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Microprocessus vs lenteur et retard du développement intellectuel 24

Chapitre I Problématique 5

1.2   Caractéristiques cognitives des élèves qui ont de faibles compétences en lecture 18

1.2.3 Incapacités intellectuelles légères 23

1.2.3.1 Lenteur et retard du développement intellectuel 24

1.2.3.1.1 Microprocessus vs lenteur et retard du développement intellectuel 24

Les microprocessus servent à comprendre les informations contenues dans la phrase. Ils regroupent l’identification des mots (décodage et reconnaissance globale), la lecture par

groupe de mots et la microsélection (identification des informations importantes dans les phrases).

1.2.2.1.1.1 Discrimination visuelle et auditive restreinte

Un retard du développement intellectuel restreint la discrimination des informations tant visuelles qu’auditives (Leroy-Boussion, 1967). Or, la lecture a une grande composante visuelle, le lecteur doit reconnaitre 26 lettres qui ont des ressemblances certaines entre elles (Giasson, 2011).

Par exemple, pour discriminer les lettres a et o, le lecteur doit percevoir un trait vertical sur la paroi droite de la lettre a. Il ne s’agit pas d’une exception, une observation des lettres minuscules scriptes de l’alphabet montre des ressemblances marquantes entre ces dernières : certaines sont des symétries les unes des autres (b-d-p-q, u-n, m-w), d’autres sont identiques à une courbe près (i-j, c-o, f-t, m-n, q-g et u-v) et quelques-unes sont identiques à l’exception d’un petit trait (l-t, a-o, a-d, v-y, r-n, o-p, o-q, o-b, o-d et h-n). Seules les lettres e- s-k-x-z n’offrent que très peu de confusions possibles avec d’autres lettres. De cette courte liste, qui ne s’applique d’ailleurs pas uniquement au français, les lettres k-x-z sont très peu présentes dans les mots francophones, d’où la nécessité pour le lecteur de percevoir de très petits détails.

De plus, puisque notre code orthographique admet la présence de lettres majuscules, en français comme dans d’autres langues, le lecteur doit apprendre la correspondance entre les lettres majuscules et les lettres minuscules. Pour les lettres A-a, B-b, D-d, E-e, G-g, H-h, I-i, J-j, L-l, M-m, N-n, Q-q, R-r et T-t la lettre majuscule n’est pas une grosse minuscule, les graphies sont totalement différentes. Avec l’ajout de ces lettres majuscules, le lecteur doit donc pouvoir discriminer 40 lettres différentes.

La lecture ne se limite pas aux lettres scripts, des lettres cursives sont présentes dans l’environnement du lecteur. Si dans certains cas les lettres cursives sont des versions attachées des lettres scripts, un trait est ajouté pour permettre l’attache avec la lettre précédente ou suivante (

a

-a,

c

-c,

d

-d,

e

-e,

h

-h

, i

-i,

m

-m,

n

-n,

o

-o,

p

-p,

q

-q,

t

-t,

u

-u,

w

-w et

x

- x), d’autres ont une courbe ajoutée dans leur version cursive (

g

-g,

j

-j,

k

-k, et

y

, y) et certaines changent plus radicalement d’apparence (

b

-b,

f

-f,

l

-l,

r

-r,

s

-s,

v

-v et

z

-z). Avec l’ajout des 11 lettres qui ne sont pas identiques dans leurs formes script et cursive, le lecteur doit reconnaitre 51 lettres différentes.

Ces 51 lettres ne sont pas toujours écrites de la même façon, la police d’écriture modifie la morphologie de la lettre (a-a-a-a-a-a-a-

a

-

a

). La différence entre a et a réside dans une courbe ajoutée, tout comme la différence entre le t et le f. Dans le deuxième cas, l’élève doit comprendre qu’il s’agit de lettre différente, tandis que dans le premier cas l’élève doit assimiler qu’il s’agit de la même lettre. À certains moments, les petits détails doivent absolument être pris en compte et dans d’autres ils sont une marque d’esthétisme.

Aux marques d’esthétisme, s’ajoutent les façons d’attirer l’attention du lecteur : le gras (a),

l’italique (a) et le soulignement (a). Il s’agit d’ajout de traits ou de déformations que le lecteur doit tout simplement ignorer au premier degré.

Dans un autre ordre d’idée, les mots de l’orthographe du français sont une combinaison, dans un ordre différent, des lettres de l’alphabet. Par exemple, les mots avec et cave sont constitués des mêmes lettres, le lecteur doit être apte à percevoir visuellement ces changements et reconnaitre globalement les mots qui comportent les mêmes lettres. La reconnaissance globale des mots rend plus fluide la lecture, restreint la charge cognitive liée au décodage et permet par le fait même d’améliorer la compréhension du lecteur.

