Management, développement et pérennité de l’entreprise familiale
Section 2. La gouvernance de l’entreprise familiale
2.3. Les spécificités de la gouvernance des entreprises familiales
En effet, lorsque le marché des dirigeants est très actif, il devient dans l’intérêt des dirigeants de l’entreprise d’éviter des comportements susceptibles de nuire à la bonne performance de celle-ci. Ils doivent alors faire preuve de hautes qualités managériales, susceptibles de satisfaire leurs employeurs. Les dirigeants considérant par là, que leurs performances affecteront leurs opportunités d’emplois futurs, seront d’autant plus motivés à limiter leurs comportements opportunistes et à prendre des décisions optimales pour la création de valeurs pour les actionnaires (Fama, 1980). Le dynamisme du marché des dirigeants peut donc constituer un mécanisme de gouvernance très efficace.
2.2.2.5. L’éthique et la morale de la société (environnement externe)
L’éthique et la morale de la société (environnement externe) correspondent à une philosophie de gestion qui se situe au-dessus des règles particulières. Ces règles s’appliquent ou devraient s’appliquer autant aux sociétés ouvertes qu’aux PME.
l’entreprise, et la légitimité qui signifie l’alignement de la marche de l’entreprise sur les intérêts des différentes parties prenents (Neubauer et Lank, 1998).
Aussi, lorsque la famille manifeste une forte tendance à concentrer entre ses mains la majorité de la propriété de l’entreprise, on assiste à une confusion entre les systèmes de gouvernement et de gouvernance (Hirigoyen, 2002). Il devient ainsi, très difficile de trouver un juste équilibre, entre les pouvoirs du conseil d’administration (qui est constitué par des membres du cercle familial ou bien nommés par eux), et ceux des dirigeants pour que le système fonctionne en cohérence avec les deux objectifs majeurs cités précédemment (la viabilité et la légitimité).
Ward (1991) propose une analyse de l’évolution de l’entreprise familiale en trois phases à travers la gouvernance et le gouvernement. L’auteur résume cette approche dans le tableau ci-dessous.
Tableau 16 : Evolutions de l’entreprise et des objectifs familiaux Phase d’évolution de la structure de
propriété
Les préoccupations relatives aux actionnaires-propriétaires
Phase 1 : le(s) fondateur(s) La transition du leadership La planification de la succession Les assurances pour le conjoint.
Phase 2 : le partenariat entre frères et sœurs (the sibling partnership)
Le maintien de la cohésion.
Le maintien de la propriété et du contrôle familiaux.
La succession.
Phase 3 : la confédération de cousins.
Les préoccupations financières (dividendes, niveaux d’endettement et de profit)
Niveau de liquidité des titres de propriété.
La culture, les traditions familiales.
La résolution des conflits familiaux.
La participation et le rôle de la famille.
Les liens entre famille et entreprise.
Source : Ward (1991).
La phase 1 est caractérisée par la confusion entre propriété et gouvernement de l’entreprise. La phase 2 est caractérisée par l’émergence de contraintes inhérentes à la dilution de la propriété avec l’élargissement du cercle familial (deux générations). A la phase 3, la complexification exige des mécanismes explicites.
Pour Gersick et al (1997), deux préoccupations caractérisent cette troisième phase de la vie de l’affaire familiale : d’un coté, il faudrait gérer la complexité de la famille et des actionnaires (le cercle familial comprend des membres de divers âges et qui ne sont pas neutres vis-à-vis des conflits qui opposeraient leurs parents (Hirigoyen, 2002). D’autre part, il y a création d’un marché de capital interne à l’entreprise avec l’introduction de clauses d’agrément et de préemption au profit des associés dans les statuts.
2.3.2. Le système de gouvernance suivant le stade de développement de l’entreprise Au premier stade de sa vie, l’entreprise familiale est créée par un seul fondateur qui en détient la propriété et en est le gérant avec tous les pouvoirs de décision, même s’il fait appel, de temps à autre, à des conseils consultatifs. Il incarne à lui seul le système de la gouvernance de sa propre entreprise (Ward, 1991).
Au second stade de la vie de l’entreprise familiale, qui est en réalité un ensemble de phases distincts qui débutent par un partenariat familial dans lequel les parents partagent la propriété de l’entreprise avec leurs enfants et finit lorsque la participation des parents prend fin et la propriété est transmise entièrement aux enfants qui deviennent ainsi totalement responsables de l’affaire familiale.
