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Introduction générale

1.1 Les vasières intertidales en milieu tempéré, un site atelier

1.1.3 Les vasières intertidales en zones tempérées

Les vasières intertidales font partie des zones côtières et sont soumises au rythme tidal (c’est-à-dire soumises au balancement des marées). Il en existe trois types (Dyer et al., 2000) :

- Les vasières de faible latitude correspondant à des zones arides ou tropicales, qui sont généralement colonisées par les mangroves

- Les vasières de latitude moyenne correspondant aux vasières en climat tempéré - Les vasières se trouvant dans les latitudes élevées, proche des pôles souvent

recouvertes de glace

Les vasières intertidales européennes correspondent aux vasières de latitudes moyennes et peuvent être 1) recouvertes de macrophytes, ou de macro-algues (ex : herbiers à zoostères -

trophiques entraînant donc par cascade, une forte productivité globale du système (Heip et al., 1995).

La vasière de Brouage, est une vasière intertidale nue dont le marnage maximum peut atteindre 6 mètres et les marées sont semi-diurnes (2 marées basses et 2 marées hautes dans une journée). Cette vasière présente un faciès composé d’un système de seillons-banquettes fluctuant au cours de l’année (Figure 1 B).

Figure 1. A) Carte indiquant la situation de point d’échantillonnage au sein des Pertuis Charentais ; B) Photo illustrant le système de seillons-banquettes (photo : A. Barnett).

Dans les vasières intertidales nues tempérées, les diatomées dominent souvent la communauté des micro-algues benthiques ou microphytobenthos qui assure la totalité de la production primaire benthique (Admiraal, 1984; MacIntyre et al., 1996; Underwood and Kromkamp, 1999). De par ses propriétés cohésives, le sédiment vaseux présente un profil de pénétration de la lumière caractéristique qui diffère des sédiments sableux (Figure 2) (Cartaxana et al., 2011). En effet, au-delà de 500 µm de profondeur, moins de 5% de l’irradiance pénètre dans un sédiment vaseux contre 50% dans les sables. Celle-ci conditionne donc la distribution verticale des micro-algues à marée basse, limitées par la lumière en profondeur.

Figure 2. Diminution de l’irradiance dans des sédiments vaseux ou sableux selon un gradient de profondeur (Cartaxana et al., 2011).

1.1.3.1 Le microphytobenthos, à l’origine de la production des vasières intertidales nues Un biofilm microphytobenthique se compose d’organismes autotrophes qui synthétisent leur propre source de carbone organique, associés à des organismes hétérotrophes (qui ont besoin d’une source externe de carbone organique) et d’une matrice de substances exopolymériques (EPS, pour « exopolymeric substances ») (Decho, 2000; Flemming and Wingender, 2010). Les organismes autotrophes peuvent être des diatomées (Underwood and Kromkamp, 1999), des algues vertes, et/ou des procaryotes comme les cyanobactéries. Les organismes hétérotrophes sont des bactéries, des archées, des champignons ou des particules virales (Decho, 2000; van Duyl et al., 2000). La majorité de ces organismes, autotrophes ou hétérotrophes, produisent des EPS qui ont des rôles variés et variables selon les études et les assemblages taxonomiques considérés (Decho, 2000).

symétrie radiale), plutôt planctoniques (Underwood and Smith, 1998; Haubois et al., 2005; Forster et al., 2006; Barnett et al., 2014). Les espèces les plus fréquentes dans la vasière de Brouage sont : Navicula phyllepta, Navicula digitoradiata, Navicula gregaria, Staurophora wislouchii, Gyrosigma fasciola et Nitzschia dissipata (Haubois et al., 2005).

Ces diatomées épipéliques réalisent une migration globale cyclique vers la surface lors de chaque marée basse. Egalement, au sein même du biofilm, elles sont capables de micro-migrations pour atteindre une zone où l’irradiance est optimale afin de maximiser l’absorption tout en minimisant la photo-inhibition due à de trop fortes radiations (Consalvey et al., 2004). Ainsi, deux types de biomasses microphytobenthiques ont été définies (Figure 3):

- la biomasse totale est qualifiée de biomasse photosynthétiquement compétente (photosynthetically competent biomass, PCB). Cette biomasse présente le potentiel de réaliser la photosynthèse instantanément en présence de lumière (MacIntyre and Cullen, 1995; Herlory, 2005). Elle se trouverait dans le premier centimètre à la surface du sédiment.

- lorsque qu’une partie de cette biomasse migre dans une zone où la lumière est suffisante pour réaliser la photosynthèse, elle devient alors la biomasse photosynthétiquement

active (photosynthetically active biomass, PAB).

Figure 3. Hypothèse de rotation des diatomées épipéliques à la surface d’un sédiment vaseux, adapté de Consalvey et al. (2004).

