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Étant donné que je conçois avant tout ce travail comme une exploration des ressources poétiques méconnues propres à la longueur, il m’a semblé prématuré de proposer d’entrée de jeu un travail de recension des « longs poèmes américains » qui aurait impliqué la mobilisation des cadres conceptuels, méthodologiques et théoriques a priori. Il m’a semblé plus productif de me concentrer plus précisément sur quelques poèmes représentatifs du corpus dont l’étude me permettrait non seulement de faire ressortir la richesse de cette « forme » et la singularité de chaque approche, mais aussi d’identifier a

posteriori les problèmes communs posés par la longueur. C’est ainsi que mon choix s’est

arrêté en définitive sur « A » de Louis Zukofsky, Paterson de William Carlos Williams et les Maximus Poems de Charles Olson. Pour donner d’emblée une idée de la démesure de ces textes on peut préciser que le plus court d’entre eux fait 250 pages alors que le plus long s’étend sur presque 830 pages, on peut indiquer également que si Paterson a été écrit en dix-huit ans, Louis Zukofsky a consacré quarante-six ans à la rédaction de « A ».

Même si ces textes correspondent de toute évidence aux critères quantitatifs du « genre » l’on pourra néanmoins me reprocher le caractère arbitraire du corpus retenu qui aurait pu comprendre bien d’autres œuvres. Même si je compte préciser ici les raisons de mon choix, je ne conteste nullement la possibilité d’arrêter une autre sélection de textes. Malgré la différence de leurs approches théoriques et poétiques, il m’a néanmoins semblé que l’étude des « longs poèmes » de ces trois figures canoniques de la poésie américaine me permettrait de tracer les contours d’un moment original de la littérature américaine situé à la charnière de l’âge d’or moderniste et de l’avènement de l’ère postmoderniste inauguré par la célèbre conférence « Critical Languages and the Sciences of Man » de John Hopkins en 1966.

En effet, même si Zukofsky commença à rédiger « A » dès 1928, ce n’est qu’en 1940 qu’il publia à compte d’auteur First Half of « A »-9 et en 1959 que parut « A » 1-12. Ainsi, par la force des choses, on peut considérer « A » comme un poème d’après-guerre au même titre que Paterson dont le premier livre fut publié en 1946, et des Maximus Poems dont la rédaction débuta en 1950, et cela d’autant plus que ces trois poètes furent très profondément marqués par les évènements de la Seconde Guerre Mondiale dont leurs poèmes gardent la trace. Par ailleurs, la réception de leurs oeuvres fut, elle aussi, influencée par les débats qui entourèrent la canonisation progressive du modernisme après-guerre par la Nouvelle Critique anglo-saxonne. À un moment où l’émergence de la

contre-culture des années 60 bouleversait la littérature américaine, leur pedigree parut en effet rassurant, étant donné qu’ils avaient tous suivi un cursus universitaire, étaient profondément enracinés en Nouvelle-Angleterre et avaient tous contribué à l’émergence et à la théorisation du « mouvement moderniste » grâce à leurs essais et leur goût pour l’expérimentation. Ils offraient aussi une alternative séduisante au modernisme de Lawrence, Eliot et Pound jugé conservateur par une partie de la communauté littéraire et universitaire, car ils étaient issus de l’immigration24, appartenaient aux classes populaires pour deux d’entre eux et affichaient tous trois de fortes sympathies pour la gauche qu’elle soit marxiste, démocrate ou progressiste. D’une certaine manière, ils représentaient la synthèse idéale d’un double engagement politique et esthétique dont avait besoin la période de transition qui s’étend des années 40 aux années 60.

