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Limite spontan´ee : ´emergence de paires individuelles corr´el´ees

1.2 Processus d’amplification param´etrique

1.2.2 Limite spontan´ee : ´emergence de paires individuelles corr´el´ees

Mise en ´evidence des corr´elations Afin de v´erifier l’existence des paires corr´el´ees pro- duites durant le processus d’amplification param´etrique, des mesures de corr´elation ont ´et´e r´ealis´ees. La figure 1.7 (a) pr´ecise le dispositif exp´erimental utilis´e par Burnham et Weinberg pour d´emontrer l’existence des paires [55]. Un faisceau laser monomode de longueur d’onde λP = 347 nm et de faible puissance est envoy´e sur un cristal d’ADP. L’interaction non-lin´eaire

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a l’int´erieur du cristal cr´ee `a partir d’un photon incident, une paire de photons de longueur d’onde λ1 = 633 nm et λ2 = 668 nm. Ces photons sont diffus´ees `a l’int´erieur d’un cˆone dont

les param`etres sont d´efinis par les conditions impos´ees par la conservation de l’´energie et de l’impulsion (conditions d’accord de phase). Un d´etecteur de photon unique est plac´e sur une des directions d’´emission des photons. Un autre est plac´e de fa¸con arbitraire. Ce dernier est mobile et peut ˆetre d´eplac´e dans le plan transverse au cˆone de diffusion. Au moyen de ce syst`eme de d´etection, les auteurs de [55] ont pu mesurer le taux de co¨ıncidences de d´etection RC sur les deux d´etecteurs. Ce taux a ´et´e ´etudi´e en fonction de la position du d´etecteur

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mobile. Une partie des r´esultats est pr´esent´ee sur la figure 1.7 (b). Cette figure correspond au cas d’un d´eplacement du d´etecteur suivant l’axe y. Cet axe est orthogonal au plan de la figure 1.7 (a). Le taux RC est piqu´ee autour d’une position donn´ee du d´etecteur. L’origine

de cet exc`es de co¨ıncidences de d´etection peut ˆetre attribu´e au fait que les photons sont ´emis par paires v´erifiant les conditions d’accord de phase. On ne peut pas en effet attribuer cette augmentation `a la forme spatiale du profil d’intensit´e du cˆone de lumi`ere. Le taux R1,

correspondant au taux de d´etection sur le d´etecteur mobile, reste en fait constant sur toute la plage de mesure. Cette mesure constitue donc bien une preuve de l’existence de paires de photons corr´el´es. La largeur du pic de corr´elation donne une indication de l’extension sur laquelle deux photons ´emis par l’interm´ediaire du processus d’amplification param´etrique restent corr´el´es. Les mesures effectu´ees suivant la direction x sont elles limit´ees par la largeur du profil d’intensit´e du cˆone.

Fig.1.7 – Mesure de corr´elations sur les faisceaux issus d’un amplificateur param´etrique op- tique. Les figures sont issues de [55]. (a) Dispositif exp´erimental utilis´e pour rendre compte de la production de paires corr´el´ees de photons. Un faisceau laser est envoy´e dans un cris- tal d’ADP. L’interaction non lin´eaire dans le cristal est responsable de la g´en´eration d’un cˆone de lumi`ere form´ee de paires de photons corr´el´ees. Deux photod´etecteurs, dont un mo- bile, permettent de mesurer les co¨ıncidences de d´etection des photons produits, en fonction des positions respectives des deux d´etecteurs. (b) Mesures de corr´elation entre les paires de photons produits par le dispositif. RC correspond au taux de co¨ıncidences de d´etection sur les

deux d´etecteurs. R1 correspond au taux de d´etection de photons sur le d´etecteur mobile. Y1

correspond `a la position du d´etecteur mobile suivant l’axe y.

Une autre question int´eressante que ce sont pos´ees les auteurs de [55] concerne la simul- tan´eit´e de cr´eation des deux photons lors de la conversion du photon incident `a l’int´erieur du cristal. En ajustant un d´elai sur leur ´electronique de comptage, les auteurs ont pu v´erifier que, `

a la pr´ecision de leur ´electronique, la cr´eation des deux photons ´etait simultan´ee. D’autres mesures plus r´ecentes ont donn´e acc`es `a la valeur pr´ecise de la largeur du pic de corr´elation temporelle [56]. Comme attendu, un photon ne peut pas ˆetre mieux localis´e en temps que l’inverse de sa largeur en fr´equence, qui constitue la limite fondamentale de ce ph´enom`ene. L’extension de la corr´elation dans le plan x − y est ´etroitement reli´e `a l’extension spatiale des modes de diffusion.

Toutes les mesures r´ealis´ees par Burnham et Weinberg sont des mesures de co¨ıncidences de d´etection. Elles reviennent donc `a des mesures de fonctions de corr´elation du second ordre G(2). Les mesures de corr´elations spatiales r´ealis´ees reviennent par exemple `a mesurer

G(2)(r1, τ ; r2, τ ) o`u r1 et r2 correspondent aux positions des deux d´etecteurs.

