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Modélisation numériques des composites à renforts tis- tis-séstis-séstis-sés

4 Pratique de modélisations numériques : appli- appli-cation au contact aube/disque

4.2 Modélisation numériques des composites à renforts tis- tis-séstis-séstis-sés

4.2.1 Problématique

Les composites tissés possèdent une structure à plusieurs niveaux : les consti-tuants élémentaires (fibres et matrice) sont assemblés pour former des fils ou des plis, qui sont eux-mêmes tissés ou empilés pour former des pièces. L’organisation géométrique interne obtenue peut être très complexe. Pour modéliser une structure composite complexe, il est donc important de préciser à quelle échelle on se place.

Dans le cas des composites à fibres longues, on distingue généralement trois échelles :

– l’échelle « micro » : c’est l’échelle des constituants élémentaires où l’on mo-délise les fibres et la matrice ; sa taille caractéristique est le diamètre d’une fibre (quelques microns) ;

– l’échelle « méso » : c’est l’échelle des constituants intermédiaires tels qu’un fil ou toron de fibres ; à cette échelle, on ne distingue plus les fibres et la matrice au sein des fils (c’est-à-dire qu’on modélise ces derniers par des milieux homogènes), et sa taille caractéristique est le diamètre d’un fil ou l’épaisseur d’un pli (quelques dixièmes de millimètre) ;

– l’échelle « macro » : c’est l’échelle de la pièce ; à cette échelle, on ne modélise aucun constituant élémentaire ni intermédiaire (c’est-à-dire qu’on modélise la pièce par un milieu homogène), et sa taille caractéristique est généralement de l’ordre du centimètre, voire beaucoup plus.

La simulation numérique d’un composite tissé 3D demande de jongler entre ces différentes échelles. Les méthodes peuvent être maîtrisées en élasticité linéaire dans

les cas les plus simples (cas des bureaux d’étude), mais peuvent s’avérer complexes et coûteuses lorsque l’on veut tenir compte des endommagements. Deux approches de modélisation des composites tissés se confrontaient jusqu’à maintenant : la micro-mécanique, proche de la physique, et la macro-micro-mécanique, qui permet le calcul de structure. Elles se sont ensuite unifiées au sein d’approches multiéchelles, qui com-binent les avantages de chacune au prix d’un effort de calcul. Les grands lignes de ces différentes approches sont présentées ici, et illustrées par quelques travaux caractéristiques.

4.2.2 Approches microscopiques

La prise en compte de la véritable microstructure des composites à renforts tissés représente une difficulté technique majeure, car il est nécessaire d’introduire les morphologies des différents constituants et réseaux de fissures complexes, qui doivent alors êtres traitées dans le cadre éléments finis. En terme de représentation des fissures, on distingue principalement i) les représentations implicites, à travers la réduction de la rigidité des éléments du maillage ; et ii) les représentations explicites, à travers le dédoublement des nœuds du maillage. Quelques approches de référence extraites de la thèse de Genet [Gen10] sont rappelées ici :

Zako et al. [Zak03]

Des cellules sont générées qui représentent grossièrement la morphologie du tissu. Les fils peuvent s’endommager de manière anisotrope grâce à trois variables internes scalaires représentant les trois modes de fissuration des fils : la fissuration longitudi-nale et les fissurations transverses dans les deux directions, et la matrice de manière isotrope grâce à une variable interne scalaire. Lorsque la contrainte atteint un cer-tain critère dans un élément de la cellule, sa rigidité dans une direction donnée par le critère est réduite (sans intermédiaire entre les états sain et endommagé : la variable interne passe directement de 0 à 1) et le calcul à ce pas de chargement est reconduit.

Lomov et al. [Lom07]

Les travaux de l’équipe de Louvain sur la modélisation géométrique [Ver05] et ceux de l’équipe d’Osaka sur la modélisation mécanique [Zak03] sont ici rassemblés, donnant lieu à une analyse proche de la précédente. La différence majeure se situe au niveau des cellules éléments finis, qui sont ici générées grâce à la combinaison de WiseTex pour la géométrie et ANSYS pour le maillage, et sont donc plus proches de la réalité des tissus.

Guillaumat et Lamon [Gui96,Lam98]

C’est la seule étude spécifique aux CMCs. Des cellules 2D sont générées qui représentent grossièrement la morphologie du tissu. La fissuration de la matrice inter-fil, ainsi que la décohésion fil-matrice qui en découle lorsque la fissure arrive à un fil et le contourne, sont décrites directement par un dédoublement des nœuds du maillage. Leur apparition est pilotée par une loi statistique de type Weibull et

4. Pratique de modélisations numériques : application au contact aube/disque 35 leur position est prise aléatoirement. L’effet de la fissuration de la matrice intra-fils est décrit par une diminution des propriétés mécaniques locales des intra-fils, au lieu d’apparition de la fissure (également déterminée par la méthode précédente).

4.2.3 Approches macroscopiques

Ce type d’approche paraît la mieux adaptée aux applications industrielles : le matériau est vu comme une boîte « grise » où l’on s’affranchit de la description fine de l’architecture. ce modèle dit « phénoménologique » repose sur une description fine des effets des mécanismes physiques observés aux échelles inférieures expérimentale-ment (anisotropie initiale du matériau, anisotropie de l’endommageexpérimentale-ment, viscosité). Il existe deux approches macroscopiques de référence où le problème est résolu dans le cas général d’un endommagement anisotrope piloté par le chargement avec une ci-nématique éventuellement complexe et non connue a priori. Ces deux modèles visent des applications sur structures composites à matrice céramique.

