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Chapitre I Problématique 5

1.3   Matériel orthodidactique 43

Compte tenu des caractéristiques et du nombre d’individus qui se retrouvent en situation d’échec en lecture, on s’attend à trouver facilement du matériel didactique adapté pour leur enseigner la lecture, en contexte d’inclusion pédagogique. Pourtant, dans nos recherches dans les bases de données, nous n’avons pas trouvé de manuel scolaire adapté francophone. Sur la base de l’hypothèse qu’un tel matériel n’est pas disponible, deux choix s’offrent actuellement aux enseignants qui veulent utiliser un manuel scolaire et qui intègrent des élèves qui ont deux ans de retard en lecture : utiliser du matériel correspondant à leur âge chronologique ou du matériel correspondant à leur «âge lectoral».

L’âge de lecture ou l’âge de la lecture sont des termes employés par plusieurs auteurs (Hirose et Hatta, 2005; Lecocq, 1986 ; Tyrrell, Holland, Dennis, et Wilkins, 2005). Ceux-ci ne définissent pas le concept, mais ils utilisent ce terme pour désigner l’âge de l’élève sur le plan de sa compétence en lecture. Par contre, l’utilisation de ces nomenclatures peut entrainer une confusion avec l’âge normal d’éclosion de la lecture, soit six ans. C’est pourquoi nous utilisons dans cette recherche, l’âge lectoral, qui, à notre sens, réduit le risque de confusion. Nous proposons la définition suivante pour définir le concept : l’âge lectoral d’un élève correspond à l’âge moyen des élèves qui présentent des compétences en lecture semblables aux siennes. Par exemple, si en moyenne les élèves apprennent l’alphabet à cinq ans, un élève de 12 ans ayant comme seul acquis en lecture la connaissance des lettres de l’alphabet aurait un âge lectoral de cinq ans.

1.3.1 Recours à du matériel correspondant à l’âge chronologique

Dans ce scénario, un élève de neuf ans qui a des capacités lectorales équivalentes à celles du début du premier cycle se voit remettre un manuel de troisième année, puisque suivant le cheminement régulier, il devrait être à ce niveau. Cette situation a des côtés positifs pour l’élève intégré : elle ne l’infantilise pas, elle lui fournit des thèmes de lecture qui correspondent à ses intérêts, elle ne l’ostracise pas puisqu’il a le même manuel que ses pairs et finalement elle lui propose de faire les mêmes activités en même temps que ses pairs. Cette situation semble être l’idéal, à première vue. Par contre, le manuel de troisième année le place systématiquement en situation d’échec, en raison de son retard en lecture. Bien que les thèmes qui correspondent à son âge chronologique puissent le motiver, les échecs répétés auront potentiellement un effet contraire. Lui offrir un matériel qui correspond à son âge chronologique ne semble donc pas être une solution satisfaisante.

1.3.2 Recours à du matériel correspondant à l’âge lectoral

Si l’utilisation du matériel qui correspond à l’âge chronologique place inévitablement en échec l’élève qui a cumulé deux années de retard en lecture, vaudrait-il mieux lui offrir un matériel qui correspond à ses capacités?

Suivant cette alternative, un élève de 9 ans qui a des capacités lectorales équivalentes au début du premier cycle se verrait remettre un manuel de première année. Comme les utilisateurs ciblés par les manuels scolaires de première année ont environ six ans, les thèmes peuvent infantiliser ou ne pas intéresser l’élève de neuf ans. De plus, comme il ne reçoit pas le même manuel de lecture que ses pairs, le travail en équipe, la participation en grand groupe et l’inclusion aux activités de la classe deviennent impossibles, sans compter les risques d’ostracisme.

Langevin et coll. (1996) traitent du dilemme pour l'intervenant de choisir des objectifs selon l'âge chronologique ou l'âge mental de l'élève qui a des incapacités intellectuelles. Ici nous parlerons d'âge lectoral et, par analogie, d’un dilemme à propos du choix d’un matériel didactique approprié (Langevin, 1996).

