âge ?
« L’avancée en âge confronte le sujet à des pertes répétées touchant à la fois le corps (séduction, capacités physiques, etc.), l’image de soi, la mort
d’autrui (perte du conjoint, d’un ami, etc.), des fonctions cognitives (déclin mnésique, troubles attentionnels, etc.) et à sa propre mort. »
- Carole FANTINI, Marie-Christine GELY-NARGEOT, Stéphane
RAFFARD - Psychologues (2014)
Dans les scénarii actuels de projections de la population française, le phénomène de vieillissement de la population (augmentation de la part du nombre de personnes âgées dans la population totale) est décrit en se basant sur les personnes âgées de plus de 60
ans. Selon Bourdelais (1992), ce seuil d’âge est inchangé depuis 1870, avec un
pourcentage qui est passé de 13% en 1900 à 22% en 2000. Mais de nos jours est-on vieux
à 60 ans ? PeutǦon confondre l’âge de la retraite avec l’âge de la vieillesse ? Existe-t-il
seulement un âge seuil d’entrée dans la vieillesse ? Pour l’OMS, ce seuil se situe à 65 ans
mais selon le professeur Gruaux (1972) « La vieillesse est différente du 3ème âge […]. La
vieillesse, c’est un état de dépendance qui réclame un appui social important de la
collectivité. »
Il conviendrait également de définir la notion d’âge qui recouvre une réalité variée : âge
chronologique, âge biologique, âge psychologique, âge sociologique (Fantini et al., 2014)
auxquels s’ajoutela notion d’âge subjectif (Guiot, 1999), qui se définit comme la tendance
à se sentir plus jeune ou plus âgé que son âge. Une personne peut être âgée mais se
sentir jeune et réciproquement ; l’âge chronologique intervenant peu dans ce sentiment.
Selon Montepare (1989), l’âge subjectif est une évaluation subjective de soi au regard de son propre
vieillissement, qui renvoie à la perception de l’âge psychologique, physique et social.
Selon l’OMS, le vieillissement est un «processus de changement progressif dans les
structures biologiques, psychologiques et sociales de l’individu ». Pour Fantini (et al., 2014),
le vieillissement décrit le processus d’avancée en âge de la naissance à la mort. Ainsi, parler
de « personnes qui avancent en âge » plutôt que de « personnes âgées » permet de les
considérer dans ce processus dynamique plutôt qu’à travers une vision figée et réductrice
en tranches d’âges qui aboutit à la production de réponses stéréotypées (Cérèse &
Eynard, 2014).
Dans nos sociétés occidentales où la jeunesse et la performance tiennent une place importante, vieillir est perçu négativement et nourrit de nombreuses craintes. Les
représentations du vieillissement s’organisent majoritairement autour des notions de perte
et de déclin des capacités physiques et cognitives (Fantini et al. 2014). Il existe pourtant
Le vieillissement normal caractérise les personnes qui lors de leur avancée en âge ont une atteinte de certaines de leurs fonctions et des déficits, mais une absence de pathologies définies (Rowe & Kahn, 1987). Le vieillissement pathologique est marqué par la survenue
d’une maladie et/ou de handicap(s) (Gély-Nargeot & Raffard, 2010). Le vieillissement
réussi (-successfull ageing) suppose non seulement l’absence de maladies, mais également
une préservation des habiletés et des capacités (physiques et cognitives) et l’engagement
dans des activités sociales et productives (Rowe & Kahn, 1997), ce qui nécessite une
bonne capacité d’adaptation (résilience). Selon Ryff (1989), les dimensions essentielles
d’une satisfaction de vie malgré l’âge sont l’acceptation, les relations positives à autrui,
l’autonomie, le contrôle de son environnement, les buts personnels et le développement
personnel.
Ainsi, ce que l’on nomme communément «les personnes âgées » est en réalité un groupe
très hétérogène, englobant deux voire trois générations, avec un éventail très large de capacités physiques, de capacités intellectuelles, de confessions religieuses, de caractères, de classes sociales, de moyens financiers, de provenances, de situations familiales, de cultures (rites sociaux, habitudes culinaires, etc.) (Gilroy, 2008). Le seul point commun entre toutes ces personnes serait leur statut de retraités (bien que certaines personnes continuent à exercer une profession). Tourtefois, si le « vieillissement de la population » regroupe une grande diversité de besoins et de situations, les difficultés rencontrées par
les individus avec l’avancée en âge sont similaires (Cérèse & Eynard, 2014).
