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Par-delà tout un commerce du luxe, le nom de la reine s’impose comme une forme de

capitalisme extravagant et semble faire accidentellement coïncider sa phrase apocryphe avec son

personnage de fiction. En décembre 2017, Dany-Robert Dufour, professeur de philosophie à

l’Université de Paris VIII, propose une définition du capitalisme réexaminé à la lumière du XVIIIe siècle et notamment à travers la Fable des abeilles : « On se représente le capitalisme comme

ascétique, rigoriste, autoritaire, puritain et patriarcal. Et, depuis près d’un siècle, on se trompe.

Comme le montre la lecture et la redécouverte de Bernard Mandeville37». Contrairement à Max

Weber, qui définit en 1905 le capitalisme comme un produit du protestantisme, valorisant

l’austérité38, Bernard Mandeville, auteur et philosophe néerlandais du début du XVIIIe siècle,

présente un tel modèle économique comme une ruche qui dépérirait. Selon lui, ce serait le vice

qui, dans la recherche de son assouvissement, serait producteur de richesses. Non seulement ces

richesses ruisselleraient de manière verticale à toute la société mais aussi, paradoxalement, le vice

serait nécessaire à l’Etat et à son fonctionnement puisque créateur de métiers visant à le réguler ou à le combattre. Selon Dufour, le libéralisme tel que prôné par Adam Smith souscrirait aux idées

de Mandeville mais, conscient de l’immoralité des propos de son contemporain néerlandais, l’économiste écossais substituerait le terme de vice par celui d’intérêt, de bonheur ou plaisir privés. Dufour conclut son article en se référant à la situation actuelle, semblable selon lui à ce modèle du

37 Dufour, Dany-Robert, « Les Prospérités du vice », Le Monde Diplomatique, Décembre 2017

38 Werner Sombart, économiste concurrent de Weber développe aussi une théorie du capitalisme qui avance que la libération de la libido a développé la demande de produits de luxe et l’industrialisation. Sombart, Werner, Luxury

and capitalism, translated by W.R. DIttmar, University of Michigan Press, 1967 et Weber, Max, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Pocket Plon, collection Agora, 2010

XVIIIe siècle. Le philosophe nomme ainsi Donald Trump, reine des abeilles qui « veut régner sur

la ruche mondiale en hissant (…) l’insatiable fringale de profit, le saccage environnemental et l’insinuation salace au rang de principes directeurs de ses actes. »

Le succès de l’image de Marie-Antoinette dans l’industrie du luxe tiendrait au

fétichisme marchand qu’elle permet de susciter chez l’acheteur. Si Marx dans sa définition de la

marchandise distingue dans les biens une utilité et une valeur, il rappelle que cette dernière, valeur

d’échange, peut s’apparenter à un fétichisme : « On peut nommer le fétichisme attaché aux produits du travail, dès qu’ils se présentent comme des marchandises, fétichisme inséparable de ce mode de production » (Marx 100). Détachés de la visibilité des moyens de production, les biens

et notamment ceux du luxe seraient non seulement magiques puisque créés sans effort, mais aussi

surnaturels puisqu’ils ne sont pas destinés à être consommés, ni à être utilisés. Ils se borneraient

ainsi à être des révélateurs sociaux, tels qu’utilisés durant l’Ancien Régime, détenteur d’un pouvoir occulte puisque conférant à leur propriétaire un statut spécial et supérieur. Ils prendraient alors le

sens de De Brosse qui définissait le fétichisme comme « le culte de certains objets terrestres et

matériels »39. Le possesseur qui convoite ces objets occulterait cependant la réalité de la hiérarchie sociale de l’Ancien Régime, cette dernière étant fondée non sur les biens possédés mais sur le sang.

Après être revenu sur l’étymologie du terme de « luxe », il sera vu que depuis le XVIIIe siècle, ce terme est devenu indissociable de la reine. Les produits estampillés Marie-Antoinette

proposés dans le marché du luxe suggèrent dès lors un fantasme d’Ancien Régime chez l’acheteur

potentiel.

