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Mécanismes impliqués dans la formation d’agrégats par un procédé continu

CHAPITRE 4 : CONTRÔLE DES PROPRIÉTÉS INTRINSÈQUES DE MÉLANGES D’AGRÉGATS PURS

4.3 Variation de la taille des agrégats via des leviers procédé

4.3.3 Mécanismes impliqués dans la formation d’agrégats par un procédé continu

Simmons et al. (2007) suggèrent que la taille finale des agrégats dépend de la collision entre particules mais également de la fragmentation des agrégats, c’est-à-dire que les agrégats sont construits pas assemblage de petits agrégats pour former des gros ou bien par fragmentation de gros agrégats en objets de plus petites tailles. La taille des structures turbulentes 𝒍𝒌présentes lors de la formation des agrégats a été évaluée par l’échelle de Kolmogorov en régime turbulent (Tableau 15 et 14). Les structures turbulentes sont 100 à 400 fois plus grandes que le Rg des agrégats : cette différence d’échelle conduit à penser que les structures turbulentes ne peuvent fragmenter significativement les agrégats au cours de leur formation, et que ceux-ci sont nucléés et croissent par association plutôt que par fragmentation dans les conditions de procédé continu étudiées.

Comme évoqué dans le Chapitre 1, l’étape d’agrégation implique l’association de matériel réactif (protéine dénaturée/dépliée). Pour les différents mélanges étudiés, un graphe d’Arrhénius a été établi (Figure 55).

La transition entre régime de dépliement limitant et d’agrégation limitante se fait à 78°C, ce qui est en accord avec les résultats de Petit et al. (2011). En d’autres termes, le dépliement et l’agrégation sont globalement à l’équilibre dans les conditions de production à 80°C. D’autre part, il est possible de

351 K = 78°C

Figure 56 : Représentation d’Arrhenius obtenue en dénaturant la β-lactoglobuline dans des conditions mises en ouvres représentatives de celles des protéines du WPI utilisées dans cette étude. Les traits sont des guides pour les yeux.

représenter le profil de dénaturation de la βlg durant le traitement thermique pour chaque RTh testé en s’appuyant sur la connaissance du profil thermique appliqué et sur les cinétiques d’agrégation et dénaturation de la βlg. La Figure 56 montre ainsi qu’à 80°C, 100% de la βlg est dépliée à la sortie de la zone de chauffe, quel que soit le RTh appliqué. Aucun matériel réactif supplémentaire n’est donc attendu en augmentant davantage le RTh, ce qui explique sans doute pourquoi le RTh n’a pas d’impact sur la taille des agrégats.

Au-dessus de 80°C, le dépliement des βlg réactives est instantané et non limitant (Figure 55) ce qui a pour conséquence la formation d’agrégats de plus grande taille.

On a montré que la taille des agrégats augmentait en régime intermédiaire. Pour en comprendre les raisons, on peut faire une analogie avec les expériences de cristallisation menées récemment par Forsyth et al. (2015) et Nappo et al. (2018). Un schéma explicatif est proposé sur la Figure 57.

Figure 57 : Impact des profils de montée en température appliqués (fonction de RTh) sur la formation d’espèces dépliées à 80°C.

Effectivement, comme suggéré par Nicolai et al. (2011), on peut comprendre l’agrégation des protéines comme un phénomène intégrant d’abord une formation d’agrégats primaires, assimilables à des points de nucléation, qui alimentent dans un deuxième temps la croissance en taille d’agrégats secondaires dont ils constituent les briques élémentaires. Forsyth et al. (2015) et Nappo et al. (2018) montrent une forte augmentation du taux de nucléation avec l’augmentation du Reynolds. En effet, la rencontre des espèces est limitée par les conditions d’écoulement en régime laminaire (le flux étant divisé en veines liquides qui ne se mélangent pas à Re < Re critique), et peu de points de nucléation seraient ainsi formés. Le dépliement des βlg étant complet quelles que soient les conditions de régime d’écoulement, la matière réactive s’orienteraient autour d’un faible nombre de points de nucléation et la formation d’agrégats secondaires est favorisée (la fraction massique collectée dans le 3ème pic est plus importante en régime laminaire ; Tableau 13). De plus, la quantité d’espèces réactives capables de s’agréger serait limitée à celle présente dans le compartiment formé par chaque veine liquide, ce qui expliquerait que les agrégats secondaires soient limités en taille dans ces conditions (Rg des agrégats du 3ème pic ; Tableau 13).