2.2 Problématiques liées à la prise en charge de la dépendance
2.2.1 La notion de dépendance
La dépendance est définie dans l’ouvrage Vieillir dans la ville (Plan urbain & Mire, 1992)
comme l’incapacité à accomplir les actes de la vie quotidienne sans l’aide d’un tiers. En
France, le niveau de dépendance d’une personne âgée de plus de 60 ans est évalué à
partir de la grille AGGIR, qui classe les individus en six catégories, les groupes GIR (Groupe
Iso-Ressources) selon la grille ci-dessous (cf. Tableau 1) (Code de l’Action Sociale et des
Familles, art. R232-3).
Ce classement est effectué par le médecin traitant à partir d’un questionnaire préétabli, et
sert avant tout au calcul des financements et aides versées à une personne ou à un établissement en fonction des besoins de soin évalués. Administrativement, une personne sera considérée comme dépendante si elle est âgée de plus de 60 ans et si elle appartient
aux groupes GIR 1 à 4, ce qui ouvre droit à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
Fin 2010, 1.2 millions de personnes bénéficiaient de l’APA en France (DREES). Les
personnes évaluées GIR 1 ou 2 représentent 36% de l’ensemble des bénéficiaires, soit près
de 450.000 personnes.
Le classement GIR est avant tout administratif, et ne reflète pas avec exactitude l’état de
dépendance d’une personne, car celle-ci est souvent définie par des « incapacités à » sans
se préoccuper de l’interaction avec son environnement social ou physique. Si une
personne âgée logée dans un appartement au 3èmeétage sans ascenseur ne peut plus
faire ses courses seule, cela ne signifie pas pour autant qu’elle ne serait pas capable de les
faire dans un environnement adapté. Selon la gérontologue Colette Eynard (2006), la
dépendance n’est pas un état, c’est une « relation entre une personne et son
environnement matériel et affectif » (on n’est pas « dépendant », on est dépendant de
quelqu’un ou de quelque chose). La notion d’interdépendance est donc plus intéressante.
2.2.2 Stratégies de gestion de la dépendance
Dans leur chapitre d’ouvrage consacré aux modalités de gestion de la dépendance par les
personnes âgées et leurs familles, Marie-Thérèse Espinasse et Bruno Lefèbvre (1992) ont décrit avec beaucoup de justesse les situations dans lesquelles se retrouvent les personnes
avec la survenue des handicaps ainsi que leurs manières d’y faire face. Plus de 20 ans plus
tard, ces propos sont toujours d’actualité.
Dans le cas des personnes âgées vivant en couple, l’apparition de la dépendance donne lieu à une nouvelle répartition des tâches, le plus valide s’occupant alors des tâches
fatigantes en se passant d’une aide extérieure. Cette entraide peut se transformer en une
prise en charge totale jusqu’à épuisement du conjoint. Mais, en raison de la prévalence du
veuvage, ce sont les enfants qui sont le plus sollicités pour pallier les difficultés rencontrées.
La nature et la fréquence de l’aide apportée par les enfants sont fonction de la proximité
géographique, de leur état de santé, mais aussi et surtout des relations antérieures avec leur parent. Cette aide peut prendre de nombreuses formes : courses, ménage, démarches administratives, entretien du linge, etc.
D’une manière générale, la famille joue un rôle important dans la gestion de la dépendance des personnes âgées. En effet, la dépendance nécessite l’aide d’un tiers et
cette prise en charge donne lieu à de multiples configurations issues de négociations entre la personne âgée, son entourage familial, les professionnels de la santé et les services gérontologiques. Chaque personne âgée développe des stratégies différentes, en fonction
de son passé, de ses relations familiales, de son niveau socioǦculturel, de sa relation aux
institutions, etc. Selon Espinasse et Lefèbvre (1992), il existe quatre grands types de
stratégie à l’égard de l’offre de services:
· Refuser ou éviter les services ;
· Se servir et détourner les services ;
un déterminisme dans la stratégie de gestion de la dépendance en fonction de la
catégorie sociale à laquelle appartient l’individu (Pennec, 2006) (Tableau 2).
