quatre-vingt-quatorze mille francs dans l'état général des dépenses du ministère de l'intérieur. Cette aug-mentation était destinée
: i"
à reporter à leur fixationprimitive les traitemens des professeurs et
fonction-naires
,
qui avaient été réduits aux trois quarts par un arrêté du Directoire du 3o janvier 1797(II plu
viose an v
)
; 20 à augmenter le traitement des élèves;
3° à pourvoir aux frais des examens. Aucune récla-mation ne s'éleva, dans les chambres
législatives,
contre un accroissement si considérable de dépense.
Le rapporteur, au Conseil des Cinq-Cents, ne dit que ce peu de mots
:
« L'Ecole Polytechnique jouitet à sa naissance d'une réputation que n'ont acquise
« qu'après des siècles
,
des écoles fameuses;
elle la« doit aux talens de ses professeurs
:
l'ami de la liberté« a long-temps eu des inquiétudes sur les opinions
« d'un grand nombre de ses élèves
;
ils s'empresseront« sans doute de les détruire. » Mais, par une singu-larité assez remarquable, tandis que le Conseil des Cinq-Cents, qui avait rétenti de tant de plaintes contre les dépenses de l'Ecole Polytechnique, les voyait tranquillement se grossir de près d'un tiers en sus, le Conseil de l'Ecole se montrait étonné et comme embarrassé de ce surcroît de richesse. Il déclara au ministre de l'intérieur qu'il avait reconnu, pendant
ces deux dernières
années,
que la somme de troiscent mille francs était suffisante, et que si le service
avait éprouvé quelques embarras, « c'était
unique-Il ment parce que cette somme n'avait pas été fournie
« en entier à beaucoup près. >: Il fit ensuite observer,
« que ses membres eussent désiré pouvoir n'accepter
« d'augmentation que jusqu'à concurrence de cinq
« mille francs; mais qu'étant informés que les
pro-« fesseurs du Collège de France, de l'Ecole de Santé
«
( de
Médecine),
des Mines,etc.,
étaientréinté-« grés dans le traitement de six mille
francs,
ils« eussent craint de manquer aux convenances, en
« se rangeant dans une classe inférieure aux autres
« établissemens publics analogues. » Le traitement des élèves, qui était de trente francs par mois, fut
porté à quarante francs.
L'ouverture des cours
fut
solennisée, comme l'année précédente, par une séance publique;et,
cette fois,le ministre de l'intérieur y présida en personne. A
cette séance, « où se trouvaient, dit le
récitolliciel,
« un grand nombre d'amis des sciences et des
arts,
« parmi lesquels étaient beaucoup de représentans
« du peuple, » on prononça huit discours, presque
tous assez longs. Guyton de Morveau, qui remplissait en l'absence de Monge les fonctions de Directeur,
après avoir exposé les progrès que, pendant les quatre
années de son existence et surtout pendant la
qua-trième
, l'Ecole
avait faits vers la perfection de son enseignement et de sa discipline, présenta, comme l'un des plus grands avantages politiques del'insti-tution
,
celui « de faire sortir en quelque sorte du« même berceau tous les aspirans aux différens
« services, et un certain nombre de citoyens destinés
« à porter dans les arts les lumières qu'il y ont
« acquises; de
rapprocher,
par le souvenir d'une« éducation commune, dans l'âge le plus propre à
« former des liaisons
durables,
ceuxqui,
répartis« dans les diiférens corps ou appelés à d'autres
pro-« fessions, ne se connaissaient le plus souvent que
« par la différence de leurs fonctions, et les
préven-« tions qu'elle n'est que trop sujette à produire. » Parlant ensuite de l'estime et de l'attachement que conservent pour l'Ecole tous ceux qui ont coopéré
à sa formation, qui y ont rempli quelques fonctions, ou qui l'ont vue d'assez près pour en prédire les
fruits,
il désigne, parmi les premiers, mais sansnommer Monge, « celui qui y a
jeté
les précieuses« traditions de l'Ecole de Mézières, et qui n'a cessé
« de lui donner des témoignages de sa sollicitude,
« jusques dans les commissions importantes que le
« gouvernement lui a confiées, et au milieu des
« grands événemens dont l'Egypte est devenue le
«
théâtre;
» et parmi lesderniers,
« le héros de«
l'Italie,
» que l'on a vu venir tant de fois à l'Ecole Polytechnique « chercher des délassemens enmesu-« rant la hauteur à laquelle les sciences exactes
« étaient parvenues, en calculant l'influence que
« devait avoir, sur la masse de lumières de la
na-« tion
,
