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2.4 Proposition d’une méthode d’aide à la décision multicritère

2.5.2 Méthode des plans d’expériences

La méthode des plans d’expériences permet de développer des modèles de prédiction d’un système donné par l’établissement d’une relation de type polynomial entre les variables d’entrée et de sortie avec le moins de combinaisons possibles (Tinsson, 2010). Une matrice d’expériences est construite pour laquelle la réponse du modèle est calculée. Cette matrice est exprimée sous forme adimensionnelle. En effet, le passage des variables dimensionnelles à des coordonnées centrées réduites doit être effectué par l’application de la relation suivante : X =x − x0

P Eq.36

Avec :

X désigne la valeur centrée réduite qui varie entre -1 et + 1, x désigne la valeur dimensionnelle qui varie entre x𝑚𝑖𝑛 et x𝑚𝑎𝑥

x0 est la valeur au centre du domaine (x𝑚𝑖𝑛 , x𝑚𝑎𝑥) définie par : x0 =x𝑚𝑖𝑛+x𝑚𝑎𝑥

2 P est le pas de variation définie par : P =x𝑚𝑎𝑥−x𝑚𝑖𝑛

2

2.5.2.2 Modélisation polynomiale et détermination des coefficients des polynômes

La modélisation d’un système considéré comme boîte noire revient à exprimer sa réponse à ces facteurs via des coefficients constants. Dans ce cas, un modèle polynomial est donc défini. Dans notre cas, nous posons en préalable que la relation entre les paramètres d’un bâtiment et sa consommation d’énergie ne peut être que linéaire et/ou quadratique et/ou avec des interactions. Ainsi, la réponse peut être mise sous l’une des formes mathématiques suivantes : - Modèle linéaire :

𝑌 = 𝑎0+ ∑ 𝑎𝑖. 𝑋𝑖 𝑛

𝑖=1

Eq.37 - Modèle purement quadratique :

𝑌 = 𝑎0+ ∑ 𝑎𝑖𝑖. 𝑋𝑖2 𝑛

𝑖=1

Eq.38 - Modèle linéaire avec interaction :

𝑌 = 𝑎0+ ∑ 𝑎𝑖. 𝑋𝑖 𝑛 𝑖=1 + ∑ ∑ 𝑎𝑖𝑗. 𝑋𝑖. 𝑋𝑗 𝑛 𝑗=𝑖+1 𝑛−1 𝑖=1 Eq.39 - Modèle quadratique complet :

Thèse de doctorat – Zaid ROMANI Page 90 𝑌 = 𝑎0+ ∑ 𝑎𝑖. 𝑋𝑖 𝑛 𝑖=1 + ∑ ∑ 𝑎𝑖𝑗. 𝑋𝑖. 𝑋𝑗 𝑛 𝑗=𝑖+1 + 𝑛−1 𝑖=1 ∑ 𝑎𝑖𝑖. 𝑋𝑖2 𝑛 𝑖=1 Eq.40 Où :

𝑌 est la réponse (fonction objectif)

𝑋𝑖 et 𝑋𝑗 sont les paramètres d’entrée écrits en coordonnées centrées réduites 𝑎0, 𝑎𝑖, 𝑎𝑗, 𝑎𝑖𝑗 sont les coefficients du modèle à déterminer.

Il est à noter que les modèles d’ordre supérieur ne donnent en général pas plus de précision ainsi les termes d’ordre supérieur à 3 sont souvent négligés.

Le système d’équations peut être aussi écrit sous la forme matricielle suivante :

[𝑌] = [𝑋] [𝐴] Eq.41

Où :

𝐴 vecteur des coefficients, 𝑌 vecteur des réponses,

𝑋 matrice de calcul ou matrice d’expérience.