Ceux-ci se réunissent et se consultent officieusement pour parvenir à un consensus sur certaines décisions à prendre. Cette période de la vie de l’affaire familiale est nommée dans la littérature période des réunions « auteur de la table de cuisine ». Certains enfants du groupe peuvent faire preuve d’un niveau d’engagement beaucoup plus important dans la gestion de l’affaire que d’autres du même groupe. Dans de telles conditions, c’est le niveau de confiance qui règne entre eux qui détermine souvent le caractère officiel de la pratique de la gouvernance (Ward, 1991).
Au troisième stade de la vie de l’entreprise, la taille de la famille est beaucoup plus importante, et un groupe de cousins intègrent l’entreprise, ce qui rend cette dernière beaucoup plus complexe et nécessite alors l’établissement d’une pratique de gouvernance plus formelle que celle de la précédente étape de la vie de la firme. Certains membres familiaux peuvent continuer à participer à la fois, à la direction, à la propriété et au conseil d’administration. Ils sont de ce fait impliqués à la fois dans la gestion et dans la gouvernance. Lorsque les
souvent une forme plus fiduciaire (Ward, 1991). Ceci veut dire que, le degré de formalisme des pratiques de gouvernance dépend du degré de confiance entre les propriétaires majoritaires et les responsables de la direction et ceci détermine également dans quelle mesure la famille pourra continuer à assurer la gouvernance de l’entreprise.
Au quatrième stade de la vie de l’entreprise, avec le changement de la taille de la propriété, la complexité est telle que le développement de l’entreprise familiale qui fonctionne parallèlement à la gouvernance des affaires rend souvent le dispositif de gouvernance de plus en plus formel et complexe (Ward, 1991). Certains membres de la famille peuvent être présents à la fois aux trois niveaux, la propriété, direction et conseil d’administration. A ce stade, l’entreprise familiale est un holding, et nécessite alors un conseil d’administration capable de gérer stratégiquement un ensemble d’entreprises.
2.3.3. La gouvernance familiale 2.3.3.1. Missions et objectifs
Fondamentalement la gouvernance familiale a pour but :
d’entretenir un actionnariat à la fois stable et motivé ;
de maintenir et renforcer les liens entre les membres de la famille d’un côté et entre la famille et l’entreprise d’un autre côté, qui est un rôle très délicat au vu des divers antagonismes évoqués dans les développements précédents ;
d’assurer un professionnalisme de la part des actionnaires à l’égard de l’entreprise pour éviter d’en entraver le fonctionnement.
L’efficacité de cette structure dépend évidemment de son aptitude à concrétiser sa mission fondamentale, telle que définie ci-dessus. Mais au cours de la réalisation de ces objectifs de base, on peut juger la qualité de ses performances, notamment en constatant certains indicateurs ou traits caractéristiques, parmi lesquels :
elle parvient à faire connaître et apprécier l’entreprise à tous les membres de la famille ;
elle permet de renforcer les relations entre membres de la famille à travers les différentes rencontres qu’elle organise ;
elle développe un sens d’appartenance et un sentiment de fierté au sein de l’actionnariat familial ;
elle guide le développement et la mise enœuvre d’un protocole familial ;
elle encourage l’implication du plus grand nombre de membres de la famille dans des activités telles que des programmes de formation commerciale, la définition et la mise en place de règles familiales, l’organisation d’événements festifs, la rédaction de l’histoire de la famille et de l’entreprise et la participation à des projets philanthropiques ;
elle promeut les valeurs de la famille et assure la relève ;
et enfin, elle facilite la communication familiale.
2.3.3.2. La composition de la structure de la gouvernance familiale
Pour que ce système de gouvernance remplisse à bien les fonctions qui lui sont dévolues, il est évident qu’il est impératif qu’il soit doté d’une très bonne organisation. Et ceci est d’autant plus facile que la famille et l’entreprise sont de petites dimensions. Mais au fur et à mesure que celles-ci s’agrandissent, le degré de complexité et de sophistication du système de gouvernance devra également suivre.
Dans les entreprises familiales les plus avancées et sophistiquées, le système de gouvernance familial est organisé autour des structures suivantes.