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Modélisation du domaine fluide

II. Eléments de physique des fluides

III.2 Modélisation du domaine fluide

Dans un contact lubrifié, le lubrifiant est confiné entre les deux surfaces en mouvement dans la zone du contact. En dehors de celle-ci, il interagit avec l’air environnant. L’écoulement engendré sera alors qualifié d’écoulement à surface libre. Deux modélisations capables de fournir des informations précises sur le comportement du fluide sont développées dans ces deux situations, basées sur différentes hypothèses.

III.2.1 Hypothèses

Avant d'exprimer les équations de la mécanique des milieux continus, il semble nécessaire de s'assurer de la validité des hypothèses sous-jacentes. En effet, la dimension caractéristique des écoulements étudiés par la suite pourra être inférieure à 10 m. Or, −7

classiquement, la notion de « particules fluides » nécessaire à la définition de l’écoulement d’un fluide [Gen07], fait intervenir une échelle caractéristique d'étude qui doit être « suffisamment grande » pour pouvoir associer des grandeurs moyennes macroscopiques à l'ensemble des molécules qui compose ces particules fluides et « suffisamment petite » pour être représentative d'un état local. Des simulations en Dynamique Moléculaire couplées à des résultats expérimentaux ont montré la validité des représentations continues pour des échelles supérieures à 6.10 m [Als88] [Ber01]. −9

x y z h R l 2·l ω2 u1 ∂Γ3-out Symétrie

Dans un second temps, le régime d'écoulement sera considéré comme laminaire (les particules fluides voisines à un instant donné, le restent à l’instant suivant). En effet, le nombre de REYNOLDS représentant l’influence des effets d’inertie non-linéaires par rapport aux effets visqueux et caractéristique du régime d’écoulement [Guy01] est ici de l’ordre de l’unité pour les écoulements rencontrés. Une analyse d'ordre de grandeur plus détaillée (voir Annexe B) dans les différentes zones d'un contact lubrifié, permet alors de mettre en évidence que les effets d'inertie peuvent être négligés dans la zone du contact, mais peuvent avoir un rôle dans les zones d'entrée ou de sortie du contact, où ils doivent être conservés.

Les équations de STOKES [Guy01], différenciées des équations de NAVIER-STOKES par l'absence des termes d'inertie pourraient donc être utilisées dans la zone du contact. Cependant, les équations résolues faisant apparaître des termes non linéaires (dépendance de la viscosité avec la pression, la température et le taux de cisaillement par exemple), l’ajout des termes d'inertie ne provoque pas d’augmentation notable du temps de calcul7. De plus, dans certaines configurations EHD où l'épaisseur de film présente des variations importantes selon la direction de l'écoulement, ces effets peuvent jouer un rôle significatif sur le comportement du liquide [Sah05].

Enfin, l'écoulement sera considéré comme faiblement compressible. En effet, comme montré précédemment, la masse volumique d'un lubrifiant peut varier de manière non négligeable sous fortes pressions. Cependant, le nombre de MACH traduisant le rapport entre vitesse caractéristique et vitesse du son dans le milieu restera très inférieur à 1 (voir Annexe B).

Les modélisations effectuées peuvent désormais être décrites pour différentes zones d’étude : dans la zone du contact où l’écoulement du lubrifiant est confiné entre les deux solides et en dehors de celle-ci, où il interagit avec l’air extérieur.

III.2.2 Dans la zone du contact : écoulement confiné

III.2.2.1 Equations du mouvement

Les bilans de conservation de la masse et de la quantité de mouvement sont décrits pour l'écoulement laminaire, stationnaire, faiblement compressible d'un fluide non newtonien dans une description eulérienne, par les équations de NAVIER-STOKES [Gen07] :

( )

( ) ( )

ρ η ρ η ρ ∇ ⋅ =   ⋅ ∇ = −∇ + ∇ ⋅ − ∇ ⋅ + ∇ + ∇ +     0 2 3 T p u u u u I u u g (3.1)

avec η η=

(

p T, ,γ

)

, ρ = ρ

( )

p T , = −g, g y le vecteur gravité et I la matrice identité.