Si ces rapprochements biographiques peuvent sembler assez anecdotiques en définitive, on peut également remarquer que ces trois poètes évoluaient dans le même environnement qui contribua à façonner des pratiques qui demeurèrent néanmoins résolument distinctes. En effet, ils fréquentaient souvent les mêmes cercles, avaient les mêmes amis et étaient publiés dans les mêmes revues et les mêmes maisons d’édition25. C’est ainsi qu’il leur arriva de se lire, de correspondre, de se critiquer, voire de collaborer à des projets communs. C’est ainsi, par exemple, que Williams décida d’inclure « Projective Verse » dans son Autobiographie alors qu’Olson consacra plusieurs essais à Paterson. De même, on retrouve dans les longs poèmes de Williams comme de Zukofsky la trace d’une amitié vieille de trente ans dans le fait que la dix-septième section de « A » est une élégie dédiée au poète de Rutherford et que le cinquième livre de Paterson a été corrigé par

24 Les parents de Zukofsky étaient des juifs lettons parlant yiddish, d’Olson des suédois et de Williams, britanniques et puerto-ricains.

25 À ce titre il serait très intéressant d’étudier plus spécifiquement comment le contexte éditorial et matériel de l’époque a pu influencer sur la production du long poème. On pourrait notamment faire l’hypothèse que le développement des bourses (Guggenheim Fellowship, National Endowment for the Arts, Ford Foundation) et des prix littéraires (Dial Award, Levinson Prize, Bollingen Prize, Pulitzer Prize) ait pu inciter certains poètes à se lancer dans la rédaction de longs poèmes à un moment où il était très difficile de publier de la poésie et quasi impossible d’en vivre. De même la durée de vie très limitée d’éditeurs indépendants et des « little magazines » qui représentaient pourtant le principal débouché de la production poétique de l’époque, faisait que si les poèmes publiés dans des magazines étaient rapidement introuvables il était tout aussi difficile de croire à la pérennité et l’intégrité d’une œuvre publiée par plusieurs éditeurs, dans des formats différents et diffusée dans des réseaux distincts.

Zukofsky lorsque Williams n’était plus en mesure de la faire26. À l’inverse, même si Zukofsky reprochait à Olson son histrionisme didactique ainsi que d’avoir plagié « Sincerity and Objectification » et Bottom : On Shakespeare alors même que, de son côté, Olson ne s’intéressa jamais à Zukofsky malgré les éloges de Robert Creeley et Robert Duncan, chacun possédait les ouvrages de l’autre27.

Ce qui rapproche aussi ces trois poètes, c’est d’avoir été des lecteurs assidus des grands auteurs « modernistes » du début du XXe siècle. Zukofsky se passionna pour Joyce et Stein tout comme Williams d’ailleurs qui écrivit fréquemment au sujet de Marianne Moore, Ford Madox Ford et E.E. Cummings. De son côté, Olson fut un inconditionnel de Hart Crane, de W.B. Yeats et de D.H. Lawrence au début de sa carrière. Ils furent aussi tous trois liés par une amitié commune à Ezra Pound qui d’ailleurs les présenta les uns aux autres. Si Pound ne fut pas à proprement parler à l’origine de leur « vocation » poétique, il fut une figure tutélaire de leurs débuts en poésie et, même si Zukofsky, Williams et Olson prirent tous publiquement leurs distances à l’égard de Pound après guerre pour des raisons aussi théoriques que politiques liées au parcours italien de l’auteur des Cantos, il n’en demeura pas moins, bon an mal an, un ami, un correspondant et une influence. L’ambivalence de leur rapport à Pound me semble d’ailleurs plus largement symptomatique de leur rapport au modernisme dans son ensemble. Car s’ils furent des témoins privilégiés de ce moment clef de l’histoire littéraire américaine, ils lui survécurent et durent par conséquent prendre acte de ses limites et de ses échecs, sans pour autant renoncer aux avancées décisives qu’il avait permises.

