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DANS LE TRAITEMENT DE LA DOULEUR CHRONIQUE

2. Fondement théoriques des thérapies cognitivo-comportementales :

2.1. Les modèles cognitifs :

2.1.3. Les schémas cognitifs :

La cognition est le produit de l’ensemble du traitement de l’information. La mémoire de l’individu est constituée d’informations qu’il a encodées tout au long de sa vie. Pour des raisons liées à des expériences personnelles, cet encodage privilégie des schémas de pensée plus ou moins réalistes et plus ou moins efficaces qui l’amènent à organiser et à vivre son expérience présente.La notion de schéma renvoie à la mémoire à long terme et à l’organisation des connaissances.

« Le terme de schéma a été introduit en psychologie par Kant, dans la critique de la raison pure, puis repris par Piaget (1964) pour décrire la construction de la pensée. Les schémas dont parle

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Beck (1976) sont liés essentiellement à des émotions et sont faits de croyances et d’interprétations. » J.Cottreaux (2017 :61)

D’après Young 2013, les schémas cognitifs représentent les croyances profondes sur nous-mêmes et sur le monde qui sont acquises dans la tendre enfance. Ils possedent trois caractéristiques. La première est que les schémas sont des thèmes qui prennent racine dans l’enfance et se répètent tout au long de la vie comme la méfiance, l’adandon, la dépendance…Le seconde est le fait que les schémas ont un mécanisme autodestructeur ; il affecte notre identité, notre santé, notre humeur, nos relations avec autrui…enfin, la troisième caractéristique est que les schémas luttent pour leur survie.

« Les schémasnous conduisent à voir certaines situations sous un angle erroné. Ils déclenchent nos modes cognitifs ».J.Young, J.Kolosko (2013 :24)

La notion de schémas cognitifs s’est développée avec Jeffret Young, psychologue américain. Elle est issue de la thérapie cognitive qui fut mise au point par Aron Beck. Entre(1990-1999), Young s’est interessé plus finement aux schémas cognitifs. Il a élaboré une nouvelle thérapie qu’il a nommé « thérapie des schémas ». Elle se base sur la reconnaissance et la modification des schémas dysfonctionnels. Cette approche thérapeutique originale est integrative. Elle a combiné des techniques cognitives et comportementales à des techniques psychanalytiques, la théorie de l’attachement, la gestalt-thérapie et des techniques existentielle-humanistes.

« La thérapie des schémas est en plein essor, et son efficacité commence à être reconnue grâce à des études rigoureuses récentes (Giesen-Bloo, 2006) » L. Chaloult (2008 :13)

D’après I.Young (2005), il s’agit d’une expansion de la thérapie cognitive et comportementale qui insiste sur l’exploration de l’origine des problèmes dans l’enfance et l’adolescence, sur des techniques émotionnelles, sur la relation thérapeutique et sur les styles d’adaptation dysfonctionnels.

« Les thérapies cognitives sont fondées sur la notion des schémas, structures imprimées par l’expérience sur l’organisme, stockées dans la mémoire qui traite l’information de manière inconsciente, c'est-à-dire automatique. Les schémas représentent des interprétations personnelles de la réalité qui influencent les stratégies individuelles d’adaptation dans la mesure où ils traduisent une attention sélective à des évènements ».Q. Debray (2005 : 14)

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Notre interet d’agir sur les schémas dans la prise en charge de la douleur chronique et le fait que chaque personne donne un sens, une représentation, une cognition à un affect. Il s’agit de schéma cognitif. La thérapie cognitive vise à modifier les pensées et les raisonnements dysfonctionnels, qui proviennent des schémas dysfonctionnels. La douleur induit une émotion qui est transformée en phénomène mental. Les schémas dont parle Beck représentent les interprétations personnelles de la réalité qui ont une influence sur les stratégies individuelles d’adaptation. J. Cottraux, 2007, définit le schéma cognitif comme une structure imprimée par l’expérience sur l’organisme qui va engendrer un traitement spécifique de l’information provenant de l’environnement ou des états somatiques.