Selon la nature des cas traités par la suite, les différentes lois d'états portant sur la masse volumique ρ, (II.3.2), et lois de comportement portant sur la viscosité η, (II.4), pourront alors être utilisées.

7 Les deux types d'approches STOKES ou NAVIER-STOKES ont été comparées dans ce travail et une différence de temps moyen de résolution inférieure à 2% a été notée.

III.2.2.2 Conditions aux limites

Afin de résoudre les équations précédentes dans le domaine fluide (Ω3), il est nécessaire de s'intéresser aux conditions limites adéquates en vitesse et en pression à utiliser. De manière générale, deux types de conditions limites sont imposées: des conditions d'adhérence (∂Γ3 1 et

∂Γ3 2) et des conditions latérales (∂Γ3 in et ∂Γ3 out ).

Le premier type de conditions porte sur le champ de vitesse et consiste à imposer des conditions de DIRICHLET en imposant la valeur de la vitesse de la frontière. En effet, l’hypothèse que le fluide adhère aux parois sera effectuée. Cette hypothèse usitée en mécanique des fluides a été remise en question dans divers travaux physiques et tribologiques, mais pour de très faibles échelles (étudiées) [Jos05] [Fil11]. Ces études montrent que le glissement aux parois n’est significatif que dans des conditions particulières, pour des épaisseurs de film beaucoup plus faibles que celles traitées par la suite et il ne sera donc pas pris en considération ici. Cependant, l’aspect général de l’approche développée permet son implémentation de manière très aisée.

Les conditions d’adhérence utilisées dans ce travail s’expriment donc par :

∂Γ       =            3 1   1 0 u u v (3.2) et ∂Γ ∂Γ       ⋅ =   ⋅ = Ω =          u 3 2 0 et  u 3 2 2R u2 v n v t (3.3)

avec n le vecteur normal à la surface et t le vecteur tangent.

Pour les conditions latérales du contact (∂Γ3 in et ∂Γ3 out ), une condition de DIRICHLET sur le champ de pression est imposée ainsi qu’un effort visqueux nul [Gre98]. Les positions des frontières ∂Γ3 in et ∂Γ3 out étant définies suffisamment loin du centre du contact, les mêmes considérations que celles développées dans la littérature (voir chapitre I) sont donc utilisées ici en imposant :

{ }

p =p0 et

{(

∇ + ∇u uT

)

n

}

=0 (3.4)

avec p0 la pression ambiante.

Cependant, ce type de condition limite ne constitue qu’une première approximation des phénomènes considérant que tout l’entrefer entre les deux solides est entièrement rempli de lubrifiant. Or comme décrit précédemment, hors de la zone du contact le lubrifiant interagit avec son environnement (ménisque air/lubrifiant). Afin de prendre en compte ces phénomènes et d’étudier l’écoulement du lubrifiant hors du contact, une modélisation diphasique, air-lubrifiant, décrivant précisément la position de l’interface libre, est mise en œuvre.

III.2.3 Autour du contact : écoulement à surface libre

III.2.3.1 Les différents types d'approches

Depuis l'essor de la CFD, de nombreuses méthodes ont été développées dans la littérature pour traiter des écoulements diphasiques [Gro11]. Elles peuvent être classées dans un premier temps en deux catégories par leur différence d'approche de modélisations : lagrangienne ou eulérienne.

De manière générale, le point de vue lagrangien consiste à suivre un objet physique (particule fluide, interface) et à le décrire au cours du temps. Numériquement, chaque nœud du maillage doit être mobile et se déplacer de manière identique à la particule fluide qu’il représente. Le second point de vue (eulerien) consiste à se placer en un point fixe du milieu fluide et à décrire l’évolution des propriétés du fluide menant à un formalisme des équations beaucoup moins complexe, en particulier pour la définition des lois de comportement [Gen07]. Numériquement, chaque nœud du maillage est fixe et cette approche ne peut donc par définition prendre en compte des surfaces libres ou des modifications de domaine trop importantes.