La même logique se retrouve dans leur lecture des longs poèmes des années 20 et 30 qui informa d’ailleurs leurs propres travaux. Ils furent les témoins de leur achèvement et de leur réception, étudièrent leurs limites et leurs réussites, observèrent comment ces poèmes parvenaient ou non à s’inscrire dans leur temps. C’est ainsi que pour eux le projet de Hart Crane dans The Bridge de créer une grande « synthèse mystique » des États-Unis, s’avèrera être une impasse, comme semblait d’ailleurs le suggérer le suicide du poète qui,

26 On peut aussi évoquer l’intense collaboration de Williams et Zukofsky sur le recueil de poème The Wedge dont Williams considérait d’abord qu’il serait intitulé Paterson suggérant ainsi que Zukofsky a pu influencer de manière décisive la conception qu’avait Williams de son « long poème ».

27 Olson possédait « A »1-12 et A Test of Poetry tandis que Zukofsky possédait l’édition de 1960 des

Maximus, Archeologist of Morning, Mayan Letters et Poetry and Truth. Le seul contact direct que

semblent avoir eu les deux hommes fut lorsque Olson invita Zukofsky à enseigner à la Black Mountain School, ce que ce dernier refusa.

au cours du voyage en bateau qui le ramenait du Mexique en 1932, se précipita dans l’océan. Ainsi, Zukofsky parle de lui comme « our dread competitor » (LZ/WCW 86)28 alors que dans son essai « Shapiro is All Right » Williams affirme qu’il s’était trouvé pris au piège de sa propre logique des fins. Olson, dans son poème de jeunesse « Birth’s Obituary », professe certes son admiration pour Crane et fait de lui une figure mythique mais considère aussi que le suicide était le seul moyen de mettre un terme à ce projet impossible qui ne pouvait avoir pour seule issue qu’une ultime question sans réponse.

Ils réagirent aussi violemment à la publication de The Waste Land d’Eliot et à sa vision apocalyptique de la modernité. Pourtant ce n’est pas tant son rejet de la modernité ou le classicisme relatif de sa poésie qui les indignait le plus29 mais le fait qu’à lui seul, Eliot était parvenu à les déposséder de leurs propres efforts par son succès. Après avoir écrit the « King Fishers » en réaction à The Waste Land, Olson fut scandalisé de découvrir qu’Eliot l’avait dépossédé de son lieu de prédilection en consacrant à Gloucester la section « Burnt Norton » de ses Four Quartets. Williams considéra également la naturalisation et la conversion d’Eliot à l’anglicanisme comme une trahison de l’esprit américain30 mais il considérait aussi que The Waste Land avait fait de la poésie non seulement la préoccupation d’une coterie d’universitaires érudits mais encore un sous-produit de la philosophie et de la théologie. Ainsi, dans son Autobiographie, il écrit : « These were the years just before the great catastrophe to our letters – the appearance of T.S. Eliot’s The

Waste Land. […] Our work staggered to a halt for a moment under the blast of Eliot’s genius which gave the poem back to the academics. We did not know how to answer him. » (A 146) Le diagnostic est d’ailleurs le même pour Zukofsky dont le premier poème, « Poem beginning ‘The’ » peut être considéré comme une parodie de The Waste Land et un

28 Il affirme aussi dès 1930 : « Crane errs on the side of mysticism – to a recurrent shifting from one feeling-tone (one kind of ecstasy) to another. That there is a pseudo-substratum of idea contrasting with the feeling-tone is unfortunate in the first place. » (Prep 140)

29 En effet, il faut nuancer les attaques véhémentes de Williams et de Zukofsky contre the Waste Land et

Four Quartets dans la mesure où elles ne semblent pas concerner Eliot lui-même. En effet, leur relation

semble bien plus complexe qu’il n’y paraît dans la mesure où Zukofsky décidera d’inclure certains des poèmes d’Eliot dans son Objectivist Anthology et, qu’à la fin de sa vie, Williams reconnaîtra certains mérites à la pratique éliotienne de la poésie dans ses essais (cf. « The Poem as Field of Action ») et sa correspondance (SL 311-313).

30 Williams et Olson appréciaient à l’inverse Auden et Lawrence qui en s’exilant en Amérique avaient pris acte, selon eux, de la vitalité du continent.

défi lancé à la professionnalisation croissante de la littérature et de la lecture impulsée par Eliot et par l’Université.