Tableau 2 Appartenance sociale, aide familiale et services professionnels (Pennec, 2006)
Les stratégies collectives de gestion de la dépendance sont établies par les Conseils
Généraux dans le cadre du schéma gérontologique, outil de planification sur 5 ans d’une
politique gérontologique territoriale. Ce schéma découpe le département en bassins
gérontologiques et dénombre dans chacun d’eux les autorisations nécessaires
d’ouvertures de services afin de répondre aux besoins des administrés. Il s’agit
principalement de création de services d’aide à domicile (SAD, SSIAD) ou de création de
places en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).
Si la volonté exprimée par la majorité des français et par les pouvoirs publics est de pouvoir vieillir et mourir chez soi, les réalités du maintien à domicile ne garantissent pas
nécessairement le meilleur accompagnement et ne permettent pas à tous d’en bénéficier
(Guthleben, 2004). En effet, l’épuisement de l’aidant principal, l’inadaptation de
l’environnement au handicap, l’absence d’offres de services sur le territoire sont autant de
causes qui ne permettent pas le maintien à domicile et génèrent l’entrée en EHPAD (Colin,
2000).
L’entrée en institution, rarement consentie de bon gré par les intéressés, est souvent
perçue comme un lieu de relégation de la vieillesse et de la dépendance (Mallon, 2004, Billé, 2005). Selon une étude du PUCA (Plan Urbanisme Construction et Architecture) sur
l’offre d’habitat et les choix de vie au grand âge (Chaillou et al., 2008), les facteurs qui
déclenchent un déménagement volontaire dans un logement plus ou moins
institutionnels sont : l’inquiétude par rapport à des problèmes de santé, l’insécurité
ressentie par l’absence d’une présence proche, le sentiment de vulnérabilité, la survenue
d’une rupture dans les parcours de vie (décès du conjoint), le désir de garder le contrôle
de sa vie et de ne pas être à la charge de ses enfants, mais aussi, l’inadaptation du
logement.
« C'est ça, être vieux. C'est d'avoir un seul endroit où aller, et d'être obligé d'y aller. »
2.3 Lieux de vie institutionnels pour personnes âgées
2.3.1 Définition
Selon le Larousse (2015), une institution est « une norme ou une pratique socialement
sanctionnée, une valeur officielle, légale, un organisme visant à les maintenir. » En
sociologie, une institution est généralement une structure sociale pérenne constituée d’un
ensemble de tâches, règles et conduites entre les personnes. Un lieu de vie institutionnel est donc un lieu de vie où les règles et les pratiques ne sont pas dictées par le libre arbitre
comme c’est le cas dans le logement privé mais par une institution.
Il existe différents lieux de vie institutionnels en France ; foyer de jeunes travailleurs, foyer
de jeunes fille mère, foyer de vie pour personnes handicapées, foyer d’accueil médicalisé
pour personnes handicapées, maison d’accueil spécialisée pour personnes handicapées,
maison d’arrêt, maison de retraite, hôpital psychiatrique, unité de soins palliatifs, etc. Les
cultures à l’œuvre dans ces différentes institutions varient considérablement en fonction
du public accueilli : culture éducative, médicale, de surveillance et/ou de répression.
Toutefois tous ces lieux de vie ont en commun d’accueillir des personnes, de les héberger,
de les accompagner d’une manière spécifique et d’en prendre la responsabilité. La
présence de l’institution exerce d’une manière ou d’une autre un contrôle sur les individus
qu’elle héberge afin de s’assurer de leur sécurité et/ou de celles des personnes qui se
trouvent à l’extérieur de l’institution (pour des raisons de responsabilité notamment). Que
ce contrôle soit bienveillant ou invasif, il entraîne nécessairement une privation de liberté des personnes (cf. section 2.3.3).
Un lieu de vie géré par une institution est un espace d’une grande complexité en raison
de la superposition de ses fonctions qui génère nombre de conflits d’usages : il est à la fois
espace de vie pour une catégorie de personnes qui ont à priori quelque chose en
commun et en général un besoin d’accompagnement, un espace de travail pour des
professionnels en charge dudit accompagnement, un espace de visite pour des proches et parfois, aussi, espace de fin de vie.