l'impulsion extraordinaire donnée aux esprits« vers les études mathématiques. Ceux qui en ont
« été témoins n'oublieront pas sans doute et ne
« négligeront pas de transmettre ce qu'ils ont entendu
« de sa
bouche, lorsque,
parcourant les salles de« leurs exercices, considérant les travaux différens
« dont ils étaient occupés, il les félicitait de cette
a réunion de connaissances diverses, seul moyen de
« sortir de la routine des professions, et de rendre
« à son pays des services éclatans. »
Après le discours du Directeur, Prony
lut
unein-troduction aux cours d'Analyse et de Mécanique, dans laquelle il développa, avec un talent
remar-quable, de belles considérations sur les sciences
ma-thématiquesrésulter,
,
et sur les heureux effets qui doiventpour la géométrie et pour les sciences en
général, de l'enseignement central établi à l'Ecole Polytechnique. Fourcroy lui succéda, et entra dans de très-longs détails sur les avantages de l'étude de
la Chimie, et sur la manière dont elle est enseignée à l'Ecole Polytechnique. Ce discours
,
qui surpasse debeaucoup en étendue tous ceux qui furent prononcés dans cette séance, est écrit d'un style brillant et
pur,
et rempli de faits et d'aperçus intéressans. En-suite Lagrange se leva. Ce qu'on appela son discours n'est qu'une simple note dépouillée de toute formeoratoire. Il commença
ainsi : «
Lathéorie
desfonc-« tions, que je me propose d'exposer cette année
,
a« pour objet de faire disparaître les difficultés qui se
« rencontrent dans les principes du calcul
différen-« tiel. » Et après avoir parlé uniquement de la théorie
des fonctions, il se rassit, et continua d'y penser.
Hassenfratz et Neveu exposèrent le plan des cours de Physique générale et de Dessin. Gay de Vernon présenta des considérations générales sur
l'enseigne-ment de la Géométrie descriptive, et y joignit des notices sur les cours d'Applications
,
qui étaient ceux des Travaux civils,
d'Architecture,
des Mines ,et de Fortification. Il s'étendit beaucoup plus sur
cette dernière partie dont il était spécialement chargé;
puis, entrainé par son sujet à rappeler quelques faits
d'armes
réccns,
parmi lesquels se trouvait la belle défense de Mayence, il mit tout à coup sous les yeux de l'Assemblée une urne qui renfermait les ossemensdu général Meusnier, savant ingénieur militaire, mort à la fleur de son âge, pendant ce siège mémo-rable. L'impression produite par cet épisode funèbre sur des esprits que les lectures précédentes n'avaient pas préparés à ce genre d'émotion
,
fut des pluspro-fondes. Une note
jointe
au discours imprimé rapporte, et des témoins oculaires confirment, que tous les yeux étaient mouillés de larmes.Le ministre prit la parole après tous les professeurs, et les premiers mots qu'il fit entendre furent gron-deurs et menaçans : « Jeunes citoyens (et quand
je
« vous donne ce titre sacré, ce nom chéri des
répu-« blicains,
je
suis sûr que vous en connaissez ladi-« gnité, quoiqu'elle n'ait pas été sentie par quelques
« insensés qui heureusement ne sont plus parmi
« vous)
!
» Après un:court éloge des professeurs, du Directeur, et de l'Ecole elle-même « justementpla-« cée au premier rang dans l'instruction publique, »
il s'attache à faire sentir aux élèves
tout
ce qu'ilsdoi-vent de reconnaissance à la patrie qui les « cherche
« jusque dans leur
berceau,
pour les mettre enrap-« port avec toute l'antiquité savante, et en relation
« avec les hommes que l'Europe moderne honore le
« plus de son estime. » « Si l'amour de la
patrie,
» dit-il plusloin,
« agit par sentiment sur le reste des« hommes, il est permis de penser que c'est aux
« savans que l'existence de cet amour est
géométri-« quement démontrée. Je peux le dire ici, dans la
« langue qui vous est familière
,
la liberté est lethéo-« rême
donné
par la nature;
larépublique
en est« la démonstration
;
l'amour de la patrie en est le« corollaire. » Aucune note ne fait connaître l'im-pression
produite
par ces paroles duministre,
quiétait d'ailleurs un homme d'esprit.
Peu de jours après cette séance, le ministre annonça au Conseil que
Peyrard,
bibliothécaire del'Ecole,
était nommé professeur de bibliographie. Le Conseil réclama vivement contre
l'introduction
de ce nouveaucoursblir
,
et allajusqu'à
déclarer qu'il ne pourraits'éta-sans renverser le plan d'enseignement