Dans l’ouvrage Luxe. Essais sur la fabrique de l’ostentation40 qu’il dirige, Olivier Assouly,

professeur de philosophie à l’Institut Français de la Mode propose une définition du luxe qui réfute l’association du terme au sème de « lumière » voire « brillance », métonymies faussement induites par l’étymon latin lux mais aussi à des sèmes mélioratifs :

D’abord, l’opinion commune, en cela relayée par les producteurs économiques et la plupart des médias, rattache le luxe systématiquement aux traditions, aux

savoir-faire, aux marques, à la rareté, à la cherté, à la qualité, la durabilité, au plaisir, au

raffinement, à la marginalisation des usages et à l’ostentation (Assouly 15).

Il rappelle ainsi que l’étymon d’origine est en fait luxus, qui signifie « excès », « déboitement », « désordre » ou « volupté », soit bien un champ sémantique du vice. La LUXURE, « passion

immodérée » et « un des sept péchés capitaux »41 est d’ailleurs un terme dérivé de luxus et met en

évidence cette association entre le vice et le luxe. Dans son article, Assouly actualise aussi la

définition du luxe, terme qui reflète l’économie mondialisée du XXIe siècle. Selon le philosophe,

les adeptes du luxe sont aujourd’hui des consommateurs désireux de posséder des objets rares et uniques dont le montant exorbitant serait un des traits fondamentaux :

Environ 250 ans plus tôt, en 1770, Marie-Antoinette arrivait en France pour être d’abord

dauphine puis reine. Sa figure historique reste associée à l’idée d’exubérance de son rythme de vie, que ce soit l’excès dans ses dépenses de bijoux, dans ses dotations pour ses favoris, dans ses dettes de jeux de pharaon, par le coût occasionné par l’aménagement du Trianon ou par le montant de ses tenues extravagantes. Dans sa correspondance avec Marie-Thérèse, Mercy d’Argenteau fait

état de ces dépenses. Il annonce dans la lettre du 19 janvier 1776 :

40 Assouly, Olivier, Luxe. Essais sur la fabrique de l’ostentation, IFM Regard, 2011

41 Diderot, Denis, “LUXURE”, L’Encyclopédie, 1-ère éd. 1751 p. 771. Diderot, bien qu’athée, restitue la définition de l’Eglise.

Quoique, dans le courant de l’année dernière, le roi ait donné en différentes occasions pour plus de cent mille écus de diamants à la reine, il lui vint cependant un grand

désir d’acquérir des girandoles qui lui furent présentées et dont le bijoutier prétendait 600000 francs. (…) S.M. fera acquitter cette emplette en quatre années, pour ne point être dans le cas de prendre trop sur les fonds de sa cassette, qu’elle destine à faire des dons, des aumônes (Arneth 418).

Cette fascination pour les diamants est cependant plus forte que les bonnes résolutions de la jeune

reine et sa bonne volonté ne résiste pas à la tentation des pierres précieuses. Ainsi moins de six

mois plus tard, D’Argenteau vient prévenir Marie-Thérèse d’autres dépenses ruineuses et vidant la cassette de la reine, celle-là même qui était réservée pour les aumônes :

Sa fantaisie pour les bijoux n’étant point encore satisfaite, S.M. vient en dernier lieu de se donner des bracelets de diamants ; quoiqu’ils ne soient pas encore évalués, je

juge que ce sera un objet de près de cent mille écus (…) il s’est trouvé qu’outre l’ancienne redevance de cent mille écus pour les boucles d’oreilles, S.M. devait encore cent mille francs de plus, et qu’il ne restait rien en caisse pour les dépenses courantes (Lettre du 16 juillet 1776).

Le vide des caisses royales ne semble cependant pas freiner les sommes données au nom de la

reine. Dans sa lettre du 17 septembre 1776, D’Argenteau liste encore les sommes utilisées pour le Trianon ou pour les gratifications de la reine, laissant présager d’une grogne populaire qui

commence à se laisser entendre :

Le public a vu d’abord avec plaisir que le roi donnât Trianon à la reine. Il commence à être inquiet et alarmé des dépenses que S.M. y fait (…) On voit avec peine l’emploi

de 150000 d’appointement pour une place [celle de Mme de Lamballe] qui n’est bonne que pour occasionner de la brouillerie (Lever 258).