Pour la détermination des coefficients du polynôme, le système d’équations est résolu à l’aide de la méthode des moindres carrés en utilisant la relation suivante :

𝐴 = ([𝑋]𝑡× [𝑋])−1× [𝑋]𝑡× [𝑌] Eq.42

Plusieurs types de plans d’expérience ont été proposés dans la littérature. Le choix d’une matrice d’expérience est le problème fondamental des plans d’expériences afin d’obtenir la meilleure précision avec un nombre minimal de combinaisons.

2.5.2.3 Différents types de plans d’expériences 2.5.2.3.1 Plans factoriels complets

C’est le type de plans le plus facile à construire. Dans ce cas, la matrice d’expériences consiste à étudier toutes les combinaisons possibles des facteurs. Si on considère un nombre m de facteurs à n niveaux, la taille de la matrice est donc de nm. Dans le cas de plusieurs facteurs à différents niveaux, le nombre de combinaison est 𝑛1𝑚1∗ 𝑛2𝑚2 ∗ … .∗ 𝑛𝑘𝑚𝑘.

Pour la construction de ce type de plans, la notation dite de YATE peut être utilisée (Goupy, 2013). Cette dernière consiste à commencer la première ligne par le niveau bas de tous les paramètres auxquels on attribue la valeur -1. Pour la première colonne, on change de signe toutes les lignes. La seconde colonne est obtenue par un changement de signe toutes les deux lignes. Ainsi de suite, jusqu’à la colonne k qui est obtenue par le changement de signe toutes les 2 k-1 lignes.

Ce type de plans est plutôt intéressant dans le cas d’un modèle de premier ordre. Dans ce cas le grand avantage est la facilité de la construction de la matrice d’expérience ainsi que

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l’analyse des résultats. Par contre, la dimension de la matrice augmente rapidement dans le cas de plusieurs facteurs.

2.5.2.3.2 Plans factoriels fractionnaires

Les plans factoriels fractionnaires ont été conçus pour réduire le nombre élevé de combinaisons d’un plan complet. Le nombre d’équations est réduit sous l’hypothèse de négliger toutes les interactions d’ordre trois et toutes celles d’ordre plus élevé. Ceci est effectué sous deux conditions majeures. D’une part, la satisfaction du nombre de degrés de liberté doit être assurée, on doit donc avoir un nombre d’équations au moins supérieur au nombre d’inconnues, et d’autre part, la matrice d’expérience doit comporter un nombre d’équations au moins égal au plus petit commun multiple du nombre de niveaux de toutes les actions disjointes prises deux à deux (principe de l’orthogonalité).

Dans la littérature, on trouve plusieurs types de plans fractionnaires qui ont été développés. Par exemple, les tables de Taguchi sont des plans fractionnaires basés sur les matrices orthogonales d’Hadamard (Roy, 2001 ; Van Nostrand, 2002). Le principe de base est l’utilisation de sous-ensembles symétriques d’un plan factoriel complet. La construction de ce type de plan suppose que les interactions d’ordre supérieur à deux sont négligeables. Les graphes linéaires et les triangles des interactions fournissent le mode de remplissage du plan. 2.5.2.3.3 Les plans pour surfaces de réponse

Nous avons vu que les plans d’expériences présentés précédemment ne sont adaptés que pour les modèles du premier ordre. Pourtant, il existe de nombreux cas où il est nécessaire d’avoir une modélisation quadratique des phénomènes étudiés. Il est alors nécessaire de passer à des modèles mathématiques du second degré (Dean et al., 2015). On fait ainsi appel aux plans pour surfaces de réponse. Nous présentons par la suite les trois plus importants plans de ce type : les plans composites, les plans de Box-Behnken et les plans Doehlert.

2.5.2.3.3.1 Plans composites

Comme son nom l’indique, un plan composite est constitué de trois parties. La première partie est un plan factoriel complet ou fractionnaire de premier degré. Le deuxième plan appelé plan étoile dont les points sont situés sur les axes avec la même distance par rapport au centre. Et finalement on ajoute un point au centre du domaine d’étude.