J.Young (2005) définit un schéma inadapté précoce comme un modèle ou un thème important et envahissant. Il est constitué de souvenirs, émotions, cognitions et sensations corporelles concernant soi-même et ses relations avec les autres. Il se constitue aucours de l’enfance ou de l’adolescence et s’enrichi tout au long de la vie de l’individu. Il est dysfonctionnel de façon significative.

« Les schémas contiennent un ensemble de règles inflexibles ou « postulats silencieux » qui se présentent sous une forme impérative. Ces postulats sont implicites, rarement conscients, et guident les jugements que le sujet porte sur lui-même. La perte de l’estime de soi, l’indécision, le pessimisme, le désespoir irréaliste et l’apparition de rêves lugubres ne sont que la traduction clinique de la perturbation du traitement de l’information par les schémas. Le passage des schémas (structures profondes) vers des évènements cognitifs (structures superficielles) se fait par l’intermédiaire des processus cognitifs dont la distorsion traduit une perturbation profonde et stable des mécanismes de la pensée logique ». J. Cottraux (2004 :84).

Les postulats peuvent se présenter sous une forme conditionnelle exemple : « si je suis malade, je n’ai pas de valeur et donc je suis rejeté » ; ou inconditionnelle et impérative par exemple : « je dois tout le temps et toujours être en bonne santé pour être aimée par tous le monde ».

« Les deux postulats principaux se traduisent par des règles de conduite (« je dois »).

- La soumission pour obtenir ou conserver l’affection des autres (« je dois toujours et partout être aimé sincèrement et approuvé par toutes les personnes que j’estime importantes sinon je ne vaux rien »). Si être en relation avec les autres risques d’aboutir à la perte d’approbation, le postulat va aboutir à un retrait social et au conformisme,

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- Le postulat perfectionniste (« je doit prouver tout le temps et toujours que je suis compétent dans la vie, sinon je ne vaux rien »).J. Cottraux (2004 :170).

2.1.3.1. Le rôle des expériences précoces dans la constitution des schémas inadaptés :

J.Young (2005) a observé quatre types d’expériences de vie précoce qui concourent à la constitution des schémas inadaptés :

1/ La frustration des besoins fondamentaux tels que la stabilité, la compréhension et l’amour qui induit des schémas de Manque affectif ou d’Abandon.

2/ La traumatisation ou la victimisation où l’enfant est maltraité ou victimisé qui développe en conséquenceun schéma de Méfiance /Abus, d’Imperfection/Honte, ou de Peur du danger ou de la maladie.

3/ L’excès de satisfaction des besoins : l’enfant choyé et hyperprotégé qui développe un shéma de Dépendance/Incompétance ou l’enfant n’ayant aucune limite d’autonomie qui développe le schéma de Droits personnels exagérés/Grandeur.

4/ L’internalisation ou l’identification sélective avec des personnages importantes ou l’enfant internalise certaines pensées, émotions,expériences et comportements et en fait des schémas et d’autres deviennent des styles d’adaptation.

2.1.3.2. Les schémas cognitifs inadaptés :

J.Young définit 18 schémas précoces inadaptés ; nous nous basons sur les 13 schémas de l’enfant que nous évaluerons selon l’échelle de Young à savoir : L’abandon, la méfiance, l’incompétence, la carence émotionnelle, l’isolement, l’autocontrôle insuffisant, le sacrifice de soi, sens moral implacable, l’attachement, la vulnérabilité, la dépendance, l’inhibition émotionnelle, et enfin la peur de perdre le contrôle.

La thérapie des schémas se déroule en deux étapes : une étape de diagnostic qui identifie les schémas inadaptés et informe leur action, la seconde consiste au changement qu’on appelle assouplissement.Selon J.Young (2005), un schéma ne disparait jamais complètement. La thérapie permet d’obtenir qu’il soit moins souvent activé et que l’affect négatif qui l’accompagne soit moins intense et moins prolongé. C’est ce que nous avons envisagé de faire dans notre étude. Il s’agit d’introduire un recul vis-à-vis des cognitions dysfonctionnelles, d’apprendre au patient à

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modifier sa manière de percevoi la douleur, à corriger la manière dont il l’interprète et à remettre en question ses cognitions pour arriver à des interprétations plus justes et plus réalistes.