Ces dépenses sont résumées dans la fiction historique 14 juillet d’Eric Vuillard. Ce dernier pose le

contexte historique des prémisses de la Révolution Française en rappelant ces dépenses dans son

chapitre sur la dette : « Il y a l’achat par Marie-Antoinette d’une paire de girandoles de diamants,

pour deux cent mille francs en 1775. Il y a, la même année une sublime parie de boucles d’oreilles.

Allez ! Hop ! Trois cent mille francs » (Vuillard 23).

Loin de ce train de vie fastueux, le peuple survit en effet dans une situation incertaine,

même lorsqu’il occupe un emploi salarié42. La reine n’y est d’ailleurs apparemment pas sourde ni

insensible puisqu’elle mentionne ainsi à sa mère, à de nombreuses reprises et au même moment, le problème de l’inflation du pain et de la vie précaire du peuple français. Le 14 juillet 1775, un an avant les dépenses citées ci-dessus, elle annonce par exemple vouloir réduire son train de vie

« Nous aurons très peu de fêtes (…) c’est le bon exemple pour le peuple, qui a tant souffert de la

cherté du pain ». Ce thème du pain, dépense essentielle et bon marché du peuple vient alors

contrebalancer celles inutiles et excessives de la reine et faire naitre un décalage d’autant plus

flagrant qu’il montre une rupture entre deux mondes. D’Argenteau écrit ainsi le 19 octobre 1775 : « le peuple a marqué peu d’empressement et de satisfaction : mais cela provient moins d’un motif de mauvaise volonté contre la reine que de l’humeur que cause la continuation de la cherté du pain ». Si dans les propos de Mercy d’Argenteau, le rythme de vie mené par la reine ne remet pas

en cause son image publique, un divorce est réellement en train de naitre. Lorsque la dauphine

42 Le contexte économique est ainsi la cause principale de la Révolution française pour les Anglo-saxons. Si d’autres raisons notamment culturelles ont aussi leur importance, l’historien Guy Lemarchand rappelle cependant une précarité et une misère paysanne terrible durant la fin du XVIIIe siècle. Comparant la situation d’un journalier agricole normand célibataire et d’une famille à trois dates distinctes (1765, 1773 et 1788), il montre qu’à aucune de ces dates, la famille ne parvient à amortir ses dépenses ni à assurer sa survie. Le célibataire, lui, le peut en 1765 et 1788 mais est endetté en 1773. Voir Lemarchand, Guy, La fin du féodalisme dans le Pays de Caux, CTHS, 1989

avait été présentée officiellement au peuple de Paris le 8 juin 1773, Brissac avance qu’ils étaient 200000 à la saluer43, que des odes furent écrites pour elle et elle-même avoue le 14 juin 1773 :

Ce qui me touche le plus, c’est la tendresse et l’empressement de ce pauvre peuple qui, malgré les impôts dont il est accablé, était transporté de joie de nous voir (…) Je ne puis vous dire ma chère maman les transports de joie et d’affection qu’on nous a témoignés (…) il n’y a pourtant rien de si précieux ; je l’ai bien senti et je ne l’oublierai jamais 44.

Deux ans plus tard, le « pauvre » peuple est oublié et l’attitude de la reine illustre alors parfaitement

les travers du luxe dans la définition de l’Encyclopédie au XVIIIe siècle : « Le luxe est excessif

dans toutes les occasions où les particuliers sacrifient à leur faste, à leur commodité, à leur

fantaisie, leurs devoirs ou les intérêts de la nation45 » (Saint-Lambert). La reine représente ainsi une image d’insouciance et d’exubérance en temps de crise, paradoxalement choisie par les marques de luxe contemporaines pour les représenter.

