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Chapitre 6 : Expériences en laboratoire de validation et affinement des

3) Mesures de solubilités aqueuses

a) Introduction

La solubilité aqueuse d’une substance est un paramètre primordial pour en évaluer le potentiel de toxicité aquatique. En effet, la toxicité des narcotiques particulièrement est directement corrélée avec la solubilité, car cette dernière est responsable de l’activité chimique de la substance en milieu aqueux (l’eau dans laquelle les organismes aquatiques évoluent, mais également la circulation sanguine de n’importe quel organisme ayant une circulation aqueuse destinée à transporter les substances depuis et vers les différentes cellules de l’organisme, comme le sang chez les animaux ou la sève dans les plantes).

La solubilité aqueuse est définie comme la concentration maximale d’une substance qui peut être solubilisée dans de l’eau pure à une température donnée (c’est-à-dire dispersée de manière homogène et stable dans le temps). Pour les dossiers réglementaires, elle est habituellement exprimée en mg/L et mesurée à une température entre 20 et 25°C.

L’OCDE a donc édité une ligne directrice pour mesurer de manière standardisée cet « endpoint » dans la ligne directrice n° 105, où plusieurs méthodes sont recommandées :

- Méthode Shake-Flask : recommandée pour des solubilités supérieures à 10 mg/L

- Méthode élution sur colonne : recommandée pour des solubilités inférieures à 10 mg/L.

Une troisième méthode importante a été développée pour mieux mesurer les substances très peu solubles, en se basant sur une modification de la ligne directrice 123 pour le logP. Cette méthode n’a pas encore été recommandée par l’OCDE, mais est quasiment incontournable si l’on veut mesurer la solubilité de substances liquides très hydrophobes :

- Méthode Slow-Stir : méthode préférentielle pour des solubilités inférieures à 10 mg/L.

b) Protocole utilisé pour les tests

i) Expérience

Peser 5 fois la quantité saturante et l’introduire dans 3 récipients fermés de 10 mL d’eau distillée. Mettre sous agitation vigoureuse à 30 °C. Au bout de 24h, l’un des flacons est mis à l’équilibre à température ambiante (température du laboratoire constante à 20±1°C) pendant 24h avec une agitation occasionnelle.

Puis, centrifuger le contenu à température ambiante toujours et mesurer la concentration de la substance dans la phase aqueuse (par exemple analyse en HPLC-UV/Vis, ou extraction liquide-liquide comme pour le test de logP et analyse en GC) (5 analyses).

Même traitement pour les flacons 2 et 3 après 48h et 72h d’agitation à 30°C. Mesurer le pH de chaque solution.

Remarque : on peut aussi effectuer la période d’agitation à température ambiante, à condition de prouver que selon le temps d’agitation utilisé, la concentration mesurée reste identique (à partir d’un certain temps).

120 ii) Analyse

Analyse en GC après extraction liquide-liquide : Dans le flacon de solution aqueuse, prélever 3 échantillons de 1 mL. Les centrifuger pour séparer éventuellement l’excès de substance si elle est liquide, ou bien filtrer si elle est solide. Y ajouter 0,4 puis 0,3 puis 0,3 mL de solvant d’extraction. Agiter puis laisser reposer. Prélever les phases organiques et les réunir dans un même flacon. Sécher ce volume sur sulfate de magnésium. Récupérer le liquide en filtrant et analyser en GC.

Analyse par HPLC-UV/Vis : pour les substances qui ont une bande d’absorption spécifique et suffisamment intense dans l’UV ou le visible, la concentration dans l’eau peut directement être suivie dans les échantillons aqueux, en les passant dans une HPLC avec un éluant adapté munie d’un détecteur UV/Vis qui aura été réglé préalablement pour mesurer l’absorption aux longueurs d’ondes d’intérêt.

Chaque méthode d’analyse sera étalonnée au préalable avec des solutions de concentration connue, se rapprochant le plus possible de la limite de solubilité.