Dissociation de mol´ecules froides Un tr`es bon exemple d’analogue atomique du proces- sus d’amplification param´etrique optique correspond `a la dissociation de mol´ecules froides : en se dissociant, une mol´ecule d’´energie et d’impulsion donn´ees entraˆıne l’´emergence de deux atomes v´erifiant les conditions de conservation de l’´energie et de l’impulsion impos´ees par le processus. Cette image est l’analogue direct de l’image du paragraphe pr´ec´edent o`u un photon de fr´equence et de vecteur d’onde donn´es est converti en deux photons `a l’int´erieur d’un cristal. Comme pour les photons, on s’attend `a pouvoir mesurer les corr´elations qui relient les deux atomes ainsi produits. L’´equipe de D. Jin au JILA a r´eussi `a d´emontrer de telles corr´elations en observant la dissociation de mol´ecules de40K [57]. La figure 1.8 d´ecrit les r´esultats ainsi obtenus. L’immense majorit´e des ´equipes exp´erimentales qui travaillent avec des atomes r´ealisent leurs mesures au moyen d’un syst`eme d’imagerie par absorption : un laser proche de la r´esonance atomique illumine le gaz ´etudi´e. L’intensit´e lumineuse qui parvient `a traverser le nuage est simultan´ement mesur´ee au moyen d’une cam´era. Le r´esultat obtenu correspond `a une photographie de l’ombre port´ee du gaz sur la cam´era. La figure 1.8 (a) donne un r´esultat typique de ce type de mesure. Contrairement aux photo-d´etecteurs pour lesquels la mesure de co¨ıncidences est presque naturelle, extraire un signal de corr´elation d’images obtenues par l’interm´ediaire d’un syst`eme d’imagerie par absorption n´ecessite un peu de travail. Altmann et. al. ont propos´e une m´ethode astucieuse [58] qui a permis `a D. Jin et son ´equipe d’obtenir les r´esultats pr´esent´es sur la figure 1.8 (b). Les corr´elations observ´ees correspondent `a une mesure de G(2)(k, k). Pour k= −k, on observe un pic qui correspond

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a une augmentation du taux de d´etection de co¨ıncidences atomiques, en complet accord avec l’image de paires d’atomes corr´el´es. Contrairement aux mesures ´equivalentes de Burnham et Weinberg en optique quantique, la r´esolution du syst`eme de d´etection ne permet pas de rendre compte des largeurs du pic de corr´elation. D’autre part, la dissociation des mol´ecules donne naissance `a une sph`ere sur laquelle se r´epartissent les atomes dissoci´es. L’imagerie par absorption ne donne qu’une image de la projection de cette sph`ere sur un plan et limite donc l’´etude des corr´elations qui sont naturellement tridimensionnelles. Toujours est il que cette ´etude a permis de d´emontrer sans ´equivoque l’existence d’atomes corr´el´es et constitue une avanc´ee majeure dans le domaine de l’optique atomique.

De la violation d’in´egalit´es classiques au paradoxe EPR Imaginons qu’il soit possible de d´ecrire les champs ba1 et ba2 qui d´ecrivent deux modes coupl´es d’un amplificateur param´e-

trique optique comme des champs classiques. On peut alors d´eriver pour de tels champs [31], une in´egalit´e de Cauchy-Schwartz similaire `a la formule 1.5

ha†1a1a†2a2i ≤

h

h(a1†)2a21ih(a2†)2a22i

i1/2

(1.47) Si les deux modes sont sym´etriques, comme dans le cas d’un amplificateur param´etrique d´eg´en´er´e, l’in´egalit´e se simplifie sous la forme

ha†1a1a †

2a2i ≤ h(a †

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Fig. 1.8 – Mesure de corr´elations dans la dissociation de mol´ecules froides. Les images sont issues de [57]. (a) Image en absorption du nuage issu de la dissociation des mol´ecules. La distribution en impulsion des mol´ecules produites exp´erimentalement a une largeur d´efinie par la temp´erature initiale du gaz de mol´ecules, de l’ordre du µK. Lors de la dissociation, l’´energie de liaison des mol´ecules est convertie en impulsion et r´epartie de fa¸con ´egale entre les deux atomes dissoci´es du fait de la conservation de l’impulsion. Les atomes dissoci´es se r´epartissent donc sur une coquille sph´erique dans l’espace des impulsions. (b) Mesures de la fonction de corr´elation du second ordre G(2)(k, k′) d´emontrant l’existence de paires d’atomes corr´el´es. La fonction est trac´ee en fonction de l’angle ∆φ d´efini par les directions des vecteurs ket k′. Le module de ces vecteurs est ´egal au rayon de la sph`ere form´ee par les atomes issus de la dissociation des mol´ecules.