Enfin, si toute la nation fut le témoin de l’échec retentissant des ambitions poundiennes à la suite du procès pour trahison de Pound qui se tint en 1945 et à son incarcération à l’hôpital psychiatrique de Saint Elizabeth’s de 1946 à 1958, cet échec marqua plus particulièrement Williams, Zukofsky et Olson qui avaient suivi de près l’évolution de son projet. Certes, les ambitions de Pound, nées du traumatisme de la première mondiale, étaient démesurées. Il se proposait en effet de réaliser la refondation poétique de l’Occident (et plus particulièrement de l’Amérique) en transférant à la poésie les missions et les objets de l’histoire, ce qui devait ainsi lui permettre de se concevoir comme un agent historique à part entière capable de produire un événement décisif. Si, pour Pound, la poésie se devait de constituer une alternative à l’histoire, ce n’est pas tant qu’elle était dans le déni de l’histoire mais qu’elle lui lançait un défi. Certes, ce projet permit à Pound de produire une poésie inouïe et aux Cantos de proposer à ses lecteurs une expérience inédite directement en prise sur le monde et le temps.

Mais, pour Pound lui-même, le poème n’était pas une fin en soi et représentait simplement le moyen d’opérer cette transformation du lecteur et du présent dont dépendait effectivement le succès de son entreprise. Pris par l’urgence de la crise qu’il percevait et poussé de l’avant par la promesse d’une réalisation imminente toujours à venir, Pound fut entièrement accaparé par la tâche qu’il s’était donné. Il accumulait les preuves, exhumait des textes oubliés, se confrontait aux monuments d’un passé oublié et tentait à tout prix de rendre présent un monde non seulement absent mais aussi privé et évanescent. Mais dès lors que l’histoire avait rattrapé le poète, que le moment de la grande transformation était bel et bien passé, que restait-il de tout cela ? Un souvenir ? Un poème sans objet ? Le vestige pittoresque d’un projet ruiné ? C’est comme si Pound n’avait jamais envisagé qu’il puisse survivre à son projet et que malgré ses ambitions la vie, le temps et l’histoire suivraient leur cours malgré tout. Et pourtant il subsistait bien un texte de 423 pages et ce même si, comme le fait très justement remarquer Hugh Kenner, les Cantos furent obsolètes sans jamais être parvenus à imposer leur actualité («Hence the paradox that an intensely topical poem had become archaïc without having been contemporary.» Kenner 1973 415).

Zukofsky, Williams et Olson furent ainsi les témoins de cette catastrophe poundienne et purent évaluer les dangers qu’il y avait à vouloir imposer le poème à l’échelle de l’histoire. Ils virent comment, en s’inscrivant dans le temps, le poème lui-même changeait de nature, se trouvant tout à coup aux prises avec le retard, l’urgence, la

promesse, l’obsolescence et la stase. Ils perçurent aussi comment la durée propre à l’écriture et à la lecture pouvait entrer en résonance et en conflit avec l’histoire, la vie et le temps. Enfin, ils durent reconnaître que si ces poèmes étaient en définitive des échecs sans suite possible c’est qu’ils s’étaient retrouvés pris au piège de la logique des fins qui caractérisait leur entreprise : Crane dut se confronter à l’impossibilité de produire la grande synthèse mythique de l’Amérique dont il avait rêvé ; le poème apocalyptique d’Eliot avait de fait privé de toute perspective les poètes qui arrivaient après lui ; les Cantos de Pound illustraient le folie d’avoir espéré soumettre l’histoire à son propre projet poétique.