Les diatomées épipéliques seraient peu limitées en nutriments dans les sédiments côtiers puisqu’elles les puiseraient dans le sédiment principalement lors des migrations tidales (Underwood and Kromkamp, 1999). Leur assimilation est intense à marée basse et le MPB est donc un facteur majeur influençant les processus bactériens et les flux d’azote dans les sédiments (Nedwell et al., 1999). Elles forment un biofilm réparti en patchs rendant leur étude aléatoire et variable selon les sites, complexifiant les comparaisons inter-sites (Underwood and Kromkamp, 1999). La biomasse de chlorophylle a peut varier au sein d’une année entre 1

et 560 mg m-2 (MacIntyre et al., 1996; Underwood, 1997) et le maximum enregistré à

Brouage serait de 300 mg m-2 (Blanchard et al., 2001).

1.1.3.2 Une forte production de substances exopolymériques

La migration de ces algues et le développement du biofilm s’accompagne d’une forte production d’EPS (Blanchard et al., 2001; Underwood and Paterson, 2003; Herlory et al., 2004). La production d’EPS à partir de composés carbonés issus de la photosynthèse dure environ 0,5 à 2 h jusqu’à l’excrétion (de Brouwer et al., 2003; Bellinger et al., 2005; Hanlon et al., 2006; Haynes et al., 2007). Cette production est conditionnée par des facteurs environnementaux comme la température ou la lumière ou encore la limitation en nutriments (Underwood and Paterson, 2003). D’après la littérature, les EPS glucidiques seraient sécrétés majoritairement par les micro-algues afin de réaliser leurs migrations tidales et se protéger face à la dessiccation ou aux fortes salinités (Orvain et al., 2014b). Ces EPS sont également sécrétés en réponse à un excès de carbone dans la cellule qui est ainsi expulsé par sécrétion de glucides (Smith and Underwood, 2000). Par ailleurs, les EPS glucidiques stabiliseraient le biofilm et permettrait une diminution de la remise en suspension de la surface du sédiment lors des marées hautes (Underwood and Paterson, 2003; Lundkvist et al., 2007; Lubarsky et al., 2010; Orvain et al., 2012). Ce rôle est largement énoncé et étudié dans la littérature mais une synthèse récente suggère que les diatomées elles-mêmes auraient un rôle dans cette stabilisation qui serait le résultat de la présence des cellules et de leur production d’EPS (Stal, 2010). Les protéines seraient produites en majorité par les procaryotes en réponse à un stress environnemental ou lors d’une première adhésion à un substrat (Lubarsky et al., 2010). Les

(Boetius, 1995; Haynes et al., 2007). Le lien entre les EPS issus des micro-algues et leur assimilation par les bactéries est encore peu connu et il reste difficile d’identifier les procaryotes capables spécifiquement de dégrader et/ou d’assimiler un certain type d’EPS (Haynes et al., 2007). A l’heure actuelle, le développement des techniques de marquages par isotopes stables (SIP = Stable Isotope Probing) permettent de marquer les composés carbonés produits par les diatomées et de suivre leur assimilation par les bactéries. Par la suite, l’ADN ou l’ARN procaryotique est extrait puis séparé par ultra-centrifugation. Cette technique permet le traçage précis du devenir des EPS microphytobenthiques dans le compartiment microbien.

Encart méthodologique 1. La mesure des activités bactériennes dégradant les EPS

L’étude des interactions entre MPB et procaryotes est de plus en plus réalisée et semble complexe à la vue du nombre de relations positives ou négatives possibles. Dans ce travail, il s’agissait de mesurer in situ la dégradation des EPS glucidiques et protéiques par les procaryotes. Les enzymes à cibler peuvent être des chitobiases, des lipases ou des aminopeptidases selon les molécules à hydrolyser. Basé sur des études préalables (Agogué et al., 2014; Mallet et al., 2014), et sur la littérature (Boetius, 1995), notre choix s’est porté d’étudier les activités de la β-glucosidase et de l’aminopeptidase, respectivement responsables de l’hydrolyse des sucres (en glucose) et des protéines. Ces enzymes sont des exo-enzymes rendant leur étude possible même sur du sédiment congelé. La mesure de ces activités est réalisée grâce à l’addition d’un substrat qui une fois hydrolysé fluoresce et la fluorescence est proportionnelle à la quantité de substrat formé. Le principe de ces mesures est de replacer l’enzyme en conditions in situ afin d’évaluer l’activité maximale potentielle de la communauté. Ce dosage demande de réaliser des tests préalables afin d’ajouter à l’enzyme une quantité saturante de substrat pour éviter de biaiser la mesure. Ce protocole a été utilisé et optimisé pendant ce travail de thèse et se trouve en Annexe 17.

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