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La main et la bouche en orthophonie : un lien intuitif

II. Lien main-bouche

3. La main et la bouche en orthophonie : un lien intuitif

La méthode de Suzanne Borel Maisonny est une méthode gestuelle phonétique. Elle utilise le canal visuel : lors de la production d’un phonème, un geste est effectué avec les doigts101. Ces gestes permettent de visualiser les phonèmes auxquels ils correspondent : ils donnent une indication soit sur son point d’articulation, soit sur son voisement, soit sur son caractère nasal, soit sur l’idée d’écoulement102. Certains donnent une indication sur la représentation graphique du phonème.

Initialement, cette méthode avait été créée pour les enfants sourds ; elle est maintenant utilisée également pour les enfants ayant des troubles d’articulation et de parole, ou encore comme aide dans l’acquisition de la lecture.

Pour Suzanne Borel-Maisonny, la conscience de la position articulatoire est une condition indispensable pour l’émission correcte d’un phonème : dans cette optique, l’utilisation de ces gestes permet un conditionnement à l’identification de l’articulation correspondante au phonème émis.

L’enfant, en voyant le geste associé au phonème ou en le reproduisant, pourra accéder plus facilement à la représentation de la réalisation articulatoire du son.

100BULLINGER André, Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars, la vie de l’enfant,

Editions érès, 2004

101http://blog.crdp-

versailles.fr/ressourcesdysgarches/public/PDF/RESSOURCES_POUR_L_ENSEIGNANT/TROUBLES_D U_LANGAGE_ECRIT/Supports_visuels_.pdf

Figure 6 : geste /l/ de S. Borel-Maisonny. Tiré de http://www.coquelicot.asso.fr/borel/index.php#titre2

Ci-dessus, nous pouvoir voir le geste de Suzanne Borel-Maisonny correspondant au phonème /l/. Le doigt est pointé vers le haut et monte en direction du palais, il correspond au mouvement de la langue lors de la production du /l/, où la langue monte vers le palais.

3.2. La Dynamique Naturelle de la Parole a. Définition et historique

« La Dynamique Naturelle de la Parole est une approche polysensorielle qui cherche à développer le langage et la communication sous toutes ses formes dans un souci de respect et de plaisir en offrant une parole enrichie par le ressenti, la visualisation et l’utilisation du jeu et de l’art. »103

Cette approche, développée par Madeleine Dunoyer de Segonzac s’appuie sur :

- la méthode verbo-tonale des professeurs Petar Guberina et Gladic, qui utilise le corps entier afin de faire jaillir la parole. 104

- les travaux de Marcel Jousse pour qui le langage se retrouve dans le corps entier

103FERTE Christine, Présentation de la Dynamique Naturelle de la Parole et de son application dans la

rééducation des difficultés de parole. Rééducation orthophonique n° 229, Mars 2007

- la méthode de Ginette Martenot : « cours d’art visant à l’épanouissement de l’Etre par l’extériorisation et la libération de l’expression artistique après un temps de relaxation, d’imprégnation, de ressenti et d’expression corporelle »103. Dans cette méthode, les deux mains sont utilisées pour peindre et dessiner dans un but d’expression.

Initialement mise en place pour les enfants sourds, cette méthode est utilisée aujourd’hui également pour les enfants ou même les adultes ayant des troubles de la communication, de l’articulation, de la parole, du langage oral ou même du langage écrit.103

b. Présentation de la technique

Le principe de la Dynamique Naturelle de la Parole est de faire passer au corps dans son ensemble les petits mouvements effectués par les organes de la production de la parole, afin d’en faciliter la perception, la mémorisation et la production.

Dans cette méthode, il y a deux étapes :

- une phase d’imprégnation passive, qui porte sur les voyelles (tracées sur le dos avec la main, à la manière des rayons d’un soleil ; ce tracé est accompagné de la production chantée ou parlée de la voyelle) et sur les consonnes (tracées sur le corps de l’enfant, en fonction de leurs particularités phonétiques : le « t » qui tape, le « r » qui gratte, etc.)

- une phase d’imprégnation active, dans laquelle l’enfant va effectuer à son tour ce ressenti corporel dont il a été imprégné. Le travail sur les voyelles va consister en la production d’un « soleil des voyelles » avec une ouverture des bras variant en fonction des particularités de la production de la voyelle (hauteur et aperture buccale). Le travail des consonnes va se faire par des mouvements corporels dans l’espace basés sur l’articulation de la consonne articulée. Les mouvements effectués sont accompagnés par la production de syllabes, et ils peuvent être reproduits sur de la terre, des ballons, du sable, etc.

Plus tard, lorsque l’imprégnation sera terminée, le but est qu’un mouvement réduit exécuté avec les mains permette l’évocation et l’émission du son.

Dans cette méthode, la peinture peut également être utilisée pour appuyer la visualisation de la parole ou de l’articulation, sa mémorisation et sa production. Chaque voyelle se voit attribuer une couleur particulière, ainsi qu’une position sur le soleil des voyelles.

Figure 7 : Soleil des voyelles en couleur, observé en séance.

Les grands mouvements effectués dans l’espace, qui sont associés à chaque consonne, sont ensuite projetés sur une feuille à l’aide des deux mains. La couleur avec laquelle les traces seront faites permettra de visualiser une syllabe. L’enfant met ses doigts dans la peinture, et produit une trace sur la feuille en même temps qu’il produit verbalement la syllabe qui y correspond. Il peut ensuite reproduire la syllabe en repassant ses doigts sur les traces de peinture déjà faites.103

Le « p », plosif, sera par exemple produit par une « explosion » avec les doigts de peinture, ou le « t », occlusive sourde, par une tape avec la pulpe du pouce. Le lien entre la motricité buccale lors de l’articulation d’un son, et la motricité digitale y correspondant est alors fortement mis en avant. Les mouvements des doigts sont utilisés comme soutien et comme guide dans la production d’un phonème.

Figure 8 : syllabe /pa/ en trace de peinture en DNP. Tiré de FERTE C., Présentation de la DNP et de son application dans la rééducation des difficultés de parole, Rééducation Orthophonique n° 229, Mars 2007

Figure 9 : syllabe /ta/ en trace de peinture en DNP. Tiré de FERTE C., Présentation de la DNP et de son application dans la rééducation des difficultés de parole, Rééducation Orthophonique n° 229, Mars 2007

Tout ce travail de ressenti corporel et de mouvements avec les mains permet à l’enfant de développer une certaine conscience phonologique et d’améliorer ses émissions.

Dans la DNP, il y a également un travail de rythme pour une émission correcte de la parole et de la phrase, dans lesquelles la composante rythmique est essentielle. Ce travail se fera par l’écoute, le ressenti corporel et la symbolisation des rythmes. L’imprégnation corporelle rythmique se fera avec des mouvements de la main tapés sur le corps, puis l’enfant s’appropriera le rythme en marchant, en le tapant dans les mains, ou en le tapotant au bout des doigts par l’opposition du pouce avec les autre doigts : cette pince prend une durée différente selon la durée du rythme.103

La DNP comporte donc une utilisation des mouvements manuels et digitaux dans plusieurs éléments : dans les traces d’articulation, qui se font toujours avec les deux mains, les mouvements sont effectués par le pouce, l’index, le bout des doigts (la pulpe), la tranche de la main. Dans le travail du rythme, nous pouvons noter la participation de la pince du pouce en opposition aux autres doigts, et la sollicitation de tous les doigts lors des tapotis de mimogrammes.