Au fond, ce qui rapproche les trois poètes de mon corpus c’est d’avoir été parmi les premiers lecteurs du « long poème » en tant que tel. Ils purent percevoir les enjeux, les ressources et les dangers de cet objet mieux que leurs prédécesseurs qui avaient été sans doute trop obnubilés par leurs projets pour percevoir ce qu’ils étaient effectivement parvenus à accomplir. Il me semble en tout cas frappant que trois auteurs de générations différentes, associés à trois traditions distinctes de la poésie américaine (l’Imagisme pour Williams, la poésie Objectiviste pour Zukofsky et la Black Mountain School pour Olson) aient cru qu’il était encore possible d’écrire un long poème alors que les projets qui l’avaient sous-tendu jusqu’alors s’étaient soldés par des échecs ou des victoires à la Pyrrhus. Je fais donc l’hypothèse qu’en lisant les œuvres de leurs prédécesseurs, Olson, Williams et Zukofsky perçurent les possibilités offertes par les jeux de relations, d’échelles et de durées des poèmes de grande ampleur. Ils voulurent en faire le principe d’une nouvelle pratique poétique qui parviendrait à négocier son inscription dans le temps et dans le monde sans pour autant postuler la nécessité d’une maîtrise absolue et impossible. Par ailleurs, en recontextualisant les poèmes de la génération précédente, ils en modifièrent a posteriori la portée et le sens. Le geste de création du long poème ne visait plus à produire un poème génial et absolument singulier mais devenait un mode d’écriture, un type d’objet poétique que d’autres poètes après eux pourraient s’approprier. Au fond, ils contribuèrent à inventer la longueur dans la mesure où, en lui donnant une histoire et en créant un contexte pour sa réception, ils la rendaient perceptible indépendamment des projets et des ambitions individuelles.

Dès lors, si je choisis de parler du « long poème de seconde génération » c’est bien que je considère que le choix de cette forme correspond aux exigences de ce moment et qu’elle put paraître particulièrement opportune pour ces trois poètes. En cela je m’oppose à la tendance qui a voulu que l’on lise ces poèmes, notamment « A » et Paterson, dans le contexte des années 20 et 30 (voire du début du siècle) alors qu’ils relèvent bien plus

volontiers du contexte matériel et intellectuel des années 40 et 60. C’est ainsi que l’on fait remonter la genèse de Paterson au poème de 1914 « The Wanderer » en arguant qu’il lui avait fallu plus de trente ans pour entreprendre ce projet d’écriture, et l’on fait remarquer que si Zukofsky publia les premiers volumes de « A » dans les années 40 et 50, la rédaction du poème avait commencé dès 1928. Et que dire d’Olson qui, de six ans seulement le cadet de Zukofsky, ne se mit à la poésie qu’après guerre à la suite de sa découverte des Cantos de Pound. L’idée s’est subrepticement imposée que leurs travaux ne seraient que la survie tardive d’un mode d’écriture moderniste en déclin depuis longtemps du fait même de la durée qu’avait pris leur rédaction. Au fond, le « long poème » serait par la force des choses toujours anachronique.

La méfiance que suscite le long poème se retrouve aussi dans la difficulté à incorporer ces textes dans une conception canonique de Williams, Olson et Zukofsky. Car si ces poètes sont considérés comme des figures majeures de l’avant-garde, leurs longs poèmes sont souvent perçus comme manifestant une résurgence problématique du désir de faire système ou de l’ambition de prendre en charge la tradition. On considère que la mise en chantier de « A » amène progressivement Zukofsky à renoncer à son engagement politique pourtant jugé exemplaire jusqu’à « A »-9. Quant à Williams, qui fut avant tout canonisé pour ses improvisations quasi littéralistes et ses poèmes « imagistes », on ne parvient souvent pas à expliquer ce soudain désir d’œuvre. Bien loin d’être le lieu d’une inscription dans l’histoire et dans le temps collectif, le fait de se lancer ainsi dans la rédaction d’un long poème est conçu comme le symptôme du rejet du négotium en faveur d’une forme d’otium esthétique. Elle est interprétée comme marquant une rupture, un retrait généré sans doute par le désenchantement face à un monde voué à sa perte (la guerre, l’holocauste, la société de consommation de masse capitaliste), reproduisant ainsi