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Mouvement, synchronisation et dynamisme

3.3 Réponses, cahier des charges

3.3.6 Mouvement, synchronisation et dynamisme

Les approches paramétriques sont par essence statiques. Les valeurs des paramètres sont fixes ou, dans le meilleur des cas, le statut des « valeurs dynamiques » (ouverture/fermeture, changement d’orientation, mouvements...) n’est jamais formellement établi. L’idée de Liddell et Johnson de segmenter non pas en paramètres contenant éventuellement des variations mais d’abord dans le temps en repérant où les valeurs sont fixes nous semble excellente. Les animations assistées par ordinateur utilisent depuis toujours la technique de l’interpolation entre images-clés. Nous préférons donc de loin l’approche dite temporelle, telle que présentée en 3.1.4.

Cependant nous avons vu que la spécification des unités non transitoires spécifiant les positions du corps à la manière des images-clés en animation 3D étaient, dans ce modèle, largement influencée

par le découpage paramétrique des phénomènes à décrire. Nous gardons donc le principe d’une séquence temporelle d’unités de spécification, mais nous nous en tiendrons à ce que nous énonçons plus haut pour leur spécification, à savoir une description des postures visant des articulateurs du squelette, au sens élargi de la section 3.3.4. Chaque unité temporelle de spécification contiendra non pas des valeurs paramétriques ni des listes de traits, mais des spécifications de position ou d’orientation d’articulateurs.

Les mouvements et autres variations paramétriques sont alors, comme pour l’approche tempo-relle de Liddell et Johnson, le résultat d’étapes transitoires entre deux états différents du corps dans le temps. Ce système règle le problème de la synchronisation, celle-ci étant le résultat d’un passage simultané forcé de toutes les valeurs aux états donnés par les TU non transitoires. Le problème s’il en est un est que cette méthode ne permet pas la spécification d’instants clé différents pour chaque détail de la description. Les instants-clés choisis et les spécifications qu’ils contiennent agissent sur tout le corps de manière globale et contraignante.

Pour nous, ce problème est en réalité une force. Il est d’ailleurs le fondement de l’approche temporelle et s’il est pour nous un apport à lui attribuer avant tout autre, c’est précisément celui-ci. Une première approche de notre part [Filhol 06b] permettait la temporisation libre de chaque élément décrit, or ce genre de (non-)synchronisation des variations s’avère inexistant en langue des signes.

Fig. 3.49 – [Chicago]

Nous illustrons les variations paramétriques de [Chicago] sur la figure 3.50, où les gradients de couleur dans les flèches montrent les transitions entre valeurs. La TU non transitoire (posture instantanée) intermédiaire motive le squelette dans son ensemble. L’emplacement change de part et d’autre de la posture instantanée intermédiaire mais possède une valeur fixe en cette posture instantanée, dont le signeur est conscient. La figure 3.51 schématise les mêmes variations mais dont un élément (ici : l’orientation) demande une temporisation propre, non affectée par la posture instantanée intermédiaire. À vitesse normale et en gardant un geste naturel (du moins sans concen-tration démesurée), il est clairement impossible d’effectuer un changement progressif d’orientation sans aucune influence de la position intermédiaire.

C C C

X Y Z

av. av. bas

NT Tr. NT Tr. NT

config.

empl.

orient.

Fig. 3.50 – Éléments transitoires dans [Chicago]

Fig. 3.51 – Phénomènes transitoires invalides en langue des signes

Notre première approche de temporisation « individuelle » des éléments permettait bien de décrire correctement les comportements valides, mais elle permettait également une infinité de descriptions supplémentaires inacceptables en langue des signes, du genre de la figure 3.51. Ceci rendait le modèle moins représentatif de la nature intrinsèque des signes.

Propriété Nous intégrons donc à notre modèle la notion d’unité temporelle de description sans partition possible des articulateurs du corps.

Par ailleurs, nous regrettons que seule la trajectoire en demi-cercle soit possible dans ce qu’offre le modèle temporel. Un cercle est défini par deux demi-cercles, ce qui du point de vue intentionnel est pour nous discutable. L’index dans [film] ne parcourt pas un simple demi-cercle ; il parcourt presque un cercle complet.

Fig. 3.52 – [film]

Du reste, la question du dynamisme ne nous semble pas complètement résolue par les seules propositions du modèle temporel. Ce dernier définit un nombre très limité de types de TU, seuls indices pour le dynamisme du mouvement des signes. Les TU transitoires lexicales sont au nombre de 2 : balistique (mouvement accéléré) ou antagoniste (mouvement linéaire). Ces mouvements

peuvent être rendus plus lents ou plus rapides avec des traits appropriés. Toutefois, un signe tel [bientôt] ne nous semble entrer dans aucune catégorie ci-dessus. Comme le montre la figure 3.53, on trouve des TU qui impliquent un mouvement bloqué augmentant la tension des muscles dans un premier temps, jusqu’à leur libération ensuite qui permet le positionnement des articulateurs libérés quasi-instantanément — une sorte de transition « occlusive » si l’on rapproche ce caractère articulatoire de la terminologie phonétique. Quand bien même la vitesse des articulateurs et ses variations sont difficiles à mesurer, il nous paraît clair que cette forme de transition dynamique est différente des deux précédentes dans sa motivation car aucune accumulation de tension n’est réalisée dans celles-ci. Elle manque à l’appel comme d’autres formes de mouvement pourraient encore être dégagées.

Fig. 3.53 – TU transitoire particulière dans [bientôt]

Propriété Notre modèle doit permettre de rendre compte de tout dynamisme possible dans une transition en matière de durée, de vitesse et d’accélération.

Il doit non seulement couvrir les possibilités des différents types de TU répertoriées par Liddell et Johnson, transitoires et non transitoires, mais également en permettre toutes les variations plutôt qu’une liste limitée de certaines9. Notons en revanche qu’à l’instar des spécifications contenues dans les TU non transitoires, ces informations relatives au dynamisme contenues dans les TU transitoires s’appliquent de manière globale à tous les articulateurs du squelette. Intuitivement, il n’est effectivement guère naturel voire difficile d’utiliser un dynamisme de transition différent pour différents articulateurs.