Concernant le suivi d’interface, des méthodes lagrangiennes ont dans un premier temps été développées, mais restent souvent sujettes à des problèmes numériques de distorsion de maillage. Des adaptations ont alors été développées en utilisant des méthodes de type ALE (Arbitrary Lagrangian Eulerian), pour modéliser des écoulements à surface libre en incluant les effets de tension de surface [Li05][Wal05]. Elles permettent de déterminer la position de la surface libre, à partir d'une position initiale proche de la solution (l'interface devant garder la même topologie et rester continue tout au long du calcul). Elles offrent l'avantage d'être conservatives par nature et nécessitent un nombre de degrés de liberté réduit puisque l'écoulement dans l'air n'est pas résolu. Cependant, elles souffrent de trois défauts majeurs, la nécessité de la connaissance préalable d'une position initiale proche de la solution, la gestion des points triples et enfin elles ne permettent pas une évolution vers la prise en compte des termes de changement de phase.

La deuxième classe de méthodes de gestion d'interface, la plus fréquemment utilisée, se caractérise par une approche eulérienne permettant le suivi de l'interface sur un maillage fixe. L’évolution des deux phases (air et lubrifiant par exemple dans nos applications) et de leur interface est alors modélisée. Ces approches sont pour la plupart basées sur une équation de transport d'une quantité φ , représentant la proportion ou la concentration d'une des deux phases (comme défini section II.1.2). En effet, l'idée principale est de bâtir un système complet d'équations, valable pour un fluide composé de deux phases et d'une interface. On ne prétend pas fournir ici une revue exhaustive de toutes ces méthodes mais plutôt un aperçu des plus fréquemment rencontrées. Les méthodes dites « Volume Of Fluid » (VOF) sont les plus utilisées. Elles utilisent une fonction discontinue pour approcher l'interface, advectée par l'écoulement. Leur principal avantage est qu'elles sont conservatives par définition [Hir81]. Cependant, elles restent peu précises dans la position de l'interface-même et de sa courbure. De plus, elles sont difficiles à implémenter par une méthode éléments finis (méthode numérique utilisée par la suite) et nécessitent des algorithmes spécifiques performants pour la résolution du problème.

D'autres méthodes, plus simples d'implémentation, ont été développées dans la littérature. Elles sont connues sous le nom de « Level Set » et utilisent une approximation de l'interface lissée numériquement. Leur principal défaut est la non conservation de la masse, souvent mentionné dans la littérature [Tor00].

Enfin, une approche consistant à traiter non plus l'interface comme discrète (ou de manière purement numérique) mais comme diffuse et contrôlée par la thermodynamique a été développée depuis une vingtaine d'années. Elle fait appel à la théorie de la capillarité de VAN DER WAALS [VdW79], adaptée par CAHN ET HILLIARD [Cah57,Cah58,Cah59]aux problèmes à deux phases issues d'espèces différentes. Cette méthode dite de « champs de phase » a été principalement utilisée pour des écoulements où les phénomènes physiques prépondérants sont gouvernés par l’interface et les effets capillaires. Une revue des principales applications de cette méthode a été effectuée par ANDERSON et al. [And98]. Dans le but de développer une approche générale permettant de décrire précisément le comportement du fluide dans et autour d'un contact lubrifié sous l'action des effets capillaires, c'est cette dernière méthode qui sera utilisée par la suite.

III.2.3.2 Théorie de C

AHN

-H

ILLIARD

et équations

A partir de la théorie introduite précédemment (sections II.1 et II.2), CAHN et HILLIARD [Cah57][Cah59] développent une équation du mouvement de type convection/diffusion pour décrire l’évolution de l’interface au cours du temps. Ils font l’hypothèse que le flux de masse est proportionnel au gradient du potentiel chimique, G , et décrivent l’évolution de la proportion de phase φ comme :

( )

φ φ γ φ φ σ ε φ ε ∂ + ⋅ ∇ = ∇ ⋅ ∇ ∂     = − ∇   2 2 1 3 2 2 G t G u (3.5) avec γ le paramètre de « mobilité », ε et

σ

comme précédemment.