En m´ecanique quantique, l’in´egalit´e appropri´ee pour deux op´erateurs qui ne commutent pas s’´ecrit (voir 1.4) hba†1ba1ba † 2ba2i2≤ h(ba † 1ba1)2ih(ba † 2ba2)2i (1.49)

Pour des syst`emes sym´etriques, cela implique hba†1ba1ba

2ba2i ≤ h(ba †

1)2ba21i + hba†1ba1i (1.50)

Or, `a partir de l’´evolution des modes de l’amplificateur param´etrique d´eriv´ee pr´ec´edemment (voir 1.43), on peut ´ecrire que

b

n1(t) − bn2(t) = bn1(0) − bn2(0) (1.51)

o`u bni(t) = ba†i(t)bai(t) 8. Pour des modes initialement vides, cette derni`ere relation implique

que

hba†1(t)ba1(t)ba†2(t)ba2(t)i = h(ba†1(t))2ba1(t)2i + hba†1(t)ba1(t)i (1.52)

Cela correspond `a la violation maximale de l’in´egalit´e de Cauchy-Schwartz classique, autoris´ee par la m´ecanique quantique. Une mesure exp´erimentale est venue confirmer ce r´esultat [9]. Ce r´esultat marque donc bien le caract`ere quantique du processus d’amplification param´etrique. Malgr´e les succ`es de la m´ecanique quantique pour d´ecrire de tels ph´enom`enes non clas- siques, la nature de la r´ealit´e que nous pouvons attribuer aux objets physiques qu’elle d´ecrit a ´et´e remis en question d`es ses d´ebuts. Le fait que la m´ecanique quantique d´ecrive des objets 8Cette loi de conversation est d’ailleurs responsable d’un effet de squeezing sur les fluctuations de la dif-

f´erence du nombre de photons des deux modes. Nous en discutons un exemple exp´erimental un peu plus loin.

qui peuvent se trouver dans une superposition d’´etats bien distincts du point vue du r´esultat observ´e `a l’issue d’une mesure exp´erimentale a pos´e probl`eme au sein de la communaut´e scientifique. Ainsi, si nous consid´erons l’´etat |ψi = Pjcj|ψji, un processus de mesure va

choisir parmi cette superposition un unique ´etat |ψii pour d´ecrire l’´evolution ult´erieure du

syst`eme physique consid´er´e (r´eduction du paquet d’onde). Le probl`eme qui se pose r´eside dans l’interpr´etation que l’on peut donner au m´ecanisme qui d´ecide quel ´etat va ˆetre choisi parmi tous les autres. Une des cons´equences du formalisme quantique tient dans le fait qu’il ne semble pas possible de mettre en ´evidence une description locale de ce m´ecanisme de me- sure. En effet, un paradoxe soulev´e par Einstein, Podolsky et Rosen les amena `a consid´erer la m´ecanique quantique comme incompl`ete [59]. Le point de d´epart de leur paradoxe revient `a consid´erer un syt`eme physique constitu´e de deux sous-syst`emes : une paire de photons corr´e- l´es par exemple. Il est alors possible de r´ealiser sur chacun des deux sous-syst`emes une mesure arbitraire. Le point central de l’argumentation des trois physiciens revient `a consid´erer que si les deux syst`emes sont s´epar´es dans l’espace, une mesure effectu´ee sur l’un des deux sous- syst`emes n’a aucune raison de perturber l’autre sous-syst`eme. A partir de cette hypoth`ese, on peut d´emontrer qu’il est possible de connaˆıtre pr´ecisemment le r´esultat de la mesure de deux quantit´es physiques d´efinies par des op´erateurs qui ne commutent pas [33]. Ce r´esultat viole ouvertement les in´egalit´es impos´ees par le principe de Heisenberg. La conclusion de ce para- doxe revient `a consid´erer que : soit l’hypoth`ese d’Einstein, Podolsky et Rosen est fausse et donc la notion de localit´e doit ˆetre abandonn´ee, soit la m´ecanique quantique doit ˆetre remise en question. En 1964, J.S. Bell mit en ´evidence des in´egalit´es devant ˆetre v´erifi´ees dans le cadre de toutes les th´eories satisfaisant l’hypoth`ese d’Einstein, Podolsky et Rosen. L’int´erˆet de telles in´egalit´es r´eside dans le fait qu’elles peuvent ˆetre viol´ees par certains syst`emes phy- siques d´ecrits en m´ecanique quantique. En particulier, `a partir des ´etats physiques produits par l’interm´ediaire du processus d’amplification param´etrique, la violation des in´egalit´es de Bell a pu ˆetre d´emontr´ee exp´erimentalement [13]9. La violation des in´egalit´es de Bell consti- tue un des grands succ`es de la m´ecanique quantique dont les pr´edictions n’ont jamais ´et´e mises en d´efaut jusqu’`a aujourd’hui. On comprend bien au travers de cet exemple l’int´erˆet fondamental que constituent des sources telles que l’amplificateur param´etrique optique.