Modèle d’endommagement du LMT

Dans l’optique d’appliquer cette méthode aux CMCs, un modèle continu avec endommagement anisotrope et effet de fermeture des fissures [Lad95] a été introduit pour prédire le comportement mécanique du matériau à l’échelle de la structure, avec une cinématique d’endommagement définie a priori. Un autre modèle [Lad02], à cinématique d’endommagement non définie a priori, est ensuite développé pour faciliter l’introduction d’informations micros. Enfin, un lien entre l’endommagement mécanique et la morphologie (densité, ouverture) du réseau de fissure qui permet à l’oxygène d’arriver sur les fibres chargées, ainsi que les mécanismes chimiques tels que la cicatrisation de la matrice et la dégradation des fibres, ont été introduits [Lad06] dans le but de prédire la durée de vie du matériau. Des travaux de développements et d’identification sont toujours en cours.

Modèle Onera Damage Model (ODM)

L’Onera développe depuis quelques années un modèle de comportement d’endommagement et de rupture sous sollicitation statique, prenant en compte les phénomènes d’oxydation [Mar10]. Ce modèle d’endommagement exprimé en déformation est écrit dans le cadre de la Mécanique Continue de l’Endommagement. Ce cadre considère l’endommagement comme un processus de déformation de la matière faisant intervenir les défauts au travers d’un concept d’homogénéisation et décrit leur évolution de façon macroscopique, en restant dans le cadre de la Mécanique des Milieux Continus. Comme le montre la Figure I.25, le modèle d’en-dommagement peut-être décomposé en trois grandes parties : (i) linéaire jusqu’à un seuil du dommage matriciel (ii) non linéaire jusqu’au seuil de rupture des torons et (iii) un comportement adoucissant qui prend en compte la rupture progressive des torons. Contrairement au modèle d’endommagement du LMT qui couple un modèle mécanique macroscopique avec un modèle physico-chimique microscopique, le modèle ODM génère un unique modèle macroscopique homogénéisé.

Cependant, ces méthodes nécessitent une lourde procédure d’identification expérimentale pour chaque nuance de matériaux [Clu09]. Ces modèles sont donc peu adaptés à une démarche d’optimisation du produit, pour lequel le design et le process de fabrication est susceptible d’évoluer. De plus, les pertes d’informations sur la géométrie du tissage à l’échelle mésoscopique peuvent être rédhibitoires pour les modèles de contact.

Figure I.25 – Schématisation du comportement de matériaux tissés jusqu’à la rup-ture en statique [Hé11].

4.2.4 Approches multiéchelles

Les possibilités et limites de chacune des deux approches précédentes - micro et macro - sont aujourd’hui bien maîtrisées. La modélisation du matériau peut donc se faire soit à l’une, quelconque, de ces différentes échelles, soit en établissant un lien direct entre elles par homogénéisation. En effet, l’une des façons d’étudier le compor-tement des matériaux composites à renforts tissés est de partir de la connaissance ex-périmentale des propriétés mécaniques des constituants (fibres et matrice), d’homo-généiser ces propriétés à l’échelle du toron, de déterminer les propriétés mécaniques initiales d’une cellule tissée élémentaire par homogénéisation, et enfin d’effectuer une réanalyse locale consistant à repasser des variables macroscopiques - continues - aux variables microscopiques - discrètes -, au moins sur les parties critiques de la structure. De par la complexité du renfort textile, il est exclu d’appréhender le di-mensionnement d’une structure aéronautique complète à l’échelle mésoscopique car le maillage associé serait de trop grande taille pour les capacités de calculs actuelles. Couegnat [Cou08] a mis en place une approche multiéchelle aboutie en trois étapes pour les cas spécifiques des composites CMO et CMC. Une première série de calculs pour différents scénario d’endommagement est menée sur des cellules élé-mentaires à l’échelle microscopique (voir I.26a), qui contiennent suffisamment de fibres pour représenter leur distribution non totalement périodique. La fissuration transverse des fils y est introduite de manière discrète. Une seconde série de calculs est menée sur des cellules élémentaires à l’échelle mésoscopique (voir I.26b). La fis-suration transverse des fils y est introduite à travers le comportement endommagé

4. Pratique de modélisations numériques : application au contact aube/disque 37

(a) Maillage EF d’une cellule élé-mentaire périodique tridimension-nelle représentative d’un fil CMC [Cou08].

(b) Maillage EF volumique d’un renfort tissé [Cou08].

(c) Fissuration multiple d’une cellule tissée [Cou08].

Figure I.26 – Modélisation multiéchelle pour différents scénario d’endommage-ment menés sur des cellules éléd’endommage-mentaires à l’échelle microscropique et mésosco-pique [Cou08].

des fils calculé à l’étape précédente, alors que la fissuration longitudinale des fils et la fissuration matricielle sont introduites de manière discrète (voir I.26c). Si les étapes précédentes permettent de calculer la cinématique du modèle d’endommagement ca-ractérisant le comportement du matériau à l’échelle de la structure, la détermination des cinétiques d’endommagement nécessite des résultats expérimentaux. Des calculs sont finalement menés sur des structures CMCs qui possèdent le comportement en-dommageable construit aux étapes précédentes. Les limites actuelles de l’approche semblent être i) la prise en compte du frottement dans les zones de décohésion fibres et fils-matrices ; ii) le traitement de la fissuration matricielle dans le cas où elle est entièrement orientée par le chargement ; et iii) les cinétiques d’endommagement, qui ne sont pas calculées sur les cellules micros mais doivent être identifiées sur essais macroscopiques.