2.3.2 L’EHPAD : quelques données clés
La loi n°2002Ǧ2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale a représenté
une étape essentielle de la réforme des institutions d’hébergement et de soins pour
personnes âgées. Elle a, en particulier, privilégié un type d’établissement unique : les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Ainsi, tout
en gardant leurs spécificités, les différents types d’établissements conventionnés sont
désormais qualifiés d’EHPA (établissement d’hébergement pour personnes âgées), qu’ils
soient maisons de retraite, logementsǦfoyers, petites unités de vie (PUV), foyers
d’hébergement temporaire, maisons d’accueil pour personnes âgées (MAPA ou MARPA)
ou encore unités de soins de longue durée (USLD en établissements de santé), publics ou privés.
Selon l’enquête EHPA de la DREES (Volant, 2014), en 2011, 693 000 personnes âgées de
plus de 60 ans sont accueillies en établissement d’hébergement. Les trois quarts des
effectifs sont des femmes (Figure 19). L’âge moyen des résidents atteint 85 ans. Fin 2011,
22 % des résidents, soit 152 600 personnes, souffrent de la maladie d’Alzheimer ou d’une
Figure 19 Pyramide des âges des résidents en EHPA en 2007 et 2011 (DREES, 2014)
Toujours selon cette enquête, 98 % des personnes en institution y résident de manière permanente. La durée moyenne de séjour, 2 ans et demi, reste stable depuis 2007. Hors logements-foyers, 48 % des entrants sont très dépendants (groupes iso-ressources [GIR] 1
ou 2), contre 55 % de l’ensemble des résidents. Toutefois, les entrants de moins de 75 ans
semblent être autant voire plus dépendants que les autres résidents du même âge. 91 %
des résidents hors logements-foyers ont besoin d’une aide pour la toilette et 83 % pour
l’habillage. 81 % d’entre eux présentent des problèmes d’incohérence dans le
comportement ou la communication.
D’après l’enquête menée par la DREES sur les pathologies des personnes âgées vivant en
établissement (Dutheil & Scheidegger, 2006), 85 % des personnes présentent une affection neuropsychiatrique, notamment un état dépressif ou un syndrome démentiel.
Les maladies cardiovasculaires touchent les trois quarts des résidents, l’hypertension
artérielle étant en particulier au premier rang des pathologies rencontrées, avec 47 % de personnes atteintes. Les résidents cumulent en moyenne sept pathologies diagnostiquées et consomment en moyenne 7 médicaments par jour.
L’enquête EHPA menée en 2000 indique que l’entrée en institution est le plus souvent
ressentie comme imposée (Somme, 2003). Pour la plupart des résidents, c’est la famille (41
%) qui a décidé de l’institutionnalisation et dans 20% des cas, la décision a été prise par les
professionnels de santé (cité par Macia et al., 2008). Ainsi, le parent âgé est le plus souvent
« placé » en maison de retraite par son entourage, ce qui transforme le sujet en objet de
placement (Dorange, 2005).
2.3.3 L’institution : un lieu de restriction de la liberté
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, a proposé lors
de son rapport d’activités de 2012 d’étendre son champ de compétence aux EHPAD, ce
qui a soulevé de nombreux débats. Cette proposition est liée à la présence dans la plupart
des établissements d’unités fermées pour les résidents atteints de maladie d’Alzheimer ou
de troubles du comportement, de digicodes aux portes, de pratiques de contention chimique ou physique, etc.
Selon un texte paru en ligne sur le site du Ministère des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des Femmes (2013), cette proposition a le mérite de poser des questions essentielles sur la liberté et les droits des résidents.
