAS, une société d’exercice des professions libérales

66. La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques155 a autorisé les sociétés d’exercice des professions libérales à se constituer en SAS. Au départ, la

151 Loi n° 2003-311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, JORF, n°302, 31 décembre 2003, p. 22530, texte n° 1.

152 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, JORF, n°0181, 5 août 2008, p. 12471, texte n°1.

153 M. GERMAIN et P.-L. PÉRIN, La société par actions simplifiée- Études – Formules, 6e éd., Joly, 2013.

154 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, JORF, 5 août 2008.

155 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux novelles régulations économiques, JORF, n° 113, 16 mai 2001, p. 7776, texte n° 2.

liste des professions autorisées a été limitée aux avocats, aux huissiers et aux notaires156. Toutefois, les réformes successives ont élargi la liste des professions, autorisant également les médecins et les experts comptables à constituer une société d’exercice libéral par actions simplifiée (SELAS) afin d’exercer en commun une ou plusieurs professions libérales157.

67. Le régime juridique de la SELAS comprend plusieurs dispositions. Cette société est régie par les dispositions du livre II du Code de commerce incluant le régime juridique de la SAS, par les règles particulières instituées par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, et par les décrets d’application de cette loi. Le régime de la SELAS oblige les associés de cette société à respecter certaines règles qui découlent de la particularité de son objet social. À titre d’exemple, les associés doivent obtenir l’agrément des autorités compétentes afin d’immatriculer une SELAS. La moitié du capital de cette société et le droit de vote doivent être détenus par les professionnels. Ces derniers ne peuvent en revanche détenir des actions à dividende prioritaire sans droit de vote158. Par ailleurs, la gouvernance de la SELAS ainsi que la participation à la délibération prévues par l’article L. 227-10 du Code de commerce sont réservées aux associés qui exercent les professions libérales159. Par opposition à la SAS simple, la responsabilité des associés de la SELAS est illimitée pour ce qui est des actes professionnels qu’ils accomplissent et la société est responsable solidairement avec eux160.

En plus d’ouvrir la SAS à l’exercice d’une profession libérale, le législateur a diversifié les usagers de cette forme sociale en autorisant des apporteurs en industrie et des investisseurs ayant un capital modeste d’être associés dans cette société. La SAS est ainsi devenue une structure adaptée aux PME.

156 Décret n° 93-492 du 25 mars 1993 pris pour l'application à la profession d'avocat de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, JORF, n°73, 27 mars 1993, p. 4930. Cf. Décret n° 93-78 du 13 janvier 1993 pris pour l'application à la profession de notaire de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, JORF, n°17, 21 janvier 1993, p.1061. Les deux décrets ont été modifiés par le décret n°2004-852 du 23 août 2004 pris pour l'application à la profession d'avocat du titre IV de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, JORF, n°197, 25 août 2004, p.15229, texte n° 17.

157 Décret n°2009-1036 du 25 août 2009 relatif à l'exercice en commun des professions paramédicales sous forme de société d'exercice libéral, JORF, n°0198, 28 août 2009, p. 14241, texte n° 30.

158 Art. 9 de la loi 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales.

159 D. PORACCHIA, « La société d’exercice libéral par actions simplifiée », Dr. et patrimoine, 11/ 2001, p. 84.

2. La SAS, une structure adaptée aux PME

68. La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a libéré la SAS des contraintes des lois précédentes. Après avoir été limitée aux grands investisseurs, la forme de la SAS peut désormais être utilisée par des investisseurs modestes. La suppression de l’exigence de capital social minimum a élargi la liste des usagers de cette société.

En outre, selon l’article L. 227-1, alinéa 4, du Code de commerce qui prévoit que « la

société par actions simplifiée peut émettre des actions inaliénables résultant d'apports en industrie tels que définis à l'article 1843-2 du code civil », les personnes qui n’ont que leur savoir-faire peuvent être associés dans une SAS 161. En cas d’émission d’actions issues des apports en industrie, les modalités de souscription et de répartition de ces actions doivent être déterminées par les statuts.

En définitive, en passant d’une société à finalité restreinte et limitée aux personnes morales, à une société pour tous usagers, la SAS s’est infléchie. L’infléchissement, par extension des usagers, a contribué à l’universalité de cette société, rendant cette dernière accessible à toutes personnes et à toutes sortes d’apports.

Dans le document L'autonomisation de la SAS (Page 49-57)