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2. Méthodes de criblage virtuel

2.4. Criblage virtuel « structure-based »

2.4.3. Modèles pharmacophoriques « structure-based »

Comme décrit précédemment, les modèles pharmacophoriques « ligand-based » permettent l’identification de nouveaux composés actifs à partir de la connaissance de ligands de la cible étudiée (voir point 2.3.3). Cependant, lorsque la structure de la cible a été résolue, l’utilisation des informations de forme, de volume ou physico-chimiques du récepteur peut rendre les méthodes pharmacophoriques plus puissantes.177,292 Les modèles pharmacophoriques « structure-based » peuvent être construits soit à partir de la structure du récepteur, soit à partir d’un complexe récepteur-ligand.177,292

85 2.4.3.1. Méthodes basées sur le récepteur

Les approches pharmacophoriques basées sur le récepteur requièrent, en premier lieu, la définition d’un site de liaison à la surface de la cible (Figure 44A). Celui-ci doit être identifié préalablement par l’utilisateur, par exemple grâce à la mise en œuvre de méthodes de prédiction (voir point 2.4.2). Expérimentalement, un site de liaison peut être validé par mutagénèse dirigée : si la mutation d’un résidu affecte l’affinité d’un composé avec la cible étudiée, alors ce résidu doit être impliqué dans l’interaction et faire partie du site de liaison.293,294

Figure 44. Illustration du processus de construction et d’utilisation d’un modèle

pharmacophorique « structure-based ». (A) Représentation du potentiel électrostatique en surface de la cystéine protéase RTX de Vibrio cholerae (PDB 3eeb196). Une cavité à fort potentiel électropositif (bleu) est identifiée (rouge : potentiel électronégatif, blanc : potentiel neutre). (B) Exemple de pharmacophore sélectionné à partir de la carte d’interaction négative du récepteur (vert : liaisons hydrogènes, bleu : point hydrophobe). (C) Ajout de volumes d’exclusion afin de restreindre le volume accessible aux molécules qui seront alignées sur la pharmacophore. (D,E) Exemples d’alignements de composés sur le pharmacophore proposé. (F) Ajout de volumes d’exclusion au pharmacophore : l’alignement de la molécule est contraint et affiné selon, par exemple, l’encombrement du récepteur.295

Une fois le site de liaison identifié, celui-ci peut être analysé de différentes manières afin de construire une image négative du récepteur représentant les caractéristiques pharmacophoriques de ses ligands potentiels. Une propriété de type donneur de liaisons hydrogènes identifiée dans le site de liaison sera donc complétée par une propriété de type accepteur sur la carte d’interaction (Figure 44B). Parmi les premières méthodes proposées dans les années 1990, le logiciel LUDI296,297 identifie les groupes hydrophobes, aromatiques, accepteurs ou donneurs de

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liaisons hydrogènes grâce à des sondes représentant les groupes fonctionnels, afin de proposer différents pharmacophores complémentaires au site de liaison. Le logiciel BOSS298 propose un couplage de l’algorithme de LUDI296,297 à l’utilisation de simulations de dynamique moléculaire pour la prise en compte de la flexibilité du récepteur.298–300 Les logiciels commerciaux procèdent selon des méthodes similaires (LigandScout,187 MOE,138 PHASE,186 HipHop,188 etc.).