A l’inverse, en régime turbulent, les espèces se rencontrent facilement, le taux de nucléation est élevé et ainsi de nombreux points de nucléation sont formés. Le matériel réactif serait fortement distribué lors de la formation de ces points de nucléation, et deviendrait finalement limitant pour la formation d’agrégats secondaires. Dit autrement, beaucoup de points de nucléation conduisent à beaucoup

Figure 58 : schéma explicatif qualitatif de l’impact du régime d'écoulement sur la formation d’agrégats du mélange 1. Régime laminaire Régime turbulent Régime intermédiaire Protéine native Point de nucléation Agrégat primaire Agrégat secondaire

d’agrégats primaires de petite taille : ainsi, la fraction massique des agrégats primaires représente ici 51 p/p% du total, contre 37 p/p% seulement en régime laminaire (Tableau 13).

Enfin, en régime intermédiaire, la nucléation des agrégats est favorisée par rapport au régime laminaire, mais pas autant qu’en régime turbulent. Le nombre de points de nucléation serait ainsi moindre qu’en régime turbulent, mais à l’inverse le matériel réactif disponible pour former des agrégats secondaires serait supérieur à celui du régime laminaire. Ainsi, en régime intermédiaire, le Rg du 3èmepic est d’environ 220nm, ce qui est plus large que les agrégats obtenus en régime laminaire ou turbulent (Tableau 13).

Pour conclure, on peut dire que deux leviers de procédé, à savoir le régime d’écoulement et la température de chauffe, peuvent moduler la taille des agrégats du mélange 1 formés. Ainsi, en

régime intermédiaire, des agrégats de plus grande taille peuvent être formés en comparaison aux régimes laminaire et turbulent, dû à un optimum de rencontre entre espèces réactives. Des agrégats de plus grande taille sont obtenus en augmentant la température de chauffe au-delà de 85°C car dans de telles conditions le dépliement-agrégation des PS est contrôlé par l’étape d’agrégation. On suppose que l’augmentation de taille concerne autant les agrégats fractals que les agrégats microgels étant donné que les facteurs de forme n’évoluent pas d’une condition de procédé à l’autre.

La taille moyenne maximale des agrégats du mélange 1 que l’on peut former sans risque de gélifier à l’aide des différents leviers étudiés est synthétisée dans le Tableau 20. On représente dans ce tableau le Rg moyen de l’échantillon pris dans sa globalité (c’est à dire l’ensemble des 4 pics).

Tableau 20 : Comparaison du rayon de giration moyen maximum obtenus via trois leviers différents.

Levier utilisé Rg

moy

(nm)

[Protéine] et [NaCl]

154,0 ± 1,5

Régime

intermédiaire

203,6 ± 1,4

Température 85°C

312,1 ± 3,8

Pour induire une augmentation de taille des agrégats du mélange 1 sans gélifier dans le pilote de traitement thermique, la température de chauffe est un levier plus efficace que le levier régime d’écoulement (intermédiaire), lui-même plus efficace le levier matière (concentrations en protéines et sel). Il serait intéressant d’étudier la variation de taille à l’aide d’une combinaison de plusieurs de ces leviers. Il serait également intéressant de prolonger les travaux sur l’obtention des agrégats de plus

grande taille par des leviers de procédé. Nous avons vu ici que ceux-ci sont obtenus lorsqu’un optimum de probabilité de rencontre des espèces réactives est atteint via le macromélange en présence non limitante de matériel réactif. Une perspective consisterait ainsi à utiliser des géométries favorisant des trajectoires de nature chaotique dès les faibles valeurs de Reynolds, et par suite la rencontre d’espèces réactives. Il serait notamment judicieux de tester des géométries mettant en œuvre des coudes et des changements de direction qui génèrent des vortex de Dean (Acharya et al., 2001), afin d’explorer s’il est possible dans ce cas d’obtenir des agrégats de plus grande taille à faible valeur de Reynolds.