En 2014, Dorothée Polanz établit ainsi une liste « vaste et hétéroclite » d’objets labellisés

Marie-Antoinette, comportant aussi bien des articles historiques, que des contrefaçons. Les

produits listés entrent ainsi dans la catégorie d’objets rares, ou bien dans celle d’objets hors de

prix, les identifiant comme des produits de luxe46. La liste dressée est continue puisque le 14

novembre 2018, on aurait pu lui ajouter un pendentif à la perle ayant appartenu à la reine et vendu

43 Cité par Weber 92 et Lever 2 44

44 Episodes rappelés par Caroline Weber p. 92

45 Saint-Lambert d’ajouter des considérations morales à cette attitude : “Il n’importe à cet égard que les nations soient riches ou pauvres, éclairées ou barbares, quand on n’entretiendra point chez elle l’amour de la patrie et les passions utiles, les mœurs y seront dépravées et le luxe y prendra le caractère des mœurs : il y aura dans le peuple faiblesse, paresse langueur découragement ».

46 Polanz, Dorothée « Marie-Antoinette, icône suprême du marketing » in Poirson, Martial, La Révolution française

aux enchères à 36.2 millions de dollars47. Cette vente se tient après une campagne publicitaire

ayant couvert plusieurs mois et ayant vu fleurir publications et rééditions de nombreuses

biographies de la reine, d’articles de journaux ou de blogs de particuliers retraçant le destin de ce bijou et en attestant par-là l’authenticité. Campagne promotionnelle réussie, le montant total de la

vente aux enchères du pendentif et de neuf autres bijoux de la reine, s’élève à 53.1 millions de dollars.

(Forbes Magazine, 15 novembre 2018)

Cette actualité se fait ainsi l’écho économique de la société, de la fiction et de l’histoire, voire de l’histoire culturelle qui associent la reine française au marché du luxe et de la mode. Par-delà cette association, le succès de ce marché révèle aussi que la reine est un sujet, même s’il n’est pas un

sujet comme les autres puisqu’elle est sujette à un marché de reliques. La vente de ce bijou illustre

47 Et en 2020 une malle et une serviette : voir de Rochebouët, Béatrice, « Des souvenirs de Marie-Antoinette à tout prix », Le Figaro, 23 février 2020. Dans l’article, le terme de relique est ainsi associé à la serviette, en devenant un argumentaire de vente, justificatif de son prix élevé ainsi qu’attestation de sa valeur d’objet de luxe. La serviette sera finalement vendue à 14500 euro, la malle partant quant à elle à 43750 euros.

également la mise en scène commerciale organisée autour du nom de la reine et le fantasme qu’elle

continue de susciter. Si l’authenticité historique du pendentif ne fait pas de doute, d’autres objets

étiquetés « Marie-Antoinette » sont commercialisés, objets n’ayant parfois que peu de rapport avec

la figure historique. Rappelant la distinction linguistique entre le nom et la chose instauré par

Saussure, Guy Spielmann, professeur à l’Université de Georgetown, rappelle cette distinction entre figure et personnage, avançant que ce ne serait pas la figure, la réelle Marie-Antoinette, qui serait

convoitée mais son personnage, son Signifiant, la narration de cette dernière : « le signifiant

Marie-Antoinette renverrait donc un signifié constitué par le personnage historique, tandis que le référent

serait la personne bio-psychologique née le 2 novembre 1755 et morte le 16 octobre 179348 ».

Mettant à profit un fantasme chez le particulier, les entreprises commerçantes y ajoutent un indice

économique : le prix d’un produit étiqueté Marie-Antoinette dépasserait la valeur réelle de son

signifié et c’est parce que l’objet est plus cher qu’il appartiendrait ou aurait pu appartenir à la reine. Ses possessions ou possessions supposées, artefacts qui sont tout autant des métonymies

approximatives de la reine, donnent ainsi lieu à une commercialisation et une surenchère dans les

prix. Marché d’artefacts ayant réellement appartenu à la reine ou d’objets métonymiques qui lui sont associés, le nom de la reine est commercialisé et vendu comme persistance d’un luxe français.

48 Spielmann, Guy, « Marie-Antoinette et ses avatars » in Poirson, in La Révolution française et le monde

(Mules ayant soi-disant appartenues à la reine mise aux enchères en 2012)

En mars 2012, des mules qui lui auraient appartenu et qu’elle aurait portées lors de la fête de la Fédération le 14 juillet 1790 sont achetées à 43 225 euros lors d’une vente aux enchères à Toulon49.