« Pour ma part, la liberté de chaque résident, à tout instant et quel que
soit son degré de perte d’autonomie, doit être l’astre supérieur qui
commande chacune des décisions et des pratiques (portes fermées,
dispositifs de géolocalisation…) en EHPAD. Comme partout »
- Michèle DELAUNAY – Ministre de la Santé (2013)
La nécessité pour une institution de surveiller et de contrôler les individus qu’elle accueille,
notamment lorsqu’ils présentent des risques ou des troubles du comportement a fait
l’objet d’une réflexion architecturale poussée à la fin du XVIIIème siècle dans le milieu
carcéral par les frères Bentham (1780) à travers le Panoptique. Ce concept ainsi que
l’assignation coercitive et différenciée des personnes en fonction de leur statut aura été
repris et décrit par Foucault (1977) qui développe la notion « d’institution disciplinaire ». Le
principe du Panoptique est le suivant : « à la périphérie un bâtiment en anneau ; au centre
une tour ; celle-ci est percée de larges fenêtres qui ouvrent sur la face intérieure de
l’anneau ; le bâtiment périphérique est divisé en cellules, dont chacune traverse toute
l’épaisseur du bâtiment. Elles ont deux fenêtres, l’une vers l’intérieur, correspondant aux
fenêtres de la tour ; l’autre donnant sur l’extérieur, permet à la lumière de traverser la
cellule de part en part. Il suffit alors de placer un surveillant dans la tour centrale, et dans
chaque cellule d’enfermer un fou, un malade, un condamné, un ouvrier ou un écolier. (…) Chacun, à sa place, est bien enfermé dans une cellule d’où il est vu de face par le
surveillant ; mais les murs latéraux l’empêchent d’entrer en contact avec ses compagnons.
(…) De là, l’effet majeur du Panoptique : induire chez le détenu un état conscient et
permanent de visibilité qui assure le fonctionnement automatique du pouvoir. » (Foucault, 1977) (cf. Figure 20).
Figure 20 Illustration du principe du Panoptique de Bentham (source personnelle, 2015)
Avant les « institutions disciplinaires » de Michel Foucault, le sociologue Erving Goffman introduit la notion d'« institution totale » (1968). Une institution totale est définie comme «
caractéristiques suivantes : ils sont coupés du monde extérieur, tous les besoins sont pris
en charge par l’institution, son mode de fonctionnement est bureaucratique, les contacts
entre les « reclus » et les « surveillants » sont limités, la temporalité est modifiée par rapport
au monde « normal ».
Ces institutions détruisent partiellement l'identité des « reclus », même s’ils sont
généralement capables d'adaptations ingénieuses (Amourous & Blanc, 2001). Pour Macia (et al., 2008), les personnes âgées en institution semblent réduites à leur corps et ne plus
répondre qu’aux injonctions du pouvoir. La maison de retraite serait – malgré elle - une
institution aliénante aux espaces privés réduits, à la structuration temporelle contraignante,
source de mal-être pour les résidents (Piquemal-Vieu, 1999, Macia et al., 2007). De
nombreuses mutations sont à opérer pour que cette solution ne soit plus considérée comme « la dernière des solutions » et offrir un cadre de vie plus agréable et moins coercitif pour ses habitants.
2.4 La nécessaire mutation des établissements
Cette nécessité de faire évoluer ces structures est à l’origine de la thèse. L’ouverture des
établissements (sujet de mon diplôme d’architecte) faisait partie du périmètre initial de
recherche parmi d’autres réflexions. L’exercice de la thèse veut la définition d’un périmètre
suffisamment petit pour espérer des avancées significatives, nous avons fait le choix de ne pas traiter cette partie. Toutefois, cette réflexion essentielle à nos yeux a été menée en parallèle et nous souhaitons la restituer ici de manière partielle. Cette section est donc
extraite d’un chapitre d’ouvrage que nous avons publié en 2014 avec Colette Eynard
intitulé « Domicile, habitats intermédiaires, EHPAD : quelles mutations à opérer pour
soutenir l’autonomie dans le parcours résidentiel » (2014).
« L’EHPAD –terme déshumanisant malgré les tentatives successives « d’humanisation » de
ce qu’on nomme encore, et plus justement, la maison de retraite – a du mal à se détacher
d’un fonctionnement calqué sur les établissements sanitaires (hôpitaux…) et la vie
institutionnelle y laisse peu de place à l’individu. Cela peut générer des maltraitances,
latentes ou invisibles, par le déni de la personnalité et des différences de chacun (rythmes
de vie, goûts, moyens financiers…). En effet, la même prestation est offerte à tous et rares
sont les aménagements possibles pour une individualisation. Paradoxalement, la prise en
charge de la dépendance devient alors souvent synonyme de privation de l’autonomie
des personnes. Dans ces conditions, comment ne pas considérer l’EHPAD comme un pis
-aller ? Peut-on réellement choisir de son plein gré de s’installer dans ce qui peut être
considéré comme un lieu de privation de liberté, les injonctions de sécurisation limitant de