Quelle que soit la méthode utilisée, la carte d’interaction obtenue pour le récepteur comporte généralement un grand nombre de points pharmacophoriques, particulièrement lorsque le site de liaison défini est vaste ou lorsqu’il peut accommoder une variété de ligands selon différents modes de liaison.177 Pour pallier ce problème, les points pharmacophoriques de même type et spatialement proches peuvent être regroupés et représentés par un point unique. Par exemple, avec le logiciel HipHop,188 le barycentre du groupe de points pharmacophoriques est calculé, puis le point plus proche du barycentre est sélectionné. Une autre approche consiste à sélectionner manuellement les points pharmacophoriques d’intérêt à partir de la carte d’interaction proposée.293,294 Les logiciels commerciaux, notamment, disposent d’une interface qui facilite cette sélection. Lorsque des ligands de la cible sont connus, sans que des données de co-cristallisation soient disponibles, ceux-ci peuvent également être utilisés pour guider la sélection des points pharmacophoriques.293,294 Différents pharmacophores sont alors générés, comportant chacun un plus petit nombre de points pharmacophoriques, afin de représenter l’ensemble de leurs combinaisons potentielles. La capacité de chacun de ces pharmacophores à accommoder les ligands connus sera ensuite évaluée afin d’identifier les modèles les plus pertinents.293,294

Enfin, les pharmacophores peuvent être complétés et affinés par l’ajout de volumes d’exclusion, destinés à restreindre l’espace accessible aux molécules qui seront alignées sur le pharmacophore (Figure 44C). Les volumes d’exclusion peuvent être définis de manière explicite à partir des données structurales du récepteur ou positionnés manuellement par l’utilisateur. Les pharmacophores « structure-based » ainsi construits peuvent ensuite être utilisés pour le criblage de molécules, de la même manière qu’avec des pharmacophores « ligand-based » (voir point 2.3.3.2.6) (Figure 44D-F).

2.4.3.2. Méthodes basées sur le complexe récepteur-ligand

Lorsque des données de co-cristallisation protéine-ligand sont disponibles pour la cible étudiée, l’analyse des complexes récepteur-ligand permet d’obtenir des informations précises sur le

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mode d’interaction des ligands connus.295,301,302 La carte d’interaction peut être extraite directement du complexe récepteur-ligand et permet ensuite la sélection de différents pharmacophores, comportant l’ensemble ou une grande partie des interactions détectées (Figure 45).302

Figure 45. Exemples de différentes hypothèses de pharmacophores obtenues à partir de

données de co-cristallisation protéine-ligand de la caspase 3 (CASP3) avec Discovery Studio.303 (A,B) Deux modèles pharmacophoriques différents proposés à partir de la même structure co-cristallisée (PDB 1gfw196). (C) Modèle proposé à partir d’une autre co-cristallisation de la caspase 3 (PDB 1re1196). (D,E) Modèles pharmacophoriques A et B isolés. Les volumes d’exclusion sont les mêmes, sélectionnés à partir de l’encombrement du récepteur. Deux modèles sont construits pour prendre en compte le caractère accepteur ou donneur de liaisons hydrogènes d’un groupement carboxylique (HDB46&47 – HBA22&23). (F) Modèle pharmacophorique C isolé. Ce modèle diffère largement de ceux obtenus à partir de la co-cristallisation 1gfw.302

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Les logiciels disponibles pour ce type d’analyse, dont LigandScout,187 MOE,138 PHASE,186 HipHop188 et de nombreux autres, différencient généralement six types d’interaction : donneur ou accepteur de liaisons hydrogènes, charge électrostatique positive ou négative, points hydrophobes et aromatiques. Dans le cas où plusieurs co-cristallisations de la cible sont disponibles, particulièrement lorsqu’elles accommodent différents ligands, il est important de comparer les pharmacophores obtenus afin d’estimer leur robustesse et leur fiabilité (Figure 45).302 L’alignement préalable des complexes permet généralement un bon alignement de leurs groupes fonctionnels et facilite la comparaison des différents pharmacophores.295,301,302 Grâce à l’augmentation du nombre de structures co-cristallisées disponibles, les méthodes pharmacophoriques reposant sur le complexe récepteur-ligand sont de plus en plus utilisées puisqu’elles reposent sur l’utilisation de données expérimentales d’une grande fiabilité et permettent la construction de modèles très pertinents.295,301,302

2.4.4. Quantitative Structure-Activity Relationship (QSAR) « structure-based »