Le journal l’Express qui couvre l’événement révèle que cette vente fut organisée et authentifiée

par un organisme spécifique, le SYMEV50. Après expertise de ces chaussures, l’organisme n’en a

cependant pas pour autant confirmé la paternité, utilisant ainsi le conditionnel pour parler du

possesseur des chaussures, ainsi que pour parler de l’événement lors duquel ces dernières auraient

effectivement été portées. L’événement de l’achat de cet objet potentiellement historique ne figure d’ailleurs pas dans les pages « histoire » mais « objet d’art », montrant qu’un glissement s’effectue dans la manière de considérer aujourd’hui les objets estampillés Marie-Antoinette. L’article du

journal révèle aussi les disparités de richesse de la société : estimées à 3000 euros, les mules sont

finalement acquises pour près de quinze fois leur valeur.

Autre accessoire associé à la reine, sa montre fait aussi l’objet d’un culte voire d’un fétiche.

Dans Queen of Fashion, Caroline Weber parle d’une montre que la reine aurait conservée

d’Autriche, seul artefact dont elle n’est pas dépourvue lors de sa transition vers la France et de sa

49 L’Express, « Marie-Antoinette, ses mules vendues aux enchères »26 et 29 mars 2012, articles qu’on trouve aux pages « culture » puis « style, mode » et non histoire.

transformation humiliante en Française, alors qu’elle est obligée de se déposséder et se dévêtir entièrement sur l’île aux Epis : « Except for the little watch her mother had given her, which she somehow managed to hold on to as the ladies were confiscating her other possessions, nothing was

she to keep that might be endeared to her by memory » (Weber 25). Cependant, c’est une tout autre montre que l’éclairage médiatique a mise en valeur.

(Montre Bréguet)

En fait, cette montre nommée d’après la reine et portant le numéro 160 était une commande

« secrète » passée par la souveraine en 1783 à l’horloger Abraham Louis Breguet. Ironiquement,

ni l’horloger ni la reine ne virent ce projet se concrétiser, Breguet décédant en 1823 alors que la montre fut finalisée en 1827. Objet de culte, la montre séjourna au musée de Jérusalem, avant

d’être volée puis retrouvée en 2007. Nicolas Hayek, président directeur de l’entreprise Swatch décide de la reproduire en 2008 et cette copie, portant le nom de la reine mais le numéro 1160, est

alors cotée à 30 millions de dollars selon Forbes51. Bien qu’entièrement détachée de la reine, la

51 Adamczyk, Alicia, « Return of the Queen : the saga of Breguet’s Infamous Marie-Antoinette watch”, Forbes, October 14th 2014

montre aurait ceci d’unique qu’elle serait une copie d’une montre commandée par cette dernière. Hayek revient finalement à l’unicité historique voire à un côté fétichiste en la plaçant dans un coffret de bois en chêne véritable du château de Versailles, « arbre préféré de Marie-Antoinette »

déraciné par la tempête de 1999, et « généreusement offert par le château » à l’entreprise suisse.

En contrepartie, Swatch prit ensuite en charge les travaux de rénovation du petit Trianon,

endommagé par cette même tempête52.

(Argument commercial des Louboutins)

Autre exemple, les chaussures Louboutin « Marie-Antoinette » font aussi partie de ces objets de

luxe entrecroisant les idées d’unicité, de luxe et de prétexte historique. Christian Louboutin, dans la campagne promotionnelle de 2009 souligne ainsi la rareté de cette série limitée, posant une sorte

d’ultimatum au client potentiel : « Be the first in the US (…) there are only 36 pair(s) in the world ». Tout comme pour la montre Swatch, l’objet créé à postériori n’a rien de véritablement historique, même si la chaussure s’inspire de la mode des poufs de Marie-Antoinette, notamment

le pouf de Léonard-Alexis Autié de 1780 appelé la Belle Poule. Aussi nommée « coiffure à

l’Indépendance, le triomphe de la liberté », cette coiffure célèbre de manière fantaisiste le combat naval qui opposa la France et l’Angleterre lors du 17 juin 1778 et qui fut le prétexte pour officialiser le ralliement de la France aux côtés des Etats-Unis lors de la Guerre d’Indépendance. Le choix de