Remarque : si la concentration est trop importante, les prélèvements de 1 mL de la solution aqueuse peuvent être dilués pour atteindre 10 mL de phase aqueuse, qui pourra ensuite être extraite avec les mêmes quantités de solvant que ci-dessus.

iii) Traitement des données

La différence entre au moins les deux derniers flacons ne doit pas excéder 15%. Si on voit une augmentation des valeurs en cours de manipulation, le temps d’équilibrage doit être augmenté. Faire la moyenne de concentration à partir des 3 flacons.

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c) Substances testées

Nom de la substance Numéro CAS Solubilités les plus fiables de la littérature (mg/L) Référence Structure Camphre 76-22-2 1537,3 / 1600 / 100

ECHA, 2012, ligne directrice OCDE 107, méthode agitation de flacon, 25°C, K2 / EpiSuite, Yalkowsky & He, 2003, 25°C,

K2 / EpiSuite, Riddick et al., 1986, 25°C, K2

(+)-bornéol 464-43-7 740 EpiSuite, Yalkowsky et al.,

1992, 25°C, K2

Phénolphtaléine 77-09-8 400

ECHA, 2010, OCDE 105, méthode par élution sur colonne, 20°C, pH = 5,8-6,1,

K1 / EpiSuite, Yalkowsky & He, 2003, K2 Tableau 13 : substances pour les tests de solubilité.

Ces substances posent problème car d’après les prédictions de KREATiS, on attend des solubilités respectives de 21, 11 et 29 mg/L, alors que les valeurs mesurées de la littérature sont beaucoup plus élevéess. Les valeurs prédites par KREATiS semblent plus cohérentes avec les valeurs d’écotoxicité (si disponibles) que les valeurs de solubilité de la littérature.

d) Résultats et discussion

Le camphre et le bornéol ont été testés avec la méthode classique d’extraction liquide-liquide puis passage en GC. La phénolphtaléine a été testée par HPLC-UV/Vis, car elle possède une bande d’absorption spécifique assez intense à 276 nm, et une bande moins spécifique mais plus intense à 232 nm. L’éluant choisi pour la colonne était un mélange de 50% d’acétonitrile et 50% d’eau, l’acétonitrile contenant 1% d’acide formique. En effet, la phénolphtaléine se déprotone et change de forme vers pH 8,2, ce qui change son spectre d’absorption et qui est à l’origine de ses propriétés d’indicateur de pH. Ainsi, la présence d’acide formique garantit de rester dans la forme acide de la phénolphtaléine. Nous n’avons pas pu obtenir de valeur de solubilité pour le bornéol, car celui-ci a un comportement atipyque en solution. En effet, les solutions aqueuses les plus concentrées en bornéol moussaient significativement lorsqu’elles étaient agitées. De plus, pour les étalons en solvant et ceux dans l’eau, préparés par dilutions successives, les aires de pic obtenues en GC n’étaient pas bien corrélées avec la concentration théorique en bornéol et décroissaient rapidement avec les dilutions. Tout cela semble indiquer que le bornéol possède des propriétés interfaciales, c’est-à-dire que les molécules de bornéol

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ne se répartissent pas de manière homogène dans la solution, mais se concentrent au niveau des interfaces. Soit au niveau de l’interface liquide-air, soit au niveau de l’interface liquide-paroi en verre. Les résultats pour le camphre et la phénolphtaléine sont donnés dans le tableau ci-dessous :

Nom de la substance Solubilités les plus fiables de la littérature (mg/L) Solubilité prédite par KREATiS (mg/L) Solubilité mesurée dans ce travail (mg/L) Commentaires Camphre 1537,3 / 1600 / 100 21 1495 ± 62

Dissolution du camphre solide difficile

Phénolphtaléine 400 29 3,57 ± 0,26 Même résultat obtenu avec les 2

longueurs d’onde Tableau 14 : résultats de solubilité.

Ainsi, nos mesures semblent valider les données de la littérature pour le camphre, et invalider les prédictions de KREATiS, alors que pour la phénolphtaléine, nos mesures semblent plutôt aller dans le sens de la prédiction de KREATiS, bien qu’étant encore nettement inférieures. Nous n’avons pour l’instant pas de piste pour expliquer ce résultat.