Soit un 𝑛𝑓 le nombre d’expériences du plan factoriel 𝑛𝛼 d’expérience du plan étoile. Le calcul de la distance des points du plan étoile (𝛼) est effectué en utilisant le critère d’isovariance par rotation est donc on a : 𝛼 = (𝑛𝑓)1/4. Dans le cas où le critère de presque orthogonalité doit être respecté, on utilise la formule suivante :

𝛼 = (𝑛𝑓(√𝑛𝑓+ 𝑛𝛼+ 1 − √𝑛𝑓)2

4 )

1/4

Eq.43

2.5.2.3.3.2 Plans de Box-Behnken

Box et Behnken ont proposé dans les années 1960 des plans très efficaces pour les modèles de deuxième degré avec interactions (Robinson, 2008). Les facteurs dans ce cas ont trois

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niveaux. Le principe est de satisfaire le critère de presque orthogonalité en plaçant les points d’expérience à la même distance par rapport au centre du domaine d’étude. Ces plans n’existent que dans le cas de 3 à 7 facteurs, 9 à 12 facteurs et 16 facteurs.

2.5.2.3.3.3 Plans de Doehlert

Les plans proposés par Doehlert en 1970 consistent à placer les points expérimentaux d’une façon régulière sur les sommets d’un hexagone (Ryan, 2006). Ceci permet d’étendre le plan vers n’importe quelle direction de l’espace par l’ajout d’autres points qui seront eux aussi uniformément répartis. Malgré ces avantages, les propriétés statistiques sont généralement moins parfaites par rapport aux autres plans.

2.5.2.3.4 Plans D-optimaux

Les plans D-optimaux ont été développés pour mieux répondre aux problèmes avec contrainte. Ils sont utilisés aussi pour réduire au maximum possible le nombre des combinaisons dans le cas d’un problème sans contrainte (Goupy, 2013). Les meilleurs points d’expériences sont sélectionnés. Ceci est effectué par la maximisation du déterminant de la matrice [𝑋]𝑡[𝑋] et donc la satisfaction du critère de D-optimalité.

2.5.2.3.5 Autres plans

D’autres plans peuvent être aussi utilisés pour des cas plus spécifiques. Citons par exemple, les plans de mélanges. Ces derniers sont surtout intéressants lorsqu’il existe des proportions entre les facteurs, ce qui n’est pas le cas dans notre étude. On trouve aussi les plans associés aux carrés latins. Ces plans sont plutôt adaptés pour le cas de variables discrètes. Le principal obstacle à l’utilisation de ces plans est le nombre de niveaux des variables qui est très limité. Ce qui complique la modélisation lors d’une exploitation plus large des variables du problème.

2.5.2.4 Evaluation de la précision des polynômes

Avant de commencer la procédure d'optimisation, nous devons d'abord vérifier la précision des modèles polynomiaux et donc une comparaison avec des simulations aléatoires doit être effectuée. Pour cela, des paramètres statistiques tels que l'erreur maximale (Δmax), l’erreur absolue moyenne (MAE), l’erreur relative moyenne (MRE), l’écart type (σ) et enfin le coefficient de détermination (R²), seront systématiquement calculés et analysés. Soit n le nombre de simulations aléatoires, alors ces coefficients sont exprimés à l’aide des équations suivantes : Δ𝑚𝑎𝑥 = 𝑚𝑎𝑥𝑖=1𝑛 |𝑦𝑖 − 𝑦̂𝑖| Eq.44 𝑀𝐴𝐸 = 1 𝑛∑|𝑦𝑖 − 𝑦̂𝑖| 𝑛 𝑖=1 Eq.45 𝑀𝑅𝐸 = 1 𝑛∑ ( |𝑦𝑖− 𝑦̂𝑖| 𝑦𝑖 ) 𝑛 𝑖=1 Eq.46 𝜎 = √1 𝑛∑(𝑦̂𝑖 − 𝑀𝐴𝐸)2 𝑛 𝑖=1 Eq.47