L’évolution de l’interface est alors gouvernée à la fois par l’écoulement global (terme d’advection φ + ⋅ ∇φ

t u ) mais également par la thermodynamique du problème (terme de diffusion du second membre ∇ ⋅ ∇γ G ) permettant une détermination précise de la position de l’interface. En contre partie, ce formalisme fait intervenir deux paramètres numériques que sont l’épaisseur d’interface ε et la mobilité γ proportionnelle au temps de relaxation de l’interface. Le premier devra, par construction, être suffisamment petit par rapport à la grandeur caractéristique du problème pour assurer la convergence de la méthode (voir [Yue04]). Le second paramètre a beaucoup été discuté dans la littérature et sera défini ici comme

γ

=

χε

2

avec χ =1 , en accord avec [Jac99] [Cen10]. Leur influence respective sur les résultats sera discutée section III.5.3.2.

Par le biais de l’équation (3.5), une variation d’énergie libre F est donc introduite dans le modèle. Afin de conserver l’énergie globale du système diphasique, il est nécessaire que le fluide exerce une force pour transformer cette énergie libre en énergie cinétique. C’est en fait

physiquement le rôle joué par la tension de surface. On définit donc, d’après JACQMIN [Jac99], la force de tension de surface FST sous sa forme volumique de la manière suivante :

φ

∇ = ⋅

ST G

F (3.6)

Cet effort de tension de surface FST réalise le couplage entre la thermodynamique de l’interface et la dynamique de l’écoulement définie pour un fluide incompressible et newtonien par :

( ) ( )

ρ η ρ ∇ ⋅ = ∂ + ⋅ ∇= −∇ + ∇ ⋅ ∇ + ∇ + +   0 T p t ST u u u u u u g F (3.7) avec ρ = ρ +

(

ρ0 −ρ

)

1+φ 2 air air et η η= +

(

η0 −η

)

1+φ 2 air air .

Le problème global comporte donc 5 équations (3.5) et (3.7) et 5 inconnues, φ, ,G u={ , },u v p (en deux dimensions).

III.2.3.3 Conditions aux limites correspondantes

Le traitement des conditions aux limites dans ce type d'approche a été discuté dans la littérature par différents auteurs comme DING et al. [Din07] et YUE et al. [Yue10]. Une condition de DIRICHLET est imposée pour la variable de champ de phase pour définir la quantité de lubrifiant à l’entrée du contact, φ =1 .

Pour la condition limite de mouillage au contact d’une paroi (à droite, Figure II-4), une condition de NEUMANN est appliquée pour imposer l’angle de mouillage,

θ

s. Comme détaillé dans [Din07] et de manière purement géométrique, on impose donc :

{

⋅ ∇φ

}

= π −θ ∇ −φ

(

⋅ ∇φ

)

   

tan 

2 s

n n n (3.8)

Cette condition permet de s'affranchir de la singularité obtenue si l'interface était considérée comme discrète (voir [And98]). Dans le travail présenté, l’angle de mouillage

θ

s, sera considéré comme constant. Des couplages ont été effectués (hors du cadre de ce travail) pour proposer une condition non plus dépendante de cet angle, mais d’un potentiel thermodynamique issu de résultats obtenus en dynamique moléculaire [Zho10].

Enfin, des conditions de flux nuls (

{

n⋅ ∇φ

}

=0 et

{

n⋅ ∇G

}

=0) similaires à celles utilisées dans [Yue10] sont appliquées pour les conditions latérales (∂Γ3 in et ∂Γ3 out ).

Après avoir exposé la modélisation diphasique (air/lubrifiant) du fluide, nommée modèle CAHN-HILLIARD, on va maintenant s’intéresser aux autres couplages à prendre en compte pour traiter le régime de lubrification EHD : le couplage lubrifiant/solide et le couplage avec la thermique.