En résumé, puisque l’instabilité morphologique (de forme) est un facteur de complexité de la tâche, il est permis de penser que ce jeu, en apparence anodin de courbes et de traits, est à fort potentiel d’être un facteur d’obstacle à l’apprentissage de la lecture en interaction avec la lenteur et le retard du développement intellectuel de l’élève qui a des incapacités intellectuelles. Aux difficultés mentionnées dans cette section, il faut ajouter celles mentionnées à la section 1.1.1, l’opacité de la langue et la présence de morphogrammes, qui sont également des obstacles pour le lecteur qui a des incapacités intellectuelles. Il est donc permis de supposer que l’élève qui a des incapacités intellectuelles a un retard au niveau de la reconnaissance des lettres de l’alphabet et possiblement des processus de reconnaissance des mots (microprocessus). Afin de mieux appuyer cette dernière proposition, il importe d’analyser l’impact du retard de la discrimination auditive sur le développement des microprocessus.

Bien qu’important, l’aspect auditif de la lecture est moins évident. Il faut tout d’abord savoir que l’audition contribue au développement de la conscience phonologique, puisqu’il s’agit, par définition, d’une capacité à discriminer auditivement des syllabes ou des rimes (Giasson, 2011). Est spécifié, dans la prochaine partie, le lien entre la conscience phonologique et les microprocessus et nous traitons de l’interaction entre le développement de la conscience phonologique et du principe alphabétique et la lenteur et le retard du développement intellectuel de la personne qui a des incapacités intellectuelles.

1.2.3.1.1.2 Retard du développement de la conscience phonologique et de la découverte du principe alphabétique

La conscience phonologique et la découverte du principe alphabétique sont les préalables à la capacité de décodage (le décodage étant partie prenante des microprocessus) (Giasson, 2011; Neuman et Dickinson, 2001). La conscience phonologique est «l’aptitude à se représenter la langue orale comme une séquence d’unités ou de segments tels que la syllabe, la rime et le phonème (Giasson, 2011, p.83).» Il s’agit d’un des facteurs qui prédit

le mieux la réussite scolaire en lecture (Giasson, 2011). La découverte du principe alphabétique en est complètement dépendante. Pour faire la découverte du principe alphabétique, le lecteur doit réaliser que les lettres écrites qui composent les mots représentent des sons à l’oral. Cette découverte nécessite que l’élève, en plus d’avoir acquis une conscience phonologique, connaisse quelques lettres (lettres qui ont une très grande instabilité morphologique, comme cela a été mentionné à la section 1.2.2.1.1.1) et reçoive un enseignement. La découverte du principe alphabétique ne se fait pas seule, l’élève doit être mis en contact avec celui-ci (Giasson, 2011; Neuman et Dickinson, 2001).

Plusieurs recherches ont porté sur la relation entre la conscience phonologique et l’apprentissage de la lecture par l’élève qui a des incapacités intellectuelles (Cardoso- Martins et Frith, 2001; Cupples et lacono, 2002; Gombert, 2002; Kay-Raining Bird et coll., 2000; Kyoung Sun et Kemp, 2006). Ce dernier accuserait, dans la plupart des cas, un retard du développement de la conscience phonologique (Chapelle, 1998). La conscience de la rime, un précurseur de la lecture, serait tout spécialement lente d’acquisition (Kyoung Sun et Kemp, 2006). Ce n’est qu’à six ou sept ans que l’enfant sans retard du développement serait capable de discriminer tous les sons à l’oral (Leroy-Boussion, 1967), il est donc permis de penser qu’à âge chronologique égal, le lecteur qui présente des incapacités intellectuelles, vu son retard du développement intellectuel, ne peut pas discriminer autant de sons et cumule un retard de la conscience phonologique. Ce retard induit inévitablement un retard de la découverte du principe alphabétique qui retarde également le décodage.

En résumé, cette première partie nous a permis de constater que le lecteur qui a des incapacités intellectuelles entreprend très possiblement son parcours de lecteur avec un retard touchant les préalables à la reconnaissance des mots : conscience phonologique et découverte du principe alphabétique.

Comme il est mentionné auparavant, lire ne se résume pas à reconnaitre des mots. Pour comprendre un texte, le lecteur devra induire des informations qui ne sont pas explicites dans le texte (Fayol, 1992; Giasson, 2003; Giasson et Thériault, 1983; Van Grunderbeeck, 1994), il doit mettre en place les processus d’intégration.