Thèse de doctorat – Zaid ROMANI Page 93 𝑅² = ∑(𝑦̂𝑖 − 𝑀𝐴𝐸) 2 (𝑦𝑖 − 𝑀𝐴𝐸)2 𝑛 𝑖=1 Eq.48

2.5.2.5 Utilisation des plans d’expériences en énergétique du bâtiment

La méthode des plans d’expériences a déjà été utilisée dans le domaine de l’énergétique des bâtiments pour la prédiction des besoins ou de la consommation énergétique, ainsi que pour la réalisation d’analyses de sensibilité sur les paramètres influents sur les fonctions objectifs. En 2006, Filfli a développé des modèles polynomiaux pour la prédiction de la consommation énergétique annuelle dans le cas des bâtiments tertiaires pour plusieurs zones climatiques en France (Filfli, 2006). Pour cela, il a utilisé les plans fractionnaires et les plans complets. Le coefficient de transmission des parois opaques et du vitrage, l’orientation, le mode de gestion des protections solaires, les équipements de bureautique et l’éclairage, l’inertie thermique, la perméabilité à l’air, le débit d’air neuf, le niveau d’isolation des réseaux de distribution et finalement le rendement des auxiliaires et des systèmes de production de chauffage et de climatisation ont été sélectionnés pour cette étude. La comparaison entre les deux plans d’expériences étudiés a permis de conclure que les plans fractionnaires permettent une réduction importante du nombre de simulations sans perdre de la précision sur la prédiction de la réponse.

Ensuite, (Chlela, 2008) a réalisé une comparaison entre différentes tables de Taguchi, les plans de surface de réponse, le plan de Box Benhnken, les plans D-optimaux et l’hybridation entre certains plans pour la prédiction des besoins de chauffage, de rafraîchissement et de la consommation en énergie finale. Le coefficient de transmission des parois, le facteur solaire des fenêtres, la surface vitrée, l’inertie, l’orientation, la perméabilité à l’air, les gains internes d’éclairages, la sur ventilation mécanique nocturne, et le rendement des systèmes de production de chauffage et de climatisation ont été utilisés comme paramètres de conception d’un bâtiment à usage de bureau. Il a été constaté que les plans D-optimaux présentent une précision satisfaisante, car ils permettent la modélisation des effets quadratiques des paramètres. L’hybridation entre certains plans permet aussi une meilleure précision, mais dans ce cas le temps de calcul est plus élevé.

Finalement, en 2009 Jaffal a développé des modèles de prédiction des besoins de chauffage et de rafraîchissement d’une maison individuelle par l’utilisation des plans D-optimaux avec quatre types de fonction polynomiale, linéaire, linéaire avec des interactions, purement quadratique et quadratique complet (Jaffal, 2009). Le choix des paramètres est issu de l’étude des flux thermiques dans le bâtiment. Il concerne les coefficients de transmission des parois opaques et vitrées, le facteur solaire pour chaque orientation, le taux de renouvellement d’air et l’inertie thermique. Les résultats montrent que la modélisation linéaire est suffisante dans le cas des climats froids grâce à la variation linéaire des besoins de chauffage en fonction des paramètres sélectionnés. Par contre, le recours à des polynômes de second degré s’avère nécessaire dans le cas du climat méditerranéen et pour la prédiction des besoins de rafraîchissement pour les différents climats.

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Ces différents auteurs ont développé des modèles polynomiaux des besoins de chauffage, de climatisation et du confort thermique en fonction des paramètres clés de l’enveloppe et des systèmes qui influencent les réponses. Ces travaux ont montré l’efficacité de la méthode pour identifier des modèles polynomiaux en limitant le nombre de simulations à effectuer avec une bonne précision par comparaison aux logiciels de simulation dynamique.

Ces études ont été limitées à l’analyse de sensibilité des paramètres de conception sur un seul critère qui représente les performances énergétiques des bâtiments. Une approche d’optimisation par une résolution multicritère du problème basée sur la méthode des plans d’expérience n’a pas été encore aboutie.