1.3.3 Proposition de réponse au dilemme

En réponse à ce dilemme, dans les écoles, des enseignants adaptent artisanalement les textes pour que ceux-ci correspondent à l’âge lectoral de leurs élèves en difficulté, tout en conservant les thèmes correspondant à leur âge chronologique. Les couts d’une telle entreprise sont nombreux : couts didactiques (temps de l’enseignant dans sa quête du texte à adapter), couts de la simplification (temps de l’enseignant pour effectuer la simplification), couts du matériel (papier, impression en couleurs, etc.), couts d’utilisation (associés à la différenciation pédagogique). De plus, il ne faut pas perdre de vue que lorsque l’enseignant adapte artisanalement des textes, il ne fait pas une autre tâche (activités parascolaires, aide aux devoirs, récupération, etc.), il s’agit de couts d’opportunité. Une section du chapitre II est consacrée au concept de couts. Il importe tout de même de dire ici que l’adaptation artisanale des textes par les enseignants est une lourde charge, que la présente recherche tente d’alléger et que les enseignants identifient le manque de ressources pour les élèves HDAA comme un des principaux obstacles à l’inclusion pédagogique de ces derniers (Rousseau et Bélanger, 2004).

Les manuels scolaires adaptés ont été conçus pour offrir à l’élève qui a de grandes difficultés, des textes de son âge lectoral sur des thèmes correspondant à son âge chronologique. Les manuels scolaires adaptés ont pour buts de donner à l’élève l’impression qu’il est comme les autres, tout en lui faisant vivre des réussites en lecture, afin d’augmenter sa motivation. Aussi, les manuels scolaires adaptés se veulent un soutien

pour l’enseignant dans ses efforts de différenciation pédagogique et d’inclusion de l’élève dans les activités de la classe (ils visent à diminuer les charges consenties pour la conception de matériel adapté et pour la différenciation pédagogique).

Pour ce faire, les manuels scolaires adaptés proposent à l’élève intégré en 3e année et qui a cumulé deux années de retard en lecture un manuel qui a plusieurs points identiques avec le manuel original : même page couverture, mêmes thèmes et mêmes illustrations aux mêmes pages. Par contre, les chercheurs ont tenté de limiter la présence d’obstacles présents dans les tâches de lecture. À la section 1.2.3.5. une liste de facteurs d’obstacles présents dans les tâches de lecture a été proposée. Cette liste est recopiée ci-dessous, un X, au côté d’un facteur d’obstacle, symbolise que la simplification des manuels scolaires adaptés a permis de réduire la fréquence de cet obstacle, comparativement à sa fréquence dans la version originale. Par exemple, un X est ajouté au côté de l’obstacle, Instabilité de polices de

caractères. La version simplifiée comporte une seule police de caractère, l’obstacle a donc

été réduit comparativement aux manuels scolaires originaux Signet (3e année, ERPI) qui comportent une multitude de polices de caractères.

• Instabilité de polices de caractères; X • Opacité de la langue;

• Morphogrammes;

• Marques pour attirer l’attention du lecteur (soulignement, gras, italique); X • Mots complexes ou peu fréquents; X

• Phrases complexes;X • Phases elliptiques;X • Phrases négatives;X • Phrases interrogatives;X • Pronoms;X • Figures de style;X

• Temps des verbes;X • Homonymes;X • Homophones;X • Distracteurs visuels;X

• Tâches où le lecteur doit se mettre à la place de quelqu’un;X

• Tâches où des connaissances du lecteur sont supposées pour comprendre le texte;X • Tâches de transfert de connaissances;X

• Tâches où le lecteur doit garder en mémoire des informations;X • Tâches de compréhension générale d’un texte;X

• Tâches où le lecteur doit modifier une connaissance déjà apprise